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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 26 janvier 2000, n° 1998-01445

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cordeiro

Défendeur :

PFA Vie (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

MM. Coleno, Charras

Avoués :

Me De Lamy, SCP Boyer-Lescat-Merle

Avocats :

Mes Arnaud-Laur, Penaud.

TGI Castres, du 27 févr. 1998

27 février 1998

Faits et procédure

Le 26 juin 1984, M. Manuel Joachim Cordeiro a souscrit auprès de la compagnie Préservatrice Foncière Assurances (PFA Vie) deux contrats d'assurance-groupe pour garantir, en cas de décès et invalidité permanente totale, le premier, un capital de 3 millions de francs, l'autre un capital de 2 millions de francs.

Le même jour, il a cédé le second à la société Union pour le financement d'immeubles de société (UIS) pour garantie des sommes dues en vertu d'un contrat de crédit-bail.

Atteint d'une sclérose en plaque, M. Cordeiro s'est trouvé dans l'incapacité de poursuivre l'exploitation du fonds de commerce de granitier qu'il exploitait à Lacrouzette dans le Tarn, et a fait constater son état d'invalidité absolue par la Cancava et la Cotorep.

Ayant alors sollicité la mise en œuvre de ses contrats, M. Cordeiro s'est heurté à un refus de la part de PFA Vie, selon laquelle il ne remplissait pas les conditions prévues au contrat, faute de se trouver en invalidité de troisième catégorie.

Suivant acte d'huissier en date du 17 septembre 1996, M. Cordeiro a fait citer PFA Vie ainsi que l'UIS devant le Tribunal de grande instance de Castres en vue d'obtenir l'exécution des garanties souscrites.

Par le jugement déféré en date du 27 février 1998, le tribunal a débouté M. Cordeiro de l'ensemble de ses demandes.

Demandes des parties

Prétentions de monsieur Cordeiro

Aux termes de conclusions récapitulatives signifiées le 9 juillet 1999, M. Cordeiro conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la cour de condamner la compagnie PFA au paiement des sommes de 2 et 3 millions de F, outre intérêts de droit.

Il réclame une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Cordeiro se fonde à titre principal sur l'interprétation du contrat, eu égard tant à sa lettre qu'à son esprit, et à titre subsidiaire sur la nullité de la clause qu'il estime abusive en application des dispositions des articles 1134 et 1135 du Code civil, et L. 132-1 du Code de la consommation. Il conclut au rejet de l'exception de prescription soulevée par PFA.

Prétentions de la société Union pour le financement d'immeubles de sociétés

Aux termes de conclusions signifiées le 28 octobre 1999, l'UIS conclut en faveur des demandes M. Cordeiro et réclame une somme de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle ajoute que dans le doute, le contrat devrait d'interpréter en faveur de M. Cordeiro.

Prétentions de la Préservatrice Foncière Assurances (PFA Vie)

Aux termes de conclusions signifiées le 10 décembre 1998, PFA Vie conclut à la confirmation pure et simple de la décision entreprise, et à titre subsidiaire au rejet de la demande en nullité de la clause, ainsi qu'à la prescription de la demande.

Elle réclame une somme de 25 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Attendu que les contrats stipulent exactement, en l'article 9, définition;

"Un assuré est considéré comme étant en état d'invalidité permanente et totale (IPT) lorsqu'à la suite d'un accident ou d'une maladie:

- il est dans l'impossibilité absolue de se livrer à aucune occupation, ni aucun travail lui procurant gain ou profit;

- il est reconnu par la sécurité sociale pour l'application des articles 310 et 453 du Code de la sécurité sociale comme étant dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

L'IPT est réputée "consolidée" au jour de la constatation de l'état ci-dessus défini";

Attendu que l'analyse exégétique proposée par les appelants n'est pas convaincante, la présentation adoptée par la compagnie PFA n'étant pas de nature à faire penser que les deux propositions successives pourraient être alternatives, ni à la lecture spontanée ni à l'examen:

- d'abord parce qu'elles sont simplement juxtaposées, sans que le texte ne comporte jamais aucune conjonction, quelle qu'elle soit, ni dans l'annonce de la proposition principale ("un assuré est considéré comme étant en état d'invalidité permanente et totale lorsque"), ni dans chacune des deux propositions successives;

Qu'en ce sens, la comparaison proposée avec la même présentation du contrat sous l'article 10 est inopérante alors que dans ce cas chacune des deux propositions successives est assortie d'une condition qui fait bien ressortir le caractère alternatif des deux propositions ("si" accident dans un cas, "si" maladie dans l'autre);

Qu'au contraire même, le dernier alinéa de l'article 9 n'envisage qu'un seul "état ci-dessus défini", et non deux différents états possibles;

- ensuite parce que la seule lecture fait apparaître que la première proposition évoque les occupations procurant gain ou profit alors que la seconde ne considère que les actes ordinaires de la vie, qui sont deux notions différentes qu'il est vain de tenter de comparer dans le sens d'une thèse ou de l'autre, tant il est vrai que tous les cas peuvent se rencontrer dans un sens ou l'autre -et en ce sens la Cour ne suit pas le premier juge;

Attendu par contre que cette double considération est une référence claire, et au demeurant explicite dans le contrat, qui vise les numéros des articles, à l'invalidité de troisième catégorie du Code de la sécurité sociale, définie comme l'état des personnes qui, "étant absolument incapables d'exercer une profession..." (ce qui correspond à la définition des invalides de deuxième catégorie) "...sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie" (article L. 341-4);

Qu'elle définit ainsi un seul et même type d'invalidité et qu'il n'existe aucun doute objectif sur ce point;

Attendu que la référence à un précédent contrat insérant la conjonction "et" entre les deux mêmes propositions pour définir le même état d'invalidité permanente et totale n'est pas en faveur de la thèse de M. Cordeiro;

Qu'il en ressort en effet, puisqu'il était lui-même le signataire de cet autre contrat, que non seulement il connaissait la notion ainsi entendue cumulativement pour l'avoir précédemment rencontrée, mais encore il l'avait acceptée, et enfin ce précédent démontrerait, s'il était besoin, que les deux propositions sont bien de nature à se compléter contrairement à ce qu'il tente de soutenir;

Que de ce fait, il ne résulte de cette présentation aucun doute, cette fois subjectif, pour le souscripteur;

Attendu que ce précédent tend par surcroît à priver de support le moyen de nullité invoqué contre cette clause, comme abusive;

Qu'il s'observe d'une part que M. Cordeiro est à la fois le souscripteur et l'assuré, et qu'il avait donc tout loisir de négocier le contenu du risque garanti;

Que d'autre part, le libellé de ce risque est suffisamment explicite quant à son contenu exact, et est en cela d'ailleurs conforme à la recommandation CCA n° 90-01 dès lors qu'il ne se borne pas à renvoyer purement et simplement au numéro d'un texte de loi mais détaille le contenu de la notion;

Qu'en outre, s'il est vrai que le risque ainsi défini est restrictif (moins de 2 % des décisions de classement, soit un millier de cas par an, selon la recommandation précédemment citée), cela est apparent et M. Cordeiro y était relativement accoutumé;

Qu'enfin, si la référence à l'assistance d'une tierce personne, qui en droit de la sécurité sociale ne détermine que l'allocation d'une rente majorée, peut sembler être un surcroît passablement étranger aux préoccupations qui conduisent l'assuré à adhérer, qui n'envisage alors que la perte des revenus qui lui permettent de financer son engagement, cela n'entame pas le fait que cette double référence est bien un mode de définition d'une invalidité;

Qu'il ne résulte de l'étroitesse de la garantie librement définie et souscrite aucun abus au sens des textes invoqués;

Attendu en conséquence que le jugement, qui n'est pas utilement critiqué, et dont la cour adopte les motifs non contraires, doit être confirmé;

Attendu, sur les demandes accessoires, qu'il suit nécessairement de la décision qui précède que celle de M. Cordeiro qui succombe et sera tenu des dépens doit être rejetée, de même que celle de UIS qui succombe également;

Attendu que, eu égard aux circonstances de la cause et à la situation économique de la partie condamnée aux dépens, la compagnie PFA conservera la charge des frais non inclus dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire assurer sa défense;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare les appels recevables en la forme, Les dit non fondés, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions; Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples; Condamne M. Cordeiro aux entiers dépens de l'instance en appel, exception faite de deux de la société UIS qui demeureront à la charge de celle-ci, et reconnaît à la SCP Boyer-Lescat-Merle, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.