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Décisions

CA Limoges, ch. corr., 29 juillet 1993, n° 78-93

LIMOGES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Belliot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mercier

Substitut :

général: M. Vergne

Conseillers :

MM. Etchepare, Payard

Avocats :

Mes Mazure, Nougues.

TGI Guéret, ch. corr., du 8 oct. 1992

8 octobre 1992

Décision dont appel

Sur l'action pénale

Le tribunal a déclaré Jean N coupable des faits qui lui sont reprochés, vu l'article 43-2 du Code pénal, a prononcé à titre de peine principale, à son encontre, l'interdiction d'exercer l'activité de garagiste pendant une durée de deux mois et l'a condamné aux dépens;

Sur l'action civile

Le tribunal a reçu Monsieur André Belliot en sa constitution de partie civile, a condamné Monsieur N Jean à lui payer la somme de treize mille (13 000 F) toutes causes de préjudice confondues, à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de mille cinq cents francs (1 500 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, a ordonné l'exécution provisoire, et a condamné Jean N aux dépens;

Appels

Le prévenu, la partie civile et le Ministère public ont relevé appel de cette décision, respectivement le 12 octobre 1992, le 13 octobre 1992 et le 13 octobre 1992;

Arrêt de renvoi du 7 mai 1993

La cour a prononcé le renvoi de l'affaire à l'audience du vendredi 2 juillet 1993, a dit que Monsieur Jean N, prévenu et Monsieur André Belliot, partie civile, recevront une nouvelle citation pour cette date et a réservé les dépens;

LA COUR,

Le prévenu, le Ministère public et la partie civile, ont interjeté appel du jugement dont le dispositif est ci-dessus rapporté, rendu le 8 octobre 1992 par le Tribunal correctionnel de Guéret.

Ces appels sont réguliers et recevables en la forme.

Le prévenu qui comparait en personne, assisté de son conseil Maître Mazure, avocat au Barreau de Guéret, persiste à contester les faits qui lui sont reprochés et sollicite sa relaxe; Subsidiairement, il demande à la cour de faire preuve d'une grande indulgence à son égard, en tenant compte de l'absence de volonté de tromperie dans une opération l'impliquant à son sens comme prestataire de services seulement ainsi que de la bonne réputation dont il fait l'objet, de l'absence d'antécédent judiciaire en ce qui le concerne.

Le Ministère public requiert confirmation de la décision déférée quant à la culpabilité, l'infraction à apprécier dans son contexte global, étant tout à fait constitué, mais réformation quant à la peine à appliquer, une peine d'amende apparaissant beaucoup mieux adaptée concernant la nature du délit et les conditions dans lesquelles le prévenu exerce son activité professionnelle;

Monsieur André Belliot, partie civile appelante, conclut à la confirmation du jugement déféré quant à la culpabilité et à l'augmentation de son indemnisation, réclamant les sommes de 10 668 F à titre de réparation du préjudice matériel, 10 000 F à titre de réparation de son préjudice moral et 5 000 F à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les poursuites exercées contre Monsieur Jean N reposent sur les éléments suivants:

Le 24 décembre 1990, Monsieur Jean N, mécanicien-automobiles à (localité), commune de Boussac (Creuse), a vendu à M. Belliot A. une voiture Peugeot 104 mise en circulation en décembre 1976 et présentant un kilométrage de 123 119 kms, véhicule vendu pour le prix total de 9 300 F, dont 6 002,80 F de facturation pour remise en état, s'agissant selon les dires de Monsieur N d'un véhicule mis en dépôt-vente à son garage par un autre client et soumis avant livraison à un contrôle technique.

Peu après, se rendant compte que ce véhicule présentait des anomalies diverses, Monsieur Belliot le faisait soumettre à nouveau à un contrôle technique le 3 janvier 1991; celui-ci révélait de nombreuses défectuosités mécaniques et une importante corrosion de la coque.

Monsieur Belliot, auquel le garagiste n'avait pas remis, ni facture ni le rapport du premier contrôle technique, demanda à ce dernier de reprendre le véhicule qu'il n'aurait pas acheté selon lui s'il en avait connu l'état réel et de lui restituer le prix versé.

Sur refus du garagiste, Monsieur Belliot a déposé plainte. Monsieur N entendu par les gendarmes enquêteurs a déclaré ne pas se sentir responsable des problèmes que les époux Belliot pouvaient avoir avec le véhicule qu'ils lui avaient acheté.

Dans le rapport qu'elle a fait parvenir à Monsieur le Procureur de la République de la Creuse, la Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes a émis l'avis que dans la mesure où le garagiste avait fautivement omis de remettre à l'acheteur les résultats du contrôle technique et privé celui-ci de la possibilité d'être informé des défectuosités affectant les organes essentiels du véhicule, qu'il ne pouvait lui même ignorer en tant que professionnel et au sujet desquels il avait une obligation d'information, Monsieur N pouvait encourir des poursuites pour tromperies sur le fondement de l'article 1er de la loi du 1er août 1905.

Sur quoi,

Attendu que pour Monsieur Belliot acheteur, Monsieur N garagiste apparaissait comme professionnel vendeur d'un véhicule d'occasion ancien et ayant parcouru un important kilométrage, dont le prix offert après remise en état était fixé globalement à 9 000 F;

Attendu que les deux contrôles techniques qui ont été effectués révélaient d'importantes défectuosités après remise en état, ne permettant pas un usage du véhicule dans des conditions de sécurité suffisantes, ce qu'effectivement Monsieur N, en qualité de mécanicien professionnel, ne devait pas normalement pouvoir ignorer;

Attendu que son obligation d'information et de conseil lui imposait le cas échéant de ne pas entreprendre de frais importants de remise partielle en état du véhicule, si l'état général et la valeur vénale de celui-ci permettaient de considérer que cela n'était pas valable pour permettre au client de disposer d'un véhicule fiable eu égard évidemment à son ancienneté;

Attendu que les premiers juges ont donc exactement analysé les faits qui leur étaient soumis et en ont justement déduit que Monsieur Jean N devait être déclaré coupable de l'infraction visée à la prévention,telle que spécifiée dans le jugement attaqué auquel il est expressément fait référence; que le jugement entrepris doit donc être confirmé quant à la culpabilité;

Attendu que la sanction prononcée n'apparaît pas, compte tenu de l'ensemble des éléments de la cause, une répression bien adaptée; qu'il apparaît plus opportun de prononcer à l'encontre du prévenu une peine d'amende;

Attendu qu'il convient en conséquence de condamner Monsieur N à la peine de 3 000 F d'amende;

Sur l'action civile

Attendu que sans en apporter la démonstration déterminante, la partie civile partant du principe que le véhicule est absolument inutilisable, demande au titre de la réparation de son préjudice matériel des dommages-intérêts représentant le coût d'achat du véhicule, le prix de la carte grise, le coût de la vignette fiscale, le coût de la prime d'assurance et enfin celui de second contrôle technique, outre encore une indemnisation pour préjudice moral;

Attendu que c'est à juste titre que l'avocat du prévenu soutient que l'indemnisation par la voie de l'action civile en l'espèce ne peut en aucune manière être appréciée de manière parallèle à ce qu'entraînerait au plan civil une action en résolution de vente qui serait déclarée fondée;

Attendu que dans les faits de la cause, la cour estime que la réparation du préjudice subi par Monsieur Belliot du fait de l'infraction sera justement assurée par une somme représentant celle réclamée dont à déduire le montant de la prime d'assurance et une somme de 4 000 F représentant la valeur en l'état du véhicule litigieux compte tenu des réparations effectuées notamment pour la réfection du moteur;

Attendu qu'il ne peut être valablement invoqué de préjudice moral;

Attendu que Monsieur N sera donc condamné à payer à Monsieur Belliot la somme de 5 957 F de dommages-intérêts;

Attendu que Monsieur Belliot bénéficiant d'une aide juridictionnelle partielle, il n'apparaît y avoir lieu de faire droit à sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement; Reçoit le prévenu, la partie civile et le Ministère public en leurs appels; Sur l'action publique Confirme le jugement déféré quant à la culpabilité; Le réformant quant à la peine et statuant à nouveau, Condamne Monsieur Jean N à la peine de trois mille francs (3 000 F) d'amende; Condamne Monsieur N aux dépens de première instance et au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F. Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, l'article 1er du décret 86-303 du 5 mars 1986 modifiant le décret 78-993 du 4 octobre 1970, 473 et 800 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau, Condamne Monsieur N à payer à Monsieur Belliot la somme de cinq mille neuf cent cinquante-sept francs (5 957 F) dommages-intérêts; Dit n'y avoir lieu en la cause à application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale au profit de Monsieur Belliot; Condamne Monsieur N aux dépens de l'action civile.