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Décisions

CA Angers, ch. corr., 14 février 1991, n° 117

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Association force ouvrière de la Sarthe, Union fédérale des consommateurs, Organisation générale des consommateurs de la Sarthe, Association pour l'information et la défense des consommateurs salariés, Sparacino

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peureux

Conseillers :

MM. Chauvel, Andrault

Avocats :

Mes Plaisant, Choplin, Pavet, Thebaut-Delale, Touchaud, Huvey.

TGI Le Mans, ch. corr., du 11 juin 1990

11 juin 1990

LA COUR

Raymond V, prévenu, sur le tout et le Ministère public contre Raymond V, Guy A et Thierry C ont interjeté appel du jugement rendu le 11 juin 1990 par le Tribunal correctionnel du Mans qui, pour tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule a, sur l'action publique, renvoyé Guy A des fins de la poursuite, déclaré Raymond V et Thierry C coupable des faits qui leur étaient reprochés, leur a infligé à chacun deux mois d'emprisonnement avec sursis et quatre mille francs d'amende et a ordonné la publication à leurs frais du dispositif de la décision dans les journaux "Le Maine Libre" et "Ouest France" et, sur l'action civile, les a condamnés solidairement à payer à Serge Sparacino la somme de 12 160 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 F en vertu de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et à chacune des associations AFOC, ORGECO, UFC 72 et INDECOSA celle de 1 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 500 F au titre des frais irrépétibles.

L'affaire, initialement fixée au 25 octobre 1990, a été renvoyée contradictoirement à l'égard des trois prévenus, de l'AFOC, d'UFC 72 et d'ORGECO et par défaut en ce qui concerne l'INDECOSA et Serge Sparacino, ce dernier n'ayant pas été cité.

Raymond V, Guy A et Thierry C comparaissent en personne, assistés de leurs conseils respectifs. Les deux premiers font plaider leur relaxe.

Le Ministère public requiert la confirmation des dispositions pénales du jugement.

L'ORGECO est représentée par son conseil, lequel dépose des conclusions tendant à la confirmation, en ce qui la concerne, des dispositions civiles du jugement et à l'allocation d'une indemnité complémentaire de procédure de 1 500 F.

L'UFC 72 et l'AFOC s'en tiennent aux conclusions qu'elles avaient fait déposer le 25 octobre 1990.

Régulièrement cités, Serge Sparacino et l'INDECOSA ne sont ni présents ni représentés. Il sera statué par défaut à leur égard.

Sur l'action publique:

Attendu que Guy A est poursuivi pour avoir à La Flèche - Genneteil et Le Mans courant août 1987 et avril 1988, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, étant ou non partie au contrat, trompé même par l'intermédiaire d'un tiers, Thierry C et Serge Sparacino sur les qualités substantielles d'un véhicule Opel Ascona en cédant ce véhicule alors qu'il était dangereux pour la circulation en raison des dommages affectant deux longerons avant.

Attendu que Thierry C est prévenu d'avoir au Mans le 3 avril 1988, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, étant ou non partie au contrat, trompé même par l'intermédiaire d'un tiers, Serge Sparacino sur les qualités substantielles d'un véhicule Opel Ascona en vendant ce véhicule alors qu'il était dangereux pour la circulation en raison des dommages affectant les longerons avant.

Attendu enfin qu'il est fait grief à Raymond V d'avoir à Lezigne (49) courant août 1987 et janvier 1988, en tout cas depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, étant ou non partie au contrat, trompé même par l'intermédiaire d'un tiers, Thierry C et Serge Sparacino sur les qualités substantielles d'un véhicule Opel Ascona en cédant ce véhicule alors qu'il était dangereux pour la circulation en raison des dommages affectant deux longerons avant.

Attendu qu'il résulte des éléments recueillis au cours de l'enquête que Guy A, victime d'un accident de la circulation le 8 mai 1987, a été amené à vendre son véhicule Opel Ascona immatriculé 3273 QV 72 à un ami, Thierry C, lequel avait été informé de son état et avait pris connaissance du rapport de l'expert mandaté par la compagnie d'assurance à la suite du sinistre et du devis de réparation établi par le garage Soreau, que ces deux documents préconisant entre autres réparations, le remplacement du passage de roue et le redressement du longeron tandis que l'ensemble des travaux était évalué à la somme de 11 581,77 F.

Attendu que Thierry C procédait lui-même à la remise en état du véhicule puis le présentait au garage V qui établissait, le 27 août 1987, un rapport de contrôle technique ne mettant en évidence aucune anomalie au niveau du châssis; qu'il circulait au volant du véhicule pendant quatre mois, effectuant environ 9 450 kms, puis le revendait à Serge Sparacino pour le prix de 6 500 F après avoir fait établir, toujours par le garage V, un nouveau bilan technique ne signalant aucun défaut au niveau du châssis.

Attendu que quelques problèmes d'ordre mécanique étant par la suite survenus, Serge Sparacino le faisait examiner le 30 juin 1988 par le garage Rouillard lequel relevait plusieurs défauts au niveau du châssis (soudures de la face avant, plis des longerons avant, pli de passage de roues avant) et considérait le véhicule comme dangereux.

Attendu que l'expert Jamin, commis par le tribunal correctionnel, constatait notamment que la platine avant droite était fixée par des rivets type "Pop" dissimulés sous une épaisse couche d'insonorisant, que les longerons présentaient des plis et des traces de chauffage, que le bras inférieur du demi-train avant-droit était déformé, que la face avant était refoulée au droit de la fixation de la barre stabilisatrice qui était par ailleurs arrachée, que l'aile avant-droite, le tablier et le passage de roue côté droit étaient déformés et qu'un décalage affectait la géométrie d'un train avant.

