Cass. soc., 25 février 2004, n° 02-41.306
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Samse (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Roux-Cocheril (faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Martinel
Avocat général :
M. Duplat
Avocats :
SCP Laugier, Caston.
LA COUR: - Sur le moyen relevé d'office: - Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail; - Attendu que la société Samse, entreprise de négoce de matériaux de construction, a engagé le 29 mai 1974 M. X en qualité de chef de dépôt; qu'à l'occasion de son affectation à son établissement d'Annecy, les parties ont signé, le 26 octobre 1990, un contrat de travail comportant une clause de non-concurrence interdisant au salarié, en cas de résiliation du contrat, de "s'intéresser à une affaire concurrente" dans un rayon de 50 kilomètres, pendant une durée de 2 ans; qu'ayant donné sa démission, le salarié est entré au service de la société Chambéry Matériaux; que la société Samse a alors saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence; que le salarié a fait valoir que cette clause, qui ne comportait pas l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière, était nulle;
Attendu que l'employeur soutient que le moyen tendant à l'application à la présente instance de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 1992 relative à la nullité des clauses de non-concurrence qui ne comportent pas de contrepartie financière, porte atteinte au principe fondamental de sécurité juridique, la validité d'une convention ne devant être appréciée qu'au regard des règles de droit applicables au jour de sa conclusion et non pas au regard des règles fixées postérieurement par la loi ou la jurisprudence;
Mais attendu que la sécurité juridique ainsi invoquée ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit;
Et attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives;
Attendu que, pour déclarer licite la clause de non-concurrence et en limiter les effets, la cour d'appel énonce que l'existence d'une compensation financière en faveur du salarié n'est pas une cause de validité de la clause; Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de contrepartie financière rendait la clause illicite, la cour d'appel a violé le principe ci-dessus énoncé et le texte susvisé;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué au fond du chef de la violation de la clause de non-concurrence;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique: Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2001, entre les parties, par la Cour d'appel de Chambéry; Dit n'y avoir lieu à renvoi.