CA Paris, 13e ch. A, 19 décembre 1990, n° 90-5836
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Jacquière
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Couderette
Avocat général :
M. Bouazzouni
Conseillers :
MM. de Thoury, Martinet
Avocat :
Me Isern Real.
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le tribunal a déclaré D Bernard coupable:
D'avoir dans l'Yonne, le 20 janvier 1987, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, prix et conditions de vente de biens ou de services, en l'espèce par une petite annonce de vente dans le journal Hebdo d'un véhicule d'occasion "entreprises très bon état" alors qu'il s'agissait d'une épave;
Faits prévus et réprimés par les articles 44-I, 44-II al. 9, 44-II al. 3 et 6 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905;
D'avoir à Sens, le 28 janvier 1987, trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise vendue sous la dénomination fausse de véhicule d'occasion en très bon état alors qu'il s'agissait d'une épave de véhicule avec cette circonstance que le délit a eu pour conséquence de rendre la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme;
Faits prévus et réprimés par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905, 2-1° de la loi du 1er août 1905;
Et par application des articles précités;
L'a condamné à la peine de trente mille francs d'amende;
Ordonné aux frais du condamné la publication par extraits du jugement dans le journal l'Yonne Républicaine;
Dit que le coût de cette publication ne devrait pas dépasser la somme de 2 000 F;
Renvoyé F Ernest des fins de la poursuite du chef de tromperie sur la prestation de services fournie en l'espèce le contrôle technique d'un véhicule d'occasion Citroën CX effectué le 5 décembre 1986 avec cette circonstance que ladite tromperie a eu pour conséquence de rendre la marchandise dangereuse pour la santé de Jacquière Pascal;
Faits commis à Sens, le 28 janvier 1987, et ce sans peine ni dépens, en application des dispositions de l'article 470 du Code de procédure pénale;
Statuant sur l'action civile,
Reçu M. Jacquière en sa constitution de partie civile;
Condamné D Bernard à payer à M. Jacquière la somme de 5 607 F à titre de dommages-intérêts;
Et au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale la somme de 800 F;
Vu les articles 473 et suivants du Code de procédure pénale a condamné D Bernard aux dépens lui incombant liquidés à la somme de 355,52 F;
Appels:
Appel a été interjeté par:
D Bernard, le 1er avril 1988;
Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Sens, le 4 avril 1988, contre D et F.
Arrêt du 10 mai 1989:
Par arrêt, en date du 10 mai 1989, cette chambre de la cour a:
Confirmé sur la culpabilité en ce qui concerne D, la mesure de publication et les intérêts civils le jugement déféré;
Infirmé pour le surplus:
Déclaré F Ernest coupable des faits de tromperie aggravée qui lui étaient reprochés, tels que visés à la citation;
En répression a condamné D à cinq mois d'emprisonnement et F à dix mille francs d'amende;
Y ajoutant, a condamné D à payer à Jacquière Pascal la somme de deux mille francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Condamné, chacun des prévenus, à la moitié des dépens, ceux d'appel étant liquidés à la somme de 556,97 F en ce compris les droits de poste et fixe (79,20 + 250 F).
