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Décisions

CA Paris, 15e ch. A, 3 septembre 2002, n° 2000-08216

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dumesnil (Epoux)

Défendeur :

Crédit Lyonnais (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chagny

Conseillers :

M. Le Fèvre, Mme Giroud

Avoués :

Me Blin, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Ludot, Brun.

TGI Paris, 9e ch., du 11 févr. 2000

11 février 2000

Par jugement du 11 février 2000, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur Dumesnil et Madame Dumesnil de leurs demandes contre le Crédit Lyonnais.

Monsieur Dumesnil et Madame Dumesnil, appelants, demandent à la cour d'annuler les contrats de prêt des 2 juin 1992 et 17 janvier 1995 qu'ils prétendent indivisibles, et de condamner le Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts; subsidiairement, ils invoquent le caractère abusif de la clause spéciale contenue dans le contrat de prêt du 2 juin 1992, et demandent son annulation ainsi que la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts; à titre encore plus subsidiaire, ils soutiennent que le Crédit Lyonnais a engagé sa responsabilité et lui réclament la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts; en dernier lieu, ils concluent au sursis à statuer dans l'attente de l'issue du litige prud'homal pendant devant la Cour d'appel d'Amiens; ils demandent l'indemnité de 30 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Crédit Lyonnais soulève l'irrecevabilité de la demande en nullité du prêt du 2 juin 1992; il fait valoir que la clause spéciale de ce contrat n'est pas potestative, ni abusive, et que les deux contrats sont valables; il conteste avoir commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité; il ajoute que la demande de sursis à statuer est sans objet, la Cour d'appel d'Amiens ayant rendu son arrêt; l'intimé demande la confirmation du jugement, le rejet de toutes les prétentions des appelants, et l'indemnité de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs

Considérant que par acte sous seing privé du 2 juin 1992, le Crédit Lyonnais a consenti à Madame Dumesnil, sa salariée, et à Monsieur Dumesnil, un prêt de 190 000 F remboursable en 20 ans, au taux de 4,44 %, pour financer l'acquisition d'un pavillon; que le contrat contenait une clause spéciale stipulant que toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires deviendraient exigibles, si bon semble au prêteur, en cas de résiliation pour quelque cause que ce soit du contrat de travail de Madame Dumesnil au Crédit Lyonnais; que dans le cadre d'un accord social pour l'emploi du 4 juillet 1994, Madame Dumesnil a quitté son emploi au sein de la banque pour créer un fonds de commerce; que le 9 janvier 1995, le Crédit Lyonnais, se prévalant de la clause spéciale d'exigibilité, a réclamé paiement de la somme de 171 115,85 F; que par acte du 17 janvier 1995, il a consenti aux époux Dumesnil un prêt de 179 776 F, au taux de 6,56 %, pour leur permettre de rembourser le premier crédit;

Considérant que sa reconversion ayant échoué, Madame Dumesnil a saisi le Conseil de Prud'hommes de Soissons pour voir annuler sa convention de départ signée avec le Crédit Lyonnais; que la Cour d'appel d'Amiens, par arrêt infirmatif du 20 septembre 2000, a débouté Madame Dumesnil de toutes ses prétentions; que la demande de sursis à statuer n'a donc plus d'objet;

Considérant que les appelants prétendent que le caractère potestatif de la clause spéciale contenue dans l'acte du 2 juin 1992, ainsi que l'absence de cause réelle et sérieuse au départ de Madame Dumesnil, entraînent la nullité du premier contrat de prêt et, par voie de conséquence la nullité du second prêt; mais que les époux Dumesnil n'ont assigné le Crédit Lyonnais que le 9 septembre 1999; que par application de l'article 1304 du Code civil, leur action en nullité du contrat de prêt du 2 juin 1992 est éteinte, faute d'avoir été exercée dans le délai de 5 ans à compter de sa signature; que les appelants ne démontrent aucune cause de nullité affectant le contrat de prêt du 17 janvier 1995;

Considérant que les époux Dumesnil soutiennent par ailleurs que la liberté conférée au Crédit Lyonnais par la clause spéciale constitue un avantage ne profitant qu'à celui-ci, et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, notamment pour Monsieur Dumesnil; mais que conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat;que le prêt du 2 juin 1992 a été accordé en raison de la qualité de salariée de Madame Dumesnil au sein du Crédit Lyonnais;que la clause spéciale trouvait sa contrepartie dans l'octroi aux deux emprunteurs d'un taux d'intérêt très favorable;qu'en conséquence la clause ne peut être déclarée abusive et réputée non écrite;

Considérant que les époux Dumesnil font grief au Crédit Lyonnais d'avoir fait preuve de légèreté dans la préparation et l'exécution du contrat de prêt; que plus précisément, ils lui reprochent d'avoir mis en œuvre la clause spéciale dans toute sa rigueur, alors que rien ne l'y contraignait, si ce n'est la volonté de leur faire souscrire un nouveau prêt à un taux d'intérêts supérieur, doublant le gain financier qu'il pouvait obtenir de l'opération; mais que la banque n'a commis aucune faute en faisant jouer la clause spéciale; que les époux Dumesnil restaient libres de s'adresser à un autre établissement bancaire pour obtenir des conditions plus avantageuses afin de rembourser le prêt du 2 juin 1992; qu'aucune faute n'étant démontrée à l'encontre du Crédit Lyonnais, le demande en dommages-intérêts des appelants doit être rejetée; qu'en équité, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimé en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Confirme le jugement, Déclare Monsieur Dumesnil et Madame Dumesnil irrecevables en leur demande en nullité du contrat de prêt du 2 juin 1992, Les déboute de toutes leurs autres demandes, Rejette la demande du Crédit Lyonnais au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Monsieur et Madame Dumesnil aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.