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Décisions

CA Grenoble, ch. corr., 1 juin 1995, n° 638-95

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Union fédérale des consommateurs de la Drôme, FDA familiales et rurales de la Drôme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Balmain

Substitut :

général: M. Bazelaire

Conseillers :

Mme Husquin, M. Fournier

Avocats :

Mes Bouquet, Pelissier, Barthomeuf.

TGI Valence, ch. corr., du 22 oct. 1993

22 octobre 1993

Attendu que Jean-Luc M et Léon N ont été poursuivis devant le Tribunal de grande instance de Valence, prévenus d'avoir à Savasse (26) le 15 avril 1992:

- trompé ou tenté de tromper le contractant sur les qualités substantielles de la marchandise, en l'espèce sur la fraîcheur en indiquant une fausse date d'emballage sur les oeufs dont ils effectuaient le conditionnement (post-datage d'un ou deux jours),

- effectué une publicité comportant des allégations fausses portant sur les qualités substantielles de la marchandise, en l'espèce sur la fraîcheur, en apposant sur les emballages des oeufs des étiquettes indiquant de fausses dates d'emballages,

- omis d'indiquer sur des emballages d'oeufs le numéro du centre de conditionnement et les mentions obligatoires relatives aux dates d'emballage et de consommation;

Attendu que par jugement en date du 22 octobre 1993, le Tribunal de grande instance de Valence a renvoyé Jean-Luc M et Léon N des fins de la poursuite des chefs de publicité mensongère et de défaut de mention obligatoire des dates d'emballage et de consommation des oeufs, a requalifié le délit de tromperie en tentative de délit, a déclaré les deux prévenus coupables de tentative de tromperie et de 132 contraventions d'omission d'indication sur des emballages d'oeufs du numéro du centre de conditionnement et les a condamnés chacun à la peine de 8 000 F d'amende pour tentative de tromperie, à 132 amendes de 10 F chacune pour les contraventions connexes, a ordonné la publication par extraits du jugement dans le journal Le Dauphiné Libéré aux frais des prévenus, le coût de l'insertion étant limité à 5 000 F;

Attendu que statuant par ce même jugement sur les actions civiles, le tribunal de grande instance a reçu en leur constitution de partie civile l'UFCD et la FDAFD et condamné solidairement M et N à payer à chacune de ces deux parties civiles la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu que M et N ont régulièrement interjeté appel des dispositions pénales et civiles de ce jugement; que le procureur de la République a également relevé appel de cette décision;

Sur l'action publique:

Attendu que les premiers juges ont exactement considéré que le délit de publicité mensongère n'était pas constitué en l'espèce dès lors que les emballages d'oeufs incriminés se trouvaient encore dans les locaux de la X, et qu'ils n'avaient pas encore été commercialisés et présentés au public; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision de renvoi des fins de la poursuite exercée du chef de publicité mensongère, délit prévu et réprimé à la date des faits par l'article 44-I de la loi du 27 décembre 1973 et à ce jour par l'article L. 121-1 du Code de la consommation;

Attendu qu'il est fait grief aux prévenus d'avoir tenté de tromper le contractant sur les qualités substantielles de la marchandise, en l'espèce sur la fraîcheur, en indiquant une fausse date d'emballage sur les oeufs dont ils effectuaient le conditionnement (post-datage d'un ou deux jours);

Attendu que lors d'un contrôle effectué à la X le 15 avril 1992 il a été constaté qu'un post-datage d'un jour avait été effectué sur 11 cartons de 200 oeufs frais,30 cartons contenant chacun 30 boîtes de 6 oeufs frais, 48 fourreaux de 6 oeufs frais extra de marque Y, 22 cartons contenant chacun 6 fourreaux de 6 oeufs frais extra de marque Z, 18 gros emballages de 360 oeufs frais d'un autre calibre; qu'il a encore été constaté un post-datage de 2 jours sur 18 emballages contenant chacun 30 boîtes de 6 oeufs frais de marque Z;

