CA Grenoble, ch. corr., 11 octobre 1995, n° 986-95
GRENOBLE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Constantin
Substitut :
général: Mme Grimaud
Conseillers :
Mme Obrego, M. Balmain
Avocat :
Me Eisleir.
LA COUR,
Par jugement contradictoire du 19 septembre 1994 le Tribunal correctionnel de Grenoble a notamment:
- relaxé Daniel D de la prévention de tentative de tromperie et de détention de produits alimentaires altérables postérieurement à la date de péremption portée sur l'étiquette,
- déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'UFC 38.
Appel a été relevé par le Procureur de la République.
Le Ministère public demande la réformation du jugement sur la culpabilité et le prononcé des peines prévues par la loi en critiquant l'acceptation par le tribunal de la délégation invoquée.
Daniel D, prévenu, demande la confirmation du jugement qui l'a relaxé au motif de l'existence d'une délégation "de responsabilité" satisfaisant aux critères posés par la jurisprudence.
Sur l'action publique
1. Les faits de détention de produits alimentaires altérables postérieurement à la date de péremption portée sur l'étiquette sont constitutifs d'une contravention de police amnistiée de plein droit par application de l'article 1er de la loi 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie.
2. Il est constant et non contesté que le 19 mai 1993 au magasin "X" de Claix (Isère) les services de la DGCCRF de l'Isère ont constaté d'une part le remplacement d'étiquettes de denrées alimentaires d'origine animale portant sur une date de péremption dépassée par d'autres portant une date plus lointaine, d'autre part la remise en vente au rayon à la coupe de mêmes denrées après extraction de celle-ci de l'emballage portant une date périmée.
L'élément intentionnel du délit de tentative de tromperie résulte du non-respect par le chef d'entreprise de son obligation légale de veiller personnellement au respect des règles légales d'exploitation de son activité concernant les produits périmés.
La responsabilité pénale est hors du commerce et ne peut donc directement faire l'objet d'un contrat. Le dirigeant de l'entreprise concernée peut toutefois s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qui lui incombe de ce qu'il a délégué ses pouvoirs de direction, de surveillance et de contrôle à un subordonné qualifié pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'application de la loi.
A cet égard il suffit de lire le contrat de travail du chef de rayon boucherie, auquel Daniel D voudrait voir imputer les infractions constatées et la définition "non négociable" (sic) de son poste pour voir que celui-ci ne s'est pas vu déléguer l'exercice autonome du pouvoir disciplinaire sur ses subordonnés et ne dispose donc pas concrètement des pouvoirs propres pour veiller efficacement au respect de la loi par ceux-ci sans en référer à Daniel D.
Le jugement sera donc réformé par la condamnation de Daniel D à une amende.
Par ces motifs Reçoit l'appel du Ministère public contre le jugement rendu le 19 septembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Grenoble, Sur l'action publique Réforme en toutes ses dispositions le jugement attaqué, Constate l'amnistie de droit des contraventions de détention de produits alimentaires altérables postérieurement à la date de péremption portée sur l'étiquette, Déclare Daniel D coupable de tentative de tromperie, Le condamne à 5 000 F d'amende, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts à la charge du condamné et Dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 451 du Code de procédure pénale, Le tout par application de l'article L. 213-1 du Code de la consommation.