Cass. crim., 7 janvier 1987, n° 85-94.930
COUR DE CASSATION
Arrêt
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : B C contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 30 avril 1985, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de marchandises, l'a condamné à une amende de 15 000 francs, a déclaré recevable la constitution de partie civile d'associations de consommateurs, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit : - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er, 2, 8, 11 et 13 de la loi du 1er août 1905, modifiée par la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, fausse application du décret du 21 juillet 1971 et de l'arrêté ministériel du 26 juin 1974, des articles 551 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné le demandeur à la peine de 15 000 francs d'amende et au versement de la somme de 2 000 francs de dommages-intérêts à chacune des deux organisations de consommateurs parties civiles, du chef du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, consistant dans l'apposition erronée sur divers plats cuisinés d'une marque de salubrité délivrée exclusivement pour les plats cuisinés à base d'escargots ;
"aux motifs que tout exploitant doit, selon l'annexe de l'arrêté du 26 juin 1974, renouveler sa demande pour l'attribution d'une nouvelle marque de salubrité en cas de modification importante dans l'installation des locaux ; que le prévenu qui avait obtenu la marque de salubrité à une époque où il ne fabriquait que des plats cuisinés à base d'escargots, aurait dû solliciter l'autorisation d'utiliser la marque de salubrité incriminée, en raison de l'extension donnée à ses fabrications, qui était susceptible de modifier complètement les conditions d'exploitation sur le plan de l'hygiène ; que l'apposition de la marque de salubrité déjà obtenue sur des produits différents fabriqués dans des locaux distincts et sans l'autorisation de l'Administration, constitue bien une tromperie sur les qualités substantielles desdits produits ;
"alors que, d'une part, en retenant à l'encontre du demandeur le fait de ne pas s'être conformé à la réglementation posée par l'arrêté du 26 juin 1974, prescrivant le renouvellement de l'attribution de la marque de salubrité dans le cas d'extension de la gamme de plats cuisinés fabriqués dans le même établissement, pour caractériser le délit de tromperie sur la marchandise vendue, l'arrêt attaqué s'est fondé sur un texte non visé dans la poursuite, et a modifié la qualification donnée aux faits dans la citation, contrairement aux dispositions de l'article 8 de la loi du 1er août 1905 ;
"alors que, d'autre part, en s'abstenant d'examiner si le prévenu pouvait, en toute bonne foi, considérer, eu égard aux critères d'attribution de la marque de salubrité (à savoir l'hygiène des locaux, du matériel, et la tenue du personnel), que ladite marque était accordée une fois pour toutes à l'établissement, pour tous les plats cuisinés de sa fabrication, l'arrêt attaqué n'a pas établi l'intention frauduleuse nécessaire au délit poursuivi" ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que B, directeur de la SA X, a été poursuivi pour tromperie sur les qualités substantielles de marchandises, pour avoir utilisé une marque de salubrité pour des produits étrangers à ceux pour lesquels l'agrément de l'établissement avait été délivré ;
Attendu, d'une part que, contrairement à ce qui est allégué au moyen, qui reprend les arguments du prévenu présentés tant devant les premiers juges qu'en cause d'appel, B a été poursuivi pour les seuls faits de tromperie, sur le fondement de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 ; que par ailleurs, le demandeur ne saurait faire grief aux juges d'avoir analysé les éléments constitutifs de l'infraction de tromperie alors même que l'élément matériel de cette dernière constituerait une infraction pour laquelle il n'a pas été poursuivi ;
Attendu, d'autre part, que les juges, après avoir constaté que le prévenu devait renouveler sa demande pour l'attribution d'une nouvelle marque de salubrité en cas de modification importante dans "l'installation des locaux, leur aménagement, leur gros équipement ou leur affectation", énoncent que B aurait dû solliciter l'autorisation d'utiliser la marque de salubrité incriminée en raison de l'extension donnée à sa fabrication, qui était susceptible de modifier complètement les conditions d'exploitation sur le plan de l'hygiène, et que le prévenu a, en outre, reconnu que les nouvelles fabrications étaient faites dans un local spécial ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, exemptes d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel a, sans excéder sa saisine, caractérisé l'ensemble des éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel du délit dont le prévenu a été déclaré coupable et a, ainsi, sans encourir les griefs formulés au moyen, donné une base légale à sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, à titre subsidiaire, pris de la violation des articles 2 du Code de procédure pénale et 1382 du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a reçu la constitution de partie civile de deux organismes de consommateurs et leur a accordé à chacun la somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que les deux organismes en question étaient des associations agréées et avaient subi un préjudice du fait de l'infraction imputée au demandeur ;
"alors que l'exercice de l'action civile devant les tribunaux de répression étant un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par le Code de procédure pénale, des associations de consommateurs ne pouvaient se prévaloir d'aucun préjudice du fait d'infractions commises dans la commercialisation de produits intervenue entre professionnels" ;
Attendu que pour recevoir en leur constitution de partie civile l'Union départementale des consommateurs des Alpes-Maritimes, l'Organisation générale des consommateurs et le Groupement d'information et de défense des consommateurs des Alpes-Maritimes, la cour d'appel, après avoir énoncé que les associations déclarées ayant pour but statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs, peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer devant toutes les juridictions, l'action civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, et constaté que chacune des associations avait été régulièrement agréée, relève qu'il est établi que ces associations ont éprouvé un préjudice à la suite des infractions commises par le prévenu ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;qu'il n'importe, en effet, pour que le préjudice existe que les produits n'aient pas encore été mis en vente à des consommateurs dès lors qu'ils étaient déjà commercialisés entre professionnels ;d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.