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Décisions

Cass. crim., 25 février 1991, n° 90-81.383

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Dometz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Hecquard

Avocat général :

M. Robert

Avocats :

SCP Rouvière, Lepître, Boutet, SCP Peignot, Garreau.

Amiens, ch. corr., du 4 janv. 1990

4 janvier 1990

LA COUR : - Sur le pourvoi formé par Dometz Henri, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 4 janvier 1990 qui, dans les poursuites exercées contre Edgar V du chef de tromperie commerciale, l'a débouté de ses demandes. Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1, 2 et 3 de la loi du 1er août 1905, 16 et 25 du décret du 22 janvier 1919, 385, 386, 485, 512, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté Dometz de ses demandes après avoir déclaré nulle la procédure suivie contre le prévenu qu'elle a relaxé ;

" aux motifs que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les exceptions de nullité présentées oralement par le conseil du prévenu dès lors que celles-ci ont été soulevées tardivement puisqu'elles ne l'ont été qu'après l'interrogatoire du prévenu et après les questions posées tant au prévenu qu'à la partie civile et au témoin, ce qui constitue une défense au fond ; que cependant si dans le procès-verbal du 27 avril 1985 les contrôleurs de la répression des fraudes indiquent avoir prélevé chez Dometz trois échantillons d'avoine, aucune indication n'a été fournie sur le sort de deux échantillons restant après l'envoi de l'un d'eux au laboratoire ; que notamment il n'est pas justifié que ceux-ci aient été envoyés à la préfecture ainsi qu'en fait obligation l'article 16 du décret du 22 janvier 1919 ; qu'en outre, l'article 25 de ce décret impose au Procureur de la République d'aviser l'auteur présumé de la fraude ou de la falsification qu'il peut prendre connaissance du rapport du laboratoire et qu'un délai de 3 jours francs lui est imparti pour présenter ses observations ou demander une expertise contradictoire ; qu'aucune pièce du dossier n'établit que cette formalité substantielle ait été respectée ; que la cour estime que les conditions très critiquables dans lesquelles a été fait le prélèvement chez Dometz sans que V en ait été informé et l'absence des formalités prescrites par l'article 25 du décret du 22 janvier 1919 constitue une violation caractérisée des droits essentiels de la défense ; qu'en conséquence il convient de relever d'office que cette violation, d'ordre public, entraîne de plein droit la nullité de la procédure suivie contre V qui doit être relaxé ; que Dometz ne rapporte nullement la preuve que son préjudice résulte de l'ingestion par sa jument de l'avoine remise par V ;

" alors, d'une part, que selon les dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale, les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure à la citation doivent à peine de forclusion être présentées avant tout débat au fond et ne peuvent être soulevées d'office par la juridiction de jugement lorsqu'elles ne touchent pas à l'ordre public ; que dès lors la cour d'appel qui approuve le tribunal pour avoir rejeté les exceptions de nullité présentées oralement par le conseil du prévenu après les débats au fond, ne pouvait, sans violer les textes susvisés, relever d'office un manquement aux prescriptions des articles 16 et 25 du décret du 22 janvier 1919 dès lors qu'il ne s'agit pas de règles d'ordre public et qu'elles se trouvaient invoquées pour la première fois devant elle ;

" alors, d'autre part, que la validité de la procédure suivie contre V n'ayant pas été remise en cause avant les débats au fond et ne pouvant dès lors être critiquée, la cour d'appel ne pouvait considérer que Dometz n'apportait pas la preuve que son préjudice résultait de l'ingestion par la jument de l'avoine fournie par V sans tenir compte des éléments de preuve découlant des procès-verbaux dont la validité ne pouvait être contestée " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'il résulte de l'article 385 du Code de procédure pénale que les juges ne peuvent prononcer la nullité de la citation ou d'un acte de la procédure antérieure que s'il en a été excipé par les parties dans les conditions prévues par ce texte ; que cette règle s'applique à toutes les nullités, mêmes substantielles, touchant à l'ordre public à la seule exception de celles affectant la compétence ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que V, prévenu d'avoir remis à Dometz de l'avoine avariée ayant entraîné la mort d'une jument, a soulevé devant le tribunal correctionnel l'exception de nullité tirée des conditions irrégulières, au regard des dispositions du décret du 19 janvier 1919 pour l'application de la loi du 1er août 1905, dans lesquelles les prélèvements d'avoine avaient été effectués en vue d'une expertise ;

Attendu que pour écarter cette exception, la cour d'appel relève qu'elle n'a pas été proposée devant le tribunal correctionnel avant toute défense au fond ; qu'elle ajoute cependant, pour relaxer le prévenu, que les conditions critiquables dans lesquelles ont été effectués les prélèvements constituent une violation des droits de la défense et que " cette violation, d'ordre public, entraîne la nullité de la procédure " ;

Mais attendu qu'en relevant d'office la nullité de la procédure après avoir constaté qu'elle n'avait pas été régulièrement présentée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Amiens du 4 janvier 1990, Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans les limites de la cassation intervenue : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Douai.