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Décisions

Cass. crim., 10 janvier 1991, n° 87-80.460

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Louise

Avocat général :

M. Robert

Avocat :

Me Luc-Thaler.

Rennes, ch. corr., du 15 déc. 1986

15 décembre 1986

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : P André, L Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1986, qui, pour tromperie, fraude commerciale et usage de certificats devenus inexacts, les a condamnés chacun à une année d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende et a ordonné des mesures d'affichage et de publication de la décision ; Vu le mémoire commun produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 1 et 2 de la loi du 24 juin 1928, 153 alinéa 4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné P et L à douze mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende ;

"aux motifs repris des premiers juges que les prévenus ne contestent pas avoir participé à l'expédition de 14 850 colis de pommes Golden de catégorie II sous la désignation catégorie I ; qu'ils prétendent tous deux n'avoir eu aucune intention de frauder, et que cette substitution d'étiquetage avait pour but de satisfaire leur clientèle ; qu'ils versent aux débats plusieurs attestations justifiant de la satisfaction de leurs différents clients ;

"que de tels arguments apparaissent pour le moins surprenants ; qu'en effet, il est permis de s'interroger sur les raisons qui poussaient les prévenus à changer l'intégralité des étiquettes affectant chaque colis, dès lors qu'il est soutenu que les acquéreurs comptaient sur de la marchandise de catégorie II ; que l'on s'étonne également de voir figurer sur les documents commerciaux, factures notamment, de la marchandise classée catégorie I, alors que le client selon les prévenus accepte d'acheter de la catégorie II ;

"qu'en droit il est constant que le seul mensonge suffit à caractériser l'élément matériel de l'infraction ; qu'a fortiori, lorsque celui-ci est renforcé par les manœuvres, comme en l'espèce, constituées par un changement complet de l'étiquetage de tout un chargement auquel s'ajoute la rédaction de documents commerciaux comportant une description fausse de la marchandise, cet élément est amplement caractérisé ; que l'élément moral consiste dans la conscience chez le prévenu de ce que la chose, objet du contrat, ne possède pas les qualités que celui-ci affirme ou laisse entendre ; que tel est le cas lorsque les prévenus expédient à leurs clients étrangers des pommes classées en catégorie II sous la désignation catégorie I ; que l'acceptation de cet état de fait par le client, à supposer qu'il soit démontré, est sans influence sur la qualification des faits ; qu'il convient dès lors d'entrer en voie de condamnation ;

"que la fraude ainsi découverte a porté sur des quantités très importantes de marchandises; qu'elles ont permis aux prévenus de réaliser des profits très substantiels, qu'il convient de réprimer de tels agissements avec une grande fermeté ;

"alors que dans leurs conclusions laissées sans réponse, les demandeurs avaient fait valoir d'une part qu'il n'y avait eu aucune tromperie des cocontractants dès lors que la modification des étiquettes était faite sur la demande de ceux-ci et que par ailleurs l'attestation des fraudes qui n'a jamais été altérée et qui est remise au grossiste mentionnait bien la catégorie II ; et d'autre part qu'il n'y avait eu aucun profit de leur part, la facturation des pommes, en catégorie II, n'ayant pas été modifiée ;

"qu'en reprenant purement et simplement les motifs des premiers juges sans examiner en aucune façon ces moyens déterminants et faisant l'objet dans les conclusions d'une démonstration détaillée et chiffrée les juges d'appel ont entaché leur décision de défaut de motifs" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a justifié sa décision ; qu'en effet, d'une part, l'existence d'un profit retiré de la fraude par le vendeur n'est pas un élément constitutif du délit de tromperie ; que, d'autre part, il résulte de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, en sa rédaction issue de la loi du 10 janvier 1978, que le délit de tromperie ou de tentative ce délit peut être commis, en matière de vente, par le vendeur, même si le premier acheteur est informé de la fraude ou l'a sollicitée dès lors que ce dernier, tiers intermédiaire, a lui-même acheté pour revendre et que ses propres acheteurs sont susceptibles d'être trompés ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.