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Décisions

Cass. crim., 4 avril 1991, n° 90-81.740

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Maron

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier, Potier de La Varde.

Chambéry, ch. corr., du 15 févr. 1990

15 février 1990

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : G Gérard, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Chambery, chambre correctionnelle, en date du 15 février 1990, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, pour tromperies sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, à 40 000 francs d'amende, a ordonné des mesures de publicité et a prononcé sur les réparations civiles ; Vu le mémoire produit ; Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905 et des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré G coupable de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise fabriquée et vendue par la société dont il était le dirigeant et l'a condamné à une amende et à des dommages-intérêts au profit de la partie civile, la publication de la décision étant ordonnée ;

"au motif qu'il résultait des diverses pièces du dossier que si l'écorce d'orange comme d'autre agrumes contient de l'acide benzoïque, les teneurs rapportées ne peuvent en aucun cas expliquer la présence aussi importante de cet acide à l'état naturel dans les prélèvements effectués ; que G était dirigeant de la société qui fabriquait et commercialisait les produits et qu'il ne soutenait pas s'être substitué à un tiers dans l'exercice des responsabilités lui incombant à ce titre ;

"alors, d'une part, et sur l'élément matériel du délit que la cour d'appel ne pouvait fonder sa décision sur des pièces dont l'arrêt ne précise ni la nature ni le contenu ni l'origine et dont il n'est pas indiqué qu'elles aient été contradictoirement discutées, alors pourtant que ces pièces ont eu, aux yeux des juges du fond, un caractère déterminant en ce qu'elles les ont conduits à écarter l'avis de l'expert, qui concluait à l'impossibilité de déterminer si la présence d'acide benzoïque était d'origine naturelle ou artificielle et à retenir l'opinion de l'autre expert qui affirmait que cette présence ne pouvait pas s'expliquer par une cause naturelle, ce qui caractérisait le délit ; qu'ainsi la décision, dont la motivation insuffisante ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, n'est pas légalement justifiée ;

"et alors, d'autre part, et sur l'élément intentionnel du délit qu'aucune présomption de responsabilité ne pèse, pour l'application de la loi du 1er août 1905, sur les dirigeants sociaux et qu'il appartient aux juges du fond de rechercher les circonstances propres à établir, dans chaque cas considéré, l'intention coupable ; qu'en se bornant à retenir que G était dirigeant de la société qui avait fabriqué et livré le produit et, à ce titre, devait en vérifier la conformité et qu'il n'établissait pas avoir confié à un tiers l'exercice des responsabilités pesant sur lui à ce titre, l'arrêt attaqué, qui statue par un motif général, fait peser sur l'inculpé une présomption de responsabilité et renverse le fardeau de la preuve, ne justifie pas légalement sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer Gérard G coupable de tromperie commise en vendant des boissons à l'orange, des boissons au jus de pomme, des nectars de poire Williams, des nectars aux fruits de la passion et des jus à base de concentré d'orange contenant des taux d'acide benzoïque incompatibles avec les composants autorisés, la cour d'appel, qui n'avait pas à spécifier les pièces sur lesquelles elle se fondait, estime que les taux d'acide benzoïque relevés dans ces boissons ne peuvent s'expliquer que par une adjonction de ce produit et précise qu'il appartenait au prévenu, dirigeant de la société qui commercialisait ces jus de fruit, de vérifier leur conformité aux règles en vigueur ; qu'en s'abstenant de le faire et en vendant des produits non conformes, il avait intentionnellement trompé ses cocontractants ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a caractérisé le délit de tromperie ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 1382 du Code civil, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Fédération des associations populaires et familiales syndicales de la Drôme et a condamné G à des réparations civiles ;

"alors que l'arrêt attaqué, qui se borne à confirmer le jugement déféré, qui lui-même, déclarait, sans autre explication, la constitution de partie civile et les demandes non excessives, est dépourvu de tout motif propre à justifier sa décision" ;

Attendu qu'évaluant souverainement le préjudice causé à la partie civile, la cour d'appel lui attribue la somme demandée, la jugeant non excessive ;

Attendu qu'en cet état, et alors que la constitution de partie civile n'était pas contestée, le moyen se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du

préjudice causé à la victime ; qu'il doit, dès lors, être écarté ; Et attendu que la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité critiquée par le deuxième moyen, il n'y a, en application de l'article 598 du Code de procédure pénale, pas lieu d'examiner le premier moyen proposé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.