Arrêt de la Cour de cassation:
Par arrêt, en date du 22 mai 1990, la Cour de cassation a:
Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 mai 1989, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
Renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil;
Ordonné l'impression de l'arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Décision:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi:
Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre d'un jugement du Tribunal de grande instance de Sens du 25 mars 1988, auquel il est expressément fait référence pour l'exposé des faits, ayant condamné D Bernard pour publicité mensongère et tromperie sur l'origine la nature ou les qualités substantielles de la marchandise vendue à la peine de 30 000 F d'amende avec publication de la décision par extrait dans le journal l'Yonne Républicaine sans que le coût puisse dépasser 2 000 F, ainsi qu'à payer à M. Jacquière, partie civile, 5 607 F à titre de dommages-intérêts et 800 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Par arrêt contradictoire (article 410 du Code de procédure pénale) cette cour a confirmé le jugement en ce qui concerne la culpabilité et les intérêts civiles et a condamné D à la peine de 5 mois d'emprisonnement;
Cet arrêt a été cassé le 22.5.1990 par la chambre criminelle de la Cour de cassation au motif que le prévenu avait été cité pour le vendredi 6 mars 1989 à 13h30 devant la 13e chambre, que le 6 mars était en réalité un lundi, que l'intéressé n'était pas en mesure d'apprécier la portée de la citation et que celle-ci aurait dû être annulée;
L'affaire a été renvoyée devant la cour de céans autrement composée et la 13e chambre de cette cour a été régulièrement saisie dans les conditions fixées;
Le prévenu sollicite sa relaxe en soutenant que l'expertise visée au jugement est critiquable et que les faits qui lui sont reprochés tant en ce qui concerne la publicité que la tromperie ne sont pas établis;
La partie civile demande la confirmation du jugement en ce qui la concerne sauf à voir porter à 2 000 F l'indemnité de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Le Ministère public conclut à une peine de 9 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et de 20 000 F d'amende;
Considérant qu'il résulte du dossier et des débats que le 28.01.1987 D, qui est un professionnel, a vendu à Jacquière une CX d'occasion pour le prix de 14 500 F à la suite d'une publicité qu'il avait fait paraître dans le journal Hebdo présentant le véhicule comme en très bon état;
Qu'insatisfait l'acquéreur l'a fait examiner le 4.2.1987 par un centre de contrôle et que cet examen a révélé que le break CX présentait de nombreuses anomalies: freins, fuite d'huile, phares, pneus, corrosion, véhicule tirant énormément à gauche; et indiqué en conclusions qu'il avait été gravement accidenté, était dangereux en l'état et nécessitait une remise en état sur marbre;
Qu'il importe peu que l'acquéreur soit venu essayer le véhicule avec un conseiller ni qu'un précédent contrôle effectué en décembre 1986 n'ait signalé que des anomalies mineures;
Que l'enquête a établi que D ne pouvait pas ignorer quand il en a fait l'acquisition que la CX avait été gravement accidentée;
Qu'il a d'ailleurs reconnu tant devant les policiers au cours de l'enquête que devant le tribunal à propos de son annonce: j'ai fait une erreur en disant "en très bon état" mais il faut bien attirer le client; et qu' il ne remet pas en cause cette affirmation devant la cour;
Considérant que c'est dans ces conditions à bon droit que les premiers juges ont dit que le prévenu s'était rendu coupable de publicité mensongère en faisant paraître une annonce susceptible d'induire le cocontractant en erreur et avait volontairement trompé celui-ci sur les qualités substantielles de la marchandise vendue;
Que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il proclame la culpabilité du prévenu;
Considérant, en ce qui concerne la peine, que la publicité ordonnée doit être maintenue dans les conditions fixées en première instance; que D a déjà été condamné pour des faits semblables et qu'il convient de lui faire une application différente de la loi pénale dans les conditions qui seront précisées au dispositif du présent arrêt;
Considérant , sur les intérêts civils, que le véhicule a été restitué au vendeur et que celui-ci a rendu son chèque à la partie civile;
Que pour fixer à 5 607 F le montant du préjudice de la partie civile subsistant après la double restitution le tribunal a pris en compte toutes les réclamations de M. Jacquière, dont la principale vise à hauteur de 4 666,81 F le coût du crédit contracté pour l'acquisition du véhicule, crédit que la partie civile reconnaît avoir utilisé pour l'achat d'un autre véhicule;
Qu'il faut admettre certains frais exposés en raison des délits commis et tenir compte du préjudice d'ordre moral lié aux tracas subis du fait de l'opération avortée par la faute du prévenu, la cour trouvant éléments d'appréciation nécessaires et suffisants pour fixer à 3 000 F toutes causes confondues le montant du préjudice que D doit réparer;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle en raison de la procédure et non comprises dans les dépens. Que les sommes se trouvent accrues du fait de l'appel et qu'il y a lieu de porter à 2 000 F l'indemnité allouée de ce chef;
Par ces motifs LA COUR Vu l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 mai 1990; Reçoit les appels réguliers en la forme; Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Sens du 25.03.1988 en ce qu'il a retenu la culpabilité de D Bernard et ordonné la publication de la décision dans l'Yonne Républicaine pour un coût ne dépassant pas 2 000 F; L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau; Condamne le prévenu à la peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans sous les obligations de l'article 58-1, 3 et 6 du Code de procédure pénale; Le condamne à payer à pascal Jacquière partie civile la somme de trois mille francs à titre de dommages-intérêts et celle de deux mille francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel ceux du présent arrêt étant liquidés à la somme de 608,65 F; Après avoir prononcé cette condamnation, le Président a formulé l'avis prévu par l'article 747 du Code de procédure pénale.