CA Limoges, ch. corr., 20 décembre 1995, n° 336-95
LIMOGES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mercier (faisant fonction)
Substitut :
général: M. Vergne
Conseillers :
Mme Renon, M. Perez
Avocat :
Me Touraille.
Décision dont appel
Le tribunal a déclaré C Daniel coupable des faits qui lui sont reprochés, en répression l'a condamné à 30 000 F d'amende ainsi qu'au paiement d'un droit fixe de procédure de six cents francs;
Appel
Le prévenu et le Ministère public ont relevé appel de cette décision respectivement les 2 et 5 décembre 1995;
LA COUR,
Daniel C et le Ministère public ont interjeté appel du jugement dont le dispositif est ci-dessus rapporté rendu le 1er décembre 1994 par le Tribunal correctionnel de Guéret;
Ces appels sont réguliers et recevables en la forme;
Le prévenu qui comparait en personne assisté de son conseil sollicite la réformation de la décision entreprise et demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite et subsidiairement de réduire la sanction;
Il soutient avoir indiqué à l'acquéreur de la moto Suzuki que celle-ci avait été accidentée sans toutefois entrer dans les détails;
Il fait valoir que celui-ci a vu la moto démontée et a pu constater que la peinture n'était pas d'origine;
Il conteste le rapport d'expertise qui ne lui est pas opposable et prétend qu'il n'est pas intervenu sur le cadre et que la cassure du carter a été réparée dans les règles de l'art par soudure à froid avec un produit spécialement conseillé par le fabricant pour ce type d'intervention;
Il indique enfin que la panne dont a été victime le dernier propriétaire de la moto n'est pas à rattacher au carter;
Le Ministère public a requis une aggravation de la sanction;
Sur quoi
Attendu qu'il résulte du dossier et des débats que le 6 juin 1992 Monsieur Boulery a acheté aux établissements X une moto Suzuki d'occasion au prix de 34 000 F;
Que suite à une panne survenue courant juillet 1992 en Andorre il est apparu que ce véhicule avait été accidenté notamment au niveau du carter;
Attendu que l'enquête a révélé que cette moto avait été achetée au mois de février 1992 au garage X de Guéret par Monsieur Phellut qui l'a utilisée pendant environ trois mois parcourant 10 000 kms sans aucun problème;
Que Monsieur C l'avait lui même acquise pour 3 000 F après qu'elle ait été volée et accidentée;
Attendu que l'expert qui l'avait alors examinée avait détaillé les travaux à effectuer et notamment le remplacement du carter et conclut qu'elle n'était pas économiquement réparable;
Qu'il est constant que le garage X a procédé aux travaux de remise en état avant de mettre ledit véhicule en vente;
Que la cassure du carter a été réparée par soudure à froid avec du Poxymatic Alu;
Attendu que Monsieur Chabannes, expert désigné dans le cadre de l'instance civile opposant Monsieur Boulery à Monsieur M a constaté:
- que les butées de fourche avaient été déformées et réparées grossièrement,
- que le carter moteur avait été recollé à l'aide d'un produit mastic métallique;
Qu'il a indiqué qu'il s'agissait d'un véhicule "maquillé" présentant des défauts le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné voire dangereux en raison des risques de fuite d'huile;
Qu'il a précisé que ce défaut grave n'était visible qu'après démontage;
Attendu que Monsieur Phellut qui n'est pas très précis dans sa déclaration en particulier sur le temps pendant lequel il a gardé la moto, a affirmé que Monsieur C ne l'avait pas informé que ce véhicule avait été accidenté;
Que lors de son audition par les services de police Monsieur C a déclaré que Monsieur Phellut savait qu'il s'agissait d'une moto accidentée mais a admis ne pas avoir signalé le problème du carter, estimant la réparation fiable;
Qu'il a d'ailleurs versé aux débats des notices techniques sur le produit utilisé lequel parait adapté au colmatage des fissures de carter;
Que son mécanicien Monsieur Bina a attesté, en la forme légale, avoir participé aux opérations de remise en état de la moto Suzuki;
Qu'il précise que Monsieur Phellut s'est interrogé sur l'aspect de la peinture ce qui lui a permis d'apprendre l'accident et a, par la suites lors du remplacement d'un joint d'arc de culbuteur d'admission, assisté au démontage de la moto et pu observer en détail toutes les pièces mécaniques;
Attendu qu'il est constant que tout vendeur d'un véhicule d'occasion doit informer complètement l'acheteur sur l'état dudit véhicule et notamment lui préciser si celui-ci a été accidenté, quand bien même les réparations auraient été effectuées dans les règles de l'art;
Que l'absence d'accident antérieur est un élément déterminant pour l'acheteur et constitue donc une qualité substantielle du véhicule surtout lorsque le prix de vente est relativement élevé;
Qu'en l'espèce s'il ne peut être affirmé que Monsieur C a dissimulé l'existence de l'accident survenu à la moto Suzuki à Monsieur Phellut qui, au regard de son expérience et de certains indices tels que la réfection de la peinture, aurait pu se poser de légitimes questions. Il est par contre établi que celui-ci n'a jamais été informé de la gravité de l'accident et du fait que le carter avait été réparé alors que l'expert avait expressément préconisé son remplacement;
Attendu qu'ainsi, sans avoir à déterminer si la motocyclette était ou non apte à l'emploi au vu d'un rapport d'expertise contesté par le prévenu, il apparaît que l'information partielle donnée à son acheteur sur l'état réel du véhicule constitue une tromperie sur ses qualités substantielles;
Que les premiers juges ont exactement analysé les faits qui leur étaient soumis et en ont justement déduit que Daniel C devait être déclaré coupable de l'infraction visée à la prévention; que le jugement entrepris doit donc être confirmé quant à la culpabilité;
Attendu que la sanction prononcée apparaît excessive, eu égard à l'ensemble des éléments de la cause; qu'il convient donc de l'atténuer et de condamner Daniel C à la peine de 5 000 F d'amende;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit Daniel C et le Ministère public en leurs appels; Confirme le jugement entrepris quant à la culpabilité; L'émendant quant à la peine et statuant à nouveau; Condamne Daniel C à une amende de cinq mille (5 000 F) francs; dit que le présent arrêt est assujetti à un droit fixe de procédure de huit cents francs (800 F) dont est redevable Daniel C; Le tout par application des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 473 et 800 du Code de procédure pénale.