Cass. crim., 23 janvier 1992, n° 89-82.111
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
Les Maîtres escargotiers de France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Bouillane de Lacoste (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Louise
Avocat général :
M. Libouban
Avocats :
SCP Peignot, Garreau, SCP Riché, Thomas-Raquin.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par D Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 1989 qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles et a ordonné des mesures de publications. - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, par violation de la loi, manque de base légale et défaut de motifs:
" en ce que l'arrêt attaqué a, par confirmation du jugement entrepris, reçu l'association Les Maîtres escargotiers de France en sa constitution de partie civile, et condamné D à lui payer les sommes de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts et 3 500 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
" aux motifs adoptés des premiers juges que l'association Les Maîtres escargotiers de France, qui se propose, par ses statuts, de défendre et garantir aux consommateurs l'origine et la qualité des produits vendus, est recevable en sa constitution de partie civile; que son préjudice direct et personnel, distinct de celui de ses membres, justifie l'allocation de dommages-intérêts;
" et encore aux motifs propres qu'en fonction des justifications qui lui étaient soumises, le tribunal a sainement apprécié le préjudice direct et personnel, subi par cette partie civile; qu'il apparaît inéquitable que celle-ci supporte les frais irrépétibles qu'elle a exposés;
" alors qu'en l'état d'une constitution de partie civile formée par une association qui demandait la réparation de divers préjudices que les fraudes constatées auraient causés, d'une part aux consommateurs en les trompant sur la nature des produits achetés, et d'autre part aux entreprises membres qui auraient subi une baisse des ventes et dû cotiser à l'association chargée d'assurer leur défense, la cour d'appel qui a accueilli cette demande, sans caractériser ni préciser en quoi ces préjudices atteignaient de manière directe et personnelle l'association, laquelle n'était ni un syndicat professionnel ni une association ayant qualité pour défendre en justice un intérêt collectif, a violé les dispositions de l'article 2 du Code de procédure pénale ";
Vu lesdits articles, ensemble les articles 1 et 2 de la loi du 5 janvier 1988, 1 et 2 du décret n° 88-856 du 6 mai 1988; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence;
Attendu, par ailleurs, que si, selon l'article 1er de la loi du 5 janvier 1988, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, c'est à la condition d'avoir été agréées à cette fin;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société D a commercialisé, sous la dénomination d'" escargots de Bourgogne " ou de " petits-gris ", des préparations culinaires industrielles confectionnées avec de la chair d'achatine;
Attendu qu'après avoir déclaré Jean-Claude D, président directeur général de ladite société, coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, la cour d'appel, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l'association Les Maîtres escargotiers de France et condamner le prévenu à lui verser des dommages-intérêts, se borne à énoncer que l'objet statutaire de cette association est de " défendre et garantir aux consommateurs l'origine et la qualité des produits vendus ";
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cette association avait été agréée par arrêté pris conformément à l'article 2 du décret du 6 mai 1988 ou sans justifier que ladite association, qui n'était pas en relations contractuelles avec le prévenu, avait personnellement subi un préjudice résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a violé les textes susvisés;d'où il suit que la cassation est encourue;
Par ces motifs: Casse et annule en ses seules dispositions civiles l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen du 14 mars 1989; Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée: Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Rouen, autrement composée.