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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 12 décembre 1990, n° 8923-88

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Englander

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Avocat général :

M. Jeanjean

Conseillers :

Mme Magnet, M. Jacob

Avocat :

Me Dardel.

TGI Paris, 31e ch., du 4 févr. 1988

4 février 1988

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt;

Précision étant apportée que les faits ont été commis en avril 1987,

Que les dépens ont été liquidés à 405,55 F.

Appels:

Appel a été interjeté par:

1°) N Ariel, le 3 juin 1988

2°) le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris

Par arrêt de défaut du 8 mars 1989, la cour de céans, confirmant le jugement sur la culpabiluté des chefs de tromperie et de publicité mensongère, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement, 50 000 F d'amende, ordonnant la publication aux frais du condamné de l'arrêt dans le journal Le quotidien du médecin, confirmant sur les intérêts civils, l'a condamné aux dépens (405,55 F); le prévenu a formé opposition à cet arrêt de défaut;

Décision:

Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi;

Ariel N a régulièrement formé opposition à l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris (13e chambre) en date du 8 mars 1989 qui, statuant par défaut à son égard, a déclaré éteinte par l'amnistie l'action publique exercée à son encontre du chef de mise en vente de matériel téléphonique sans justifier de sa conformité, l'a déclaré coupable de tromperie sur la nature, les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi d'une marchandise et de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement et 50 000 F d'amende, a ordonné la publication dudit arrêt, par extraits, aux frais du condamné, dans le journal le quotidien du médecin sans que le coût de l'insertion puisse dépasser 5 000 F et, enfin, l'a condamné à payer à Henri Englander, partie civile, la somme de 2 800 F à titre de dommages-intérêts.

La cour se trouve, dès lors, de nouveau saisie des appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public contre le jugement du Tribunal de Paris (31e chambre) en date du 4 février 1988 qui a condamné Ariel N pour tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'une marchandise, publicité fausse ou de nature à induire en erreur et fabrication et commerce de matériel raccordable au réseau Telecom sans justifier de conformité à trois mois d'emprisonnement et 50 000 F d'amende ainsi qu'à payer à Henri Englander, partie civile, la somme de 2 800 F à titre de dommages-intérêts et, en outre, a ordonné, aux frais du condamné, la publication dudit jugement, par extraits, dans le journal Le quotidien du médecin, en omettant, toutefois de prononcer une peine distincte pour la contravention connexe.

Assisté de son conseil, Ariel N demande à la cour, par voie de conclusions, de:

- "(lui) donner acte du désistement de son opposition sur le chef de publicité mensongère dès lors qu'elle est amnistiable par application combinée des articles 7, alinéa a, et 11, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1988";

- "dire la contravention de police amnistiée";

- "déclarer qu'il n'y a plus lieu à statuer";

- "dire que le délit de tromperie n'est pas constitué";

- "dire qu'il n'y a pas lieu à amende et (le) dire en tout état de cause gracié sur ce chef par application de l'article 3 du décret du 13 juin 1989";

- "prononcer la dispense de toute l'exécution de la peine prononcée le 7 juillet 1985 par le Tribunal de grande instance de Nanterre";

- "dire M. Englander irrecevable sur les intérêts civils".

Quant à Henri Englander, régulièrement cité le 7 août 1990, il a fait connaître, par lettre en date du 12 octobre 1990, que, retenu par ses obligations professionnelles, il ne pouvait se rendre à l'audience de la cour du 14 novembre 1990 mais que, N ne lui ayant toujours pas remboursé l'appareil litigieux, la situation n'avait pas changée, demandant, par-là même, implicitement, la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles.

Considérant que Ariel N a été poursuivi devant le Tribunal de Paris (31e chambre) sous la prévention d'avoir, à Paris, en avril 1987:

1°) trompé le contractant sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi d'un matériel téléphonique non homologué, délit prévu et réprimé par les articles 1er, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905,

2°) effectué une publicité trompeuse sur les qualités substantielles et les conditions d'utilisation des biens, objets de la publicité, en annonçant la vente d'appareils téléphoniques sans préciser que ceux-ci n'étaient pas homologués, délit prévu et réprimé par les articles 44 de la loi n° 73-2293 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905,

3°) mis en vente des appareils téléphoniques non conformes, contravention connexe prévue et réprimée par les articles 6 et 7 du décret n° 85-712 du 11 juillet 1985;

Sur la contravention de police:

Considérant que la contravention de police reprochée à N, qui a été commise antérieurement au 22 mai 1988, se trouve amnistiée en application de l'article 1er de la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988;

Que, dès lors, il convient de déclarer éteinte par l'amnistie l'action publique exercée de ce chef à son encontre, conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 6 du Code de procédure pénale;

Sur le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur :

Considérant que N ne saurait se désister aussi bien de son opposition que de son appel en ce qui concerne le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur qui lui est reproché au motif qu'il serait amnistiable, la peine le sanctionnant étant inférieure à quatre mois d'emprisonnement sans sursis; qu'en effet une seule peine étant prononcée en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, conformément à l'article 5 du Code pénal, la peine de trois mois d'emprisonnement prononcée à son encontre, assortie d'une amende de 50 000 F, réprime tout à la fois ce délit et celui de tromperie qui lui est également reproché, lequel, prévu et puni par l'article 1er de la loi du 1er août 1905, est exclu du bénéfice de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 (article 30-3°);

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que N, gérant de la société X, a fait paraître dans le numéro 223 du 25 avril au 1er mai 1987 de la revue hebdomadaire "Impact médecin" une publicité concernant des matériels téléphoniques non agréés par les PTT sans y mentionner le non-agrément et l'interdiction de leur utilisation sur le territoire français;

Que l'absence d'une telle précision est de nature à induire en erreur le client potentiel sur les conditions d'utilisation de ces appareils, et ce d'autant plus qu'un bon de commande figurant au bas de la publicité, celui-ci ayant été acheté par correspondance, n'avait connaissance de cette caractéristique essentielle pour lui qu'une fois la livraison faite;

Que les premiers juges ont donc à juste titre retenu N dans les liens de la prévention de ce premier chef; que, dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré celui-ci coupable de publicité de nature à induire en erreur;

Sur le délit de tromperie:

Considérant que Henri Englander, qui n'a jamais été entendu, a écrit le 15 mai 1987 à la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Paris en signalant avoir acheté, le 29 avril 1987, sur la foi d'une publicité parue dans la revue Impact médecin, celle-là même rappelée ci-dessus, un détourneur d'appels "immédiat" dont, dès le lendemain, il avait réclamé mais en vain, le remboursement, s'étant aperçu que l'appareil n'était pas agréé par les PTT;

Que pour sa part, N affirme que l'appareil en cause avait été acheté par Englander à son magasin, sis <adresse>, Paris (15e), et que celui-ci avait été préalablement informé du non-agrément PTT;que, sur la facture, qui lui a été remise lors de l'achat, datée du 29 avril 1987, et dont une photocopie figure au dossier, apparaissait, d'ailleurs, la mention " article L. 89 - Code PTT - matériel non homologué PTT - réservé export";

Que N produit, en outre, une attestation datée du 1er juin 1990 et signée d'un de ses employés, Philippe Verrecchia, par laquelle celui-ci certifie avoir été présent au magasin lorsque Englander était venu acheter un détourneur d'appel et avoir lui-même établi la facture correspondante au bas de laquelle figure la mention du non-agrément par le PTT; que Verrecchia y précise, en outre, se souvenir parfaitement que Englander était revenu le lendemain en demandant à se faire rembourser car, disait-il, "il s'était aperçu qu'il pouvait obtenir un renvoi de ligne par l'agence France Telecom pour 15 F par mois, ce qui revenait moins cher que l'achat d'un détourneur";

Que, dans ces conditions, il n'apparaît pas indubitablement établi que Englander, lors de son acquisition, ait été trompé sur l'aptitude à l'emploi de l'appareil payé par lui;que, dès lors, il convient d'infirmer sur ce point le jugement attaqué et de relaxer N de ce second chef de prévention;

Sur la répression:

Considérant que, compte tenu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il y a lieu de faire à N, coupable de publicité de nature à induire en erreur, une application moins rigoureuse de la loi pénale, sans qu'il y ait lieu d'ordonner, en outre, la publication du présent arrêt;

Sur l'action civile:

Considérant que la cour puise dans les circonstances de l'espèce les éléments suffisants pour fixer à 1 000 F le montant du préjudice résultant directement pour Englander, partie civile, du seul délit de publicité de nature à induire en erreur dont s'est rendu coupable N;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement; Reçoit Ariel N en son opposition à l'exécution de l'arrêt du 8 mars 1989 qui se trouve ainsi non avenu; Reçoit l'appel de Ariel N et du Ministère public contre le jugement susvisé du 4 février 1988. Infirmant partiellement le jugement attaqué: Déclare éteinte par l'amnistie l'action publique exercée à l'encontre de Ariel N du chef de mise en vente de matériel téléphonique sans justifier de sa conformité. Relaxe Ariel N du chef de tromperie sur l'aptitude à l'emploi de la marchandise vendue. Déclare Ariel N coupable de publicité de nature à induire en erreur. Le condamne, de ce chef, à vingt mille (20 000) francs d'amende (faits commis antérieurement au 22 mai 1988); Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du présent arrêt. Condamne Ariel N à payer à Henri Englander, partie civile, la somme de mille (1 000) francs à titre de dommages-intérêts. Condamne Ariel N aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers liquidés à 431,43 F; Le tout par application des articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 55-1, alinéa 1er, du Code pénal, 473, 489, 512 du Code de procédure pénale.