Cass. crim., 25 février 1986, n° 84-95.822
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Bruneau, (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Leydet
Avocat général :
M. Méfort
Avocat :
Me Spinosi.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par F Gérard, contre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 10 décembre 1984 qui, sur renvoi après cassation dans une poursuite exercée contre lui du chef d'infraction au Code de la santé publique, l'a condamné à des réparations civiles ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 559, 562, 563 et 569 du Code de la santé publique, et de l'article 593 du Code de procédure pénale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la citation directe formée par l'Union fédérale des consommateurs contre un pharmacien auquel il était reproché d'avoir mis en vente des articles autres que ceux figurant sur la liste arrêtée par le ministre de la Santé publique sur proposition du Conseil national de l'ordre des pharmaciens,
" aux motifs que les infractions à la législation pharmaceutique peuvent être recherchées et constatées également dans les formes du droit commun ;
" alors que le Code de la santé publique prévoyant expressément des règles spéciales pour la recherche et la constatation des infractions aux règles professionnelles constatées dans l'exercice de la pharmacie, n'a pu, sans violer les dispositions des articles 559 et suivants du Code de la santé publique, déclarer l'Union fédérale des consommateurs recevable en sa citation directe, la compétence des inspecteurs de pharmacies étant exclusive et le droit commun n'étant donc pas applicable ; "
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'Union fédérale des consommateurs a cité directement F devant le tribunal correctionnel, du chef d'infraction à l'article L. 569 alinéa 2 du Code de la santé publique et à l'arrêté ministériel du 8 décembre 1943 ;
Attendu que, répondant aux conclusions du prévenu, qui soutenait que l'Union fédérale des consommateurs n'était pas recevable en son action, la constatation et la poursuite des infractions au Code de la santé publique étant de la compétence exclusive des inspecteurs de pharmacies, les juges d'appel relèvent que les dispositions des articles L. 557 et suivants dudit Code relatifs à l'inspection des pharmacies n'ont pas pour conséquence de priver une association de consommateurs du droit de recourir à la citation directe, " les infractions à la législation pharmaceutique pouvant être recherchées et constatées dans les formes du droit commun. " ;
Attendu qu'en statuant ainsi les juges n'ont nullement encouru les griefs allégués ; qu'en effet d'une part en donnant compétence à certains fonctionnaires pour constater des infractions aux dispositions concernant l'exercice de la profession de pharmacien, les articles L. 557 et suivants du Code de la santé publique n'ont pas eu pour objet d'exclure le recours à tout autre mode de preuve du droit commun ;
Que d'autre part, selon les dispositions de l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs et agréées à cette fin, sont admises à exercer devant toutes les juridictions l'action civile relative aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 569 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la citation directe formée par l'Union fédérale des Consommateurs contre un pharmacien auquel il était reproché d'avoir mis en vente des articles autres que ceux figurant sur la liste arrêtée par le ministre de la Santé publique sur proposition du Conseil national de l'ordre des pharmaciens,
" aux motifs qu'" il résulte de l'article 22 de la loi du 4 août 1981 que l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers ; que la juridiction du jugement ayant été saisie de l'action publique avant la publication de cette loi, cette juridiction reste compétente pour statuer le cas échéant sur les intérêts civils ; qu'il appartient dès lors à la cour d'apprécier les faits soumis à la juridiction répressive et de les qualifier afin de statuer sur la recevabilité de sa demande et, le cas échéant, de rechercher pour le réparer, le préjudice qui en est résulté pour ladite partie civile " ; " que toutefois le préjudice certain peut, conformément au droit commun, être futur, dès lors qu'il est la prolongation directe et normale d'un état de chose actuel ; que ce préjudice peut également être de principe " ; " que si, en application de l'arrêté du 24 décembre 1976, le nombre des pharmaciens d'une officine doit varier en fonction du chiffre d'affaires, il reste que la part d'activité que le ou les pharmaciens de l'officine consacrent à des marchandises autres que celles visées par l'arrêté, diminue la disponibilité dont ils doivent disposer pour assumer la responsabilité entière et totale des actes qui s'accomplissent dans l'officine en surveillant attentivement l'exécution des tâches qu'ils n'exécutent pas eux-mêmes et pour pouvoir remplir pleinement leur obligation de conseil ; que l'existence dans l'établissement de telles marchandises, à la supposer établie, est donc bien de nature à causer un préjudice direct ou indirect aux consommateurs " ;