Attendu que l'expert faisait observer que le redressage du longeron, au moyen de chaînes et grâce à un chauffage au chalumeau, n'avait pas été exécuté conformément aux règles de l'art et avait eu pour conséquence de faciliter l'arrachement de la barre stabilisatrice; qu'il estimait également que Raymond V qui avait constaté l'état du longeron droit, aurait dû signaler ce défaut, même si la déformation se situait au-delà des points d'ancrage du train avant et n'avait pas d'incidence sur la géométrie.

Attendu qu'aucune tromperie sur la qualité substantielle de la chose vendue ne peut être reprochée à Guy A, celui-ci ayant informé Thierry C de l'état du véhicule, en lui remettant à la fois le rapport d'expertise et le devis de réparations; que la décision de relaxe dont il a bénéficié sera confirmée.

Attendu en revanche que la responsabilité pénale de Thierry C doit être retenue, même si celui-ci, simple particulier, a cru pouvoir se retrancher derrière deux bilans techniques réalisés par un professionnel de la réparation automobile.

Attendu, en effet,que Thierry C doit être présumé de mauvaise foi dès lors que, connaissant l'état du véhicule acheté auprès de Guy A, il a pris la décision de le réparer lui-même a commis, par ignorance des règles de l'art, des fautes techniques qui ont contribué à rendre dangereux l'usage de la chose vendue et a omis enfin de faire procéder à un contrôle de la géométrie préconisé par des documents techniques dont il avait eu connaissance.

Attendu, par ailleurs, qu'en se comportant comme un véritable professionnel de la réparation automobile, sans en avoir la compétence et sans respecter les obligations techniques s'imposant à la profession, Thierry C ne peut plus faire état, pour sa défense, de l'éventuelle faute commise par le centre de contrôle technique qui, à deux reprises, n'a mentionné aucune anomalie au niveau du châssis.

Attendu, en toute hypothèse,que la simple dissimulation, d'une part, de la survenance d'un accident antérieurement à la vente et, d'autre part, de l'exécution par un profane des réparations nécessaires à la remise en état du véhicule, constitue une tromperie sur une qualité substantielle de la chose vendue, au même titre que la dissimulation de son état dangereux.

Attendu qu'à supposer même que Thierry C ait ignoré l'état visiblement dangereux du véhicule au volant duquel il avait lui-même circulé pendant quatre mois, il demeure qu'il connaissait les conditions dans lesquelles celui-ci avait été réparé et s'est cependant abstenu de les révéler à l'acquéreur;qu'il doit être, pour l'ensemble de ces motifs, déclaré coupable de l'infraction qui lui est reproché.

Attendu que la responsabilité pénale de Raymond V du chef de tromperie sur une qualité substantielle de la chose vendue sera également retenue,même si le contrôle technique auquel il s'est livré ne lui permettait pas de déterminer, sans investigations plus approfondies, que le véhicule était véritablement dangereux.

Attendu, en effet, que Raymond V était tenu de mentionner l'existence des plis constatés sur le longeron droit, dès lors que cette anomalie, faute d'avoir une incidence sur la tenue de route du véhicule, était néanmoins de nature à attirer l'attention d'un éventuel acquéreur sur la survenance d'un accident antérieur.

Attendu que le contrôle technique mis en place par les pouvoirs publics, en dépit de ses insuffisances dénoncées tant par les professionnels de l'automobile que les associations de consommateurs impose à tout le moins que les centres habilités à les réaliser révèlent les défauts importants que la vérification visuelle a mis en évidence.

Attendu que la révélation d'un accident antérieur incite nécessairement l'acquéreur à la prudence et constitue de ce fait une qualité substantielle;que Raymond V ne peut dès lors sérieusement se prévaloir de l'absence de gravité de l'anomalie constatée par lui; qu'il ne pouvait pas, par ailleurs ne pas avoir aperçu, grâce à un contrôle visuel normalement diligent, les traces de chauffage au chalumeau découvertes par l'expert judiciaire sur ce même longeron droit ou encore les plis d'un passage de roue dont l'expert de la compagnie d'assurances avait déjà noté l'existence dans son rapport du 27 mai 1987;que les anomalies auraient dû le conforter dans l'opinion que le véhicule avait été accidenté;que son mutisme doit être considéré comme fautif.

Attendu que la faute professionnelle lourde commise par Raymond V a eu pour conséquence d'induire en erreur Serge Sparacino sur une qualité substantielle de la chose vendue par Thierry C à savoir l'absence d'accident antérieur.

Attendu que, s'agissant, de ces deux prévenus, le tribunal a fait une exacte application de la loi tant en ce qui concerne la culpabilité que la peine.

Sur l'action civile

Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte et tient ici pour reproduits, le tribunal a justement limité à la somme de 12 160 F la réparation du préjudice de Serge Sparacino et à 1 000 F les dommages-intérêts dus à chacune des associations de consommateurs; que, pour tenir compte des réclamations nouvelles présentées au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, il sera alloué à ce titre à chacune des parties civiles présentes à l'audience une indemnité complémentaire de 500 F.

Par ce motifs, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Guy A, Thierry C, Raymond V, l'ORGECO, l'UFC 72 et l'AFOC et par défaut en ce qui concerne Serge Sparacino et l'INDECOSA. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tant pénales que civiles, Y ajoutant, Condamne Thierry C et Raymond V à verser à l'ORGECO, à l'AFOC, et à l'UFC 72 une indemnité complémentaire de cinq cents francs (500 F) pour frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Les condamne aux dépens de l'action publique et aux frais de l'action civile, Ainsi jugé et prononcé par application des articles 1 de la loi du 01/08/1905, 473 du Code de procédure pénale.