Attendu que l'infraction de tromperie prévue et punie à la date des faits par l'article 1er de la loi du 1.8.1905 devenu l'article L. 213-1 du Code de la consommation suppose l'existence d'une intention coupable qui fait défaut en l'espèce;

Attendu en effet que l'article premier du règlement (CEE) n° 1274-91 de la Commission du 15 mai 1991, applicable à l'époque des faits, dispose:

* dans son paragraphe premier:

1°) Les oeufs sont livrés par le producteur aux établissements visés à l'article 4 paragraphe 1 point a) du règlement (CEE) n° 1907-90 ou recueillis auprès du producteur par ces établissements au moins tous les trois jours ouvrables,

Toutefois, la livraison par le producteur au centre d'emballage ou la collecte par celui-ci peut s'effectuer une fois par semaine uniquement lorsque la température ambiante à laquelle les oeufs sont conservés à la ferme ne dépasse pas 18° C,

* dans son paragraphe deux:

2°) La livraison au centre d'emballage ou la collecte par celui-ci des oeufs d'un même producteur destinés à être commercialisé sous la mention "extra" conformément à l'article 12 du règlement (CEE) n° 1907-90, s'effectue tous les deux jours ouvrables lorsque la température ambiante à laquelle les oeufs sont conservés à la ferme ne dépasse pas 18° C,

Pendant une période de transition qui prend fin le 31 décembre 1992, la collecte et la livraison de ces oeufs peut, de manière générale, s'effectuer tous les deux jours ouvrables.

* dans son paragraphe quatre:

4°) Tout collecteur livre les oeufs au centre d'emballage au plus tard le jour ouvrable suivant celui de leur réception.

* dans son paragraphe six:

6°) Le centre d'emballage classe et emballe les oeufs au plus tard le deuxième jour ouvrable qui suit celui de leur réception (sauf...)

* dans son paragraphe sept:

7°) Les marques prévues aux articles 7 et 10 paragraphes 1 et 2 point c) du règlement (CEE) n° 1907-90 doivent être apposées au plus tard le jour du classement et de l'emballage.

Attendu qu'en l'état de cette réglementation, les gérants poursuivis de la X, dont il n'est pas contesté qu'elle produit et emballe sur place ses oeufs, ce qui supprime les délais de livraison entre le producteur et le collecteur d'une part et entre le collecteur et le centre d'emballage d'autre part, n'ont pas agi de mauvaise foi en appliquant le 15 avril 1992 sur leurs emballages d'oeufs les dates des 16 et 17 avril 1992;

Attendu que la date d'emballage des oeufs, qui ne saurait être confondue avec celle de leur ponte, n'est qu'un élément indicatif parmi d'autres de leur état de fraîcheur et n'est au demeurant plus obligatoire au regard de la réglementation actuellement en vigueur;qu'en l'espèce les emballages incriminés comportaient d'autres indications de nature à éclairer le consommateur sur la fraîcheur des oeufs qu'ils renfermaient (mentions: à consommer avant le..., limite d'achat recommandé le...);

Attendu qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de réformer le jugement attaqué et de renvoyer les deux prévenus des fins de la poursuite du chef de tromperie;

Attendu qu'il est enfin reproché aux deux prévenus d'avoir indiqué "sur des emballages d'oeufs le numéro du centre de conditionnement et les mentions obligatoires relatives aux dates d'emballage et de consommation"; que la citation à comparaître vise le seul article 10 du règlement (CEE) du 26 juin 1990; que le tribunal a considéré qu'"au vu du dossier pénal et à la lecture des citations à comparaître (qui ne visent pas les dispositions du règlement (CEE) de 1991) seule la condamnation d'omission d'indiquer le numéro du centre de conditionnement est en l'état caractérisée à propos des emballages "oeufs frais extra Z" au nombre de 132";

Mais attendu que le visa des textes répressifs dans la citation n'a qu'une valeur indicative; que les faits de nature contraventionnelle reprochés aux deux prévenus sont prévus et réprimés par l'article 10 du règlement (CEE) n° 1907-90 et par les articles 14, 15 et 16 du règlement (CEE) n° 1274-91 du 15 mai 1991;

Attendu que nonobstant l'imprécision de la citation quant au nombre exact de contraventions poursuivies, les prévenus n'ont pas été dans l'ignorance de l'étendue des faits qui leur étaient imputés dès lors que le procès-verbal établi par la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en présence de Jean-Luc M renferme des précisions suffisantes à cet égard;

Attendu que les cartons d'oeufs comportaient une date d'emballage prise en compte dans la poursuite comme élément constitutif des délits de publicité mensongère et de tromperie; que les prévenus doivent en conséquence être renvoyés des fins de la poursuite pour la contravention de défaut d'indication des dates d'emballage;

Attendu qu'il est encore reproché aux prévenus pour 48 fourreaux d'oeufs de marque Y et de 22 cartons renfermant chacun 6 fourreaux d'oeufs de marque Z d'avoir omis d'indiquer les mentions obligatoires relatives aux dates de consommation; mais attendu qu'il résulte des énonciations même du procès-verbal de constatations que la mention "à consommer de préférence avant le..." était libellée en abrégé; que l'article 11 du règlement (CEE) du 15 mai 1991 dispose que les marques distinctives apposées conformément aux dispositions des articles 9 et 10 et les mentions portées sur les oeufs en application des articles 16, 17, 18 et 19 doivent être lisibles sans difficulté; qu'il n'est pas démontré ni même allégué que la rédaction en abrégé de la mention relative à la date de consommation recommandée ne permettait pas une lecture aisée de cette mention; qu'il convient donc de relaxer les prévenus de ce chef;

Attendu qu'il est enfin reproché aux prévenus d'avoir omis d'apposer le numéro distinctif de leur centre d'emballage sur les 48 fourreaux de marque Y et sur les 22 cartons de marque Z; que le bordereau de transmission du dossier au procureur de la République établi le 3 septembre 1992 par le Directeur Départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes fait en effet état de 70 infractions relatives à l'étiquetage informatif;

Attendu que Léon N a déclaré dans son audition du 7 janvier 1993 que le numéro du centre se trouvait au dos du fourreau en face du code barre (n° L 326 104 E); que M. Saysset, directeur départemental, a répondu que le numéro du centre de conditionnement fait totalement défaut sur les fourreaux d'oeufs extra Z (cote 4 au dossier) et qu'en l'absence d'une lettre faisant référence à un des centres "oeufs Y" (cote 3 du dossier) il est impossible d'identifier l'établissement ayant procédé au conditionnement des oeufs;

Mais attendu que la réglementation impose seulement de faire figurer le numéro distinctif du centre d'emballage; que ce numéro était porté sur les fourreaux de marque "Y"; que le fait que ce numéro figurait parmi d'autres numéros attribués à d'autres centres d'emballage que la X ne permet pas de considérer que les responsables de cette dernière société se sont rendus coupables de la contravention qui leur est reprochée;

Attendu enfin qu'en ce qui concerne les oeufs de marque Z les constatations sont imprécises et ne permettent pas de se déterminer quant à la matérialité de l'infraction; qu'en effet le défaut d'indication du numéro du centre porte, selon le procès-verbal, sur les 22 cartons d'oeufs Z et non sur les fourreaux et à la cote 4 du dossier figure une étiquette sur laquelle est mentionnée le numéro de la X: 3 26 104 E et qui devait être apposée sur les cartons;

Attendu que les prévenus doivent être également relaxés de ce chef;

Sur l'action civile:

Attendu que les prévenus bénéficiant d'une décision de renvoi des fins de la poursuite, les parties civiles doivent être déboutées de leur action;

Par ces motifs: Recevant les appels réguliers en la forme, Au fond, Réformant le jugement attaqué, renvoie Jean-Luc M et Léon N des fins de la poursuite et déboute de leur action les associations UFC de la Drôme et FDAFR de la Drôme, Condamne lesdites associations aux dépens de l'action civile.