" alors que, d'une part la cour d'appel, statuant comme cour de renvoi, ne pouvait être saisie que de la recevabilité du bien-fondé de l'action civile tendant à obtenir la réparation du seul préjudice causé par les faits constitutifs du délit amnistié,
" alors que d'autre part la cour d'appel, qui avait l'obligation de qualifier le préjudice ne pouvait, sans violer les règles de la responsabilité, retenir un préjudice de principe, ni s'abstenir de qualifier le caractère certain, actuel, direct ou indirect du préjudice ; "
Attendu qu'après s'être prononcée sur la recevabilité de l'action civile en relevant que les dispositions du Code de la santé publique et de l'arrêté ministériel du 8 décembre 1943 avaient " pour but de permettre aux pharmaciens de se consacrer à leur mission de préparation des médicaments et à celle essentielle de conseil concernant les marchandises qu'ils sont habilités à vendre " et qu'ainsi l'existence dans l'établissement de marchandises autres que celles visées par l'arrêté, à la supposer établie, était de nature à causer un préjudice direct ou indirect aux consommateurs, les juges ont constaté qu'il en était bien ainsi en l'espèce et ont fixé l'étendue du dommage en se référant à la liste des articles que le prévenu avait, à la date du constat d'huissier produit, mis irrégulièrement en vente dans son officine ;
Attendu qu'en cet état la juridiction de renvoi qui après cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris quant aux intérêts civils seulement avait, à cet égard, les mêmes pouvoirs que la juridiction antérieurement saisie, n'a nullement excédé les limites de sa compétence en se prononçant tant sur la recevabilité de l'action civile que sur la réparation du dommage allégué ; qu'en outre il ressort des énonciations de l'arrêt que les juges qui ont analysé sans insuffisance l'atteinte portée aux intérêts des consommateurs ont constaté le caractère certain et actuel du préjudice dont ils accordaient réparation et justifié leur décision ;qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 569 du Code de la santé publique, 46 de la loi du 27 décembre 1973, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de l'arrêté du 8 décembre 1943,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré fondée la constitution de partie civile de l'Union Fédérale des consommateurs et déclaré le demandeur coupable d'avoir mis en vente d'autres objets et matériels que ceux prévus dans l'arrêté de 1943,
" aux motifs que "les autres marchandises énumérées dans le procès-verbal ne sont pas des produits au sens du texte susvisé ; que même s'il arrive que les médecins recommandent l'usage de bicyclettes d'appartement, la destination habituelle de ces machines comme celle de l'extenseur est l'entraînement sportif ; que le " pifko facial " est essentiellement employé pour des massages ; que ces matériels ne sont pas des articles et accessoires utilisés dans l'application même d'un traitement médical ; que les tisanières sont des articles ménagers ; que pour l'ensemble de ces marchandises F Gérard a méconnu les dispositions des textes susvisés ",
" alors que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans contradiction, constater que l'usage des articles proposés à la vente était souvent recommandé par les médecins, et refuser de reconnaître à ces mêmes articles la qualité d'articles d'hygiène médicale ou d'accessoires utilisés dans l'application de traitements médicaux ou dans l'administration de médicaments, admettant cette qualité uniquement pour des articles remplissant " plus fréquemment " que ceux incriminés cette destination ; qu'en introduisant ainsi un caractère supplémentaire de fréquence dans l'utilisation à l'énumération de l'arrêté de 1943, la cour a ajouté et violé ce texte ; "
Attendu que si, les juges d'appel ont relevé que les médecins recommandaient parfois l'usage de certaines des marchandises irrégulièrement mises en vente par le prévenu, ils ont souligné que la destination habituelle desdits articles ainsi que d'autres qu'ils décrivent, n'était pas l'application d'un traitement médical ; qu'en décidant que, pour l'ensemble de ces marchandises, le prévenu avait méconnu les dispositions de l'arrêté du 8 décembre 1973, la cour d'appel n'a en rien ajouté au texte dont elle a fait application, mais a au contraire apprécié souverainement les divers éléments de fait contradictoirement débattus devant elle ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs allégués justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être retenu ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.