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Décisions

Cass. crim., 9 novembre 1993, n° 93-80.416

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen.

Douai, 6e ch., du 29 sept. 1992

29 septembre 1992

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par D Jean-Marie, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, du 29 septembre 1992, qui, pour tromperie, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, a ordonné des mesures de publication et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation et fausse application des articles 1, 2 et 7 de la loi du 1er août 1905, de l'article 1er du décret n 86-303 du 5 mars 1986, des articles 4 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, D, coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule d'occasion vendu par un tiers à un usager;

"aux motifs que, "dans le rapport daté du 27 septembre 1990, l'expert notait que le véhicule affichait 96 543 kilomètres au compteur, et précisait que la voiture était dans un état identique, lorsqu'elle avait été achetée par M. Murzin qui n'avait en conséquence parcouru en 5 mois d'utilisation que 2 000 kilomètres au volant d'un véhicule sommairement réparé par M. Denys avant le contrôle technique; s'agissant des faits de tromperie, il convient de rappeler qu'en dehors des formalités édictées par les articles 12 et suivants du décret du 22 janvier 1919 puis pour l'application de la loi du 1er août 1905, relatives à l'expertise des échantillons prélevés sur la marchandise objet de contrôle, l'alinéa 2 de l'article 1er dudit décret précise que la preuve des infractions à la loi sur la répression des fraudes peut être établie par toutes voies de droit commun; en l'espèce, les conclusions du rapport de l'expert ont été portées à la connaissance de M. Jean-Marie D lorsqu'il a été entendu par la gendarmerie le 21 mars 1991 puis soumises à un débat contradictoire devant le tribunal correctionnel de Cambrai alors que l'acheteur du véhicule avait, en vain, proposé en janvier 1991 à D de venir examiner le véhicule litigieux en l'état des constatations de l'expert, qui a pris soin de préciser que les graves anomalies du véhicule étaient décelables sans démontage, il apparaît que le rapport de contrôle technique a donné un avis totalement erroné sur l'état du véhicule d'occasion âgé de 10 ans, en occultant les défauts moyens qu'il présentait, de nature à le rendre dangereux, l'absence de mentions ou de remarques sur l'existence d'une intervention non conforme aux règles de l'art, afin de remédier à la disparition pour cause de corrosion des tôles support de bras de suspension arrière droit, constitue une faute professionnelle lourde, démontrant l'absence de sérieux du centre de contrôle technique, en ne procédant à aucune vérification afin de vérifier la fiabilité du document remis à un ami dont le nom n' apparaissait pas sur le rapport mais destiné en réalité à un simple particulier, D s'est soustrait à l'obligation de contrôle, qui lui incombait personnellement en sa qualité de responsable de l'établissement, le grave manquