Cass. com., 2 juin 2004, n° 02-21.394
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Weill boutique (SA)
Défendeur :
Chambre syndicale départementale de l'habillement et accessoire de la Haute-Garonne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. de Monteynard
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Toulouse, 3 octobre 2002), que la société Weill boutique (société Weill), qui exploite un magasin d'habillement commercialisant la marque Weill, a organisé des ventes appelées "journées privilège" en faisant bénéficier de rabais sur le prix de certains articles, des personnes qui y ont été invités par courrier, en dehors des périodes de solde ; que la Chambre syndicale de l'habillement de la Haute Garonne a poursuivi la société Weill devant le tribunal de commerce pour avoir pratiqué des soldes déguisées ; que la cour d'appel a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu que la société Weill reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen : 1°) que la décision pénale est revêtue au civil d'une autorité absolue de chose jugée ; que par jugement en date du 28 mars 2002, le Tribunal correctionnel de Paris a relaxé la société Weill du chef de l'infraction de vente en solde hors périodes autorisées au titre de laquelle elle était poursuivie pour l'opération promotionnelle litigieuse menée du 11 au 24 décembre 1999 à Laon et sur tout le territoire national ; que le juge pénal a retenu que l'action promotionnelle litigieuse ne pouvait être qualifiée de solde au sens de l'article L. 310-3 du Code de commerce ; que cette décision était revêtue, en ce qui concerne l'absence de constitution de l'infraction, d'une autorité absolue ; que pour écarter cette décision, qui se rapportait aux mêmes faits, la cour d'appel a retenu que la période de solde considérée n'était pas la même, ayant été fixée par le Préfet de Paris dans un cas et par celui de Toulouse dans le second ; que cette circonstance, tenant à la période de soldes était indifférente en l'état d'une décision ayant retenu que l'opération litigieuse ne constituait pas une "solde" ; qu'en refusant de reconnaître au jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2002 l'autorité absolue de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'action portée devant le juge civil ; 2°) que le caractère définitif d'une décision de justice s'établit par la production d'un certificat de non appel ou de non pourvoi ; que pour écarter le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2002 et refuser de lui reconnaître une autorité de chose jugée, la cour d'appel a énoncé qu'il "ne comportait aucune mention permettant de considérer qu'il était devenu définitif", ce dont elle a déduit qu'il n'était pas justifié de son caractère définitif ; qu'en se prononçant au vu de cette circonstance insusceptible d'établir le caractère définitif de la décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé que la poursuite afférente au jugement du 28 mars 2002 concernait des faits commis par la société Weill en contravention avec des périodes de soldes fixées par un arrêté du préfet de Paris tandis que les faits de la présente espèce sont relatifs à des périodes de soldes réalisées en contravention avec un arrêté du préfet de Haute-Garonne, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que le jugement du Tribunal correctionnel de Paris n'avait pas trait aux même faits que ceux relatifs à l'arrêt déféré, a légalement justifié sa décision ;que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : Attendu que la société Weill fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°) que sont considérées comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock ; que pour retenir que la société Weill avait entendu écouler de façon accélérée son stock, la cour d'appel s'est bornée à relever que la promotion avait été organisée en fin de saison, trois semaines avant l'ouverture des soldes à Toulouse, sans autrement caractériser la volonté qui aurait été celle de la société Weill d'accélérer l'écoulement de son stock, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 310-3 du Code de commerce ; 2°) que la volonté d'écouler le stock, propre aux soldes, suppose une absence de réapprovisionnement ; qu'en retenant, pour considérer que le réassort auquel avait procédé la société Weill n'était pas exclusif de la qualification de soldes, qu'il avait été effectué auprès d'une société qui lui était étroitement liée, ce dont il serait résulté que, bien que matériellement distincts, les stocks des deux sociétés devaient être considérés comme n'en formant qu'un seul, de sorte que la société Weill ne pouvait se prévaloir d'aucun réassort, la cour d'appel a violé l'article L. 310-3 du Code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les ventes litigieuses avaient été réalisées du 11 au 24 décembre en fin de saison, trois semaines avant la période des soldes ouverte à Toulouse le 15 janvier, la cour d'appel a pu en déduire que ces circonstances manifestaient la volonté de la société Weill d'écouler de façon accélérée son stock de marchandises ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par une décision motivée, que le réassortiment dont se prévaut la société Weill ne provient pas de commandes passées à un fournisseur extérieur mais constitue seulement l'écoulement du stock de la société à laquelle elle est étroitement liée, l'arrêt n'encourt pas le grief de la seconde branche ;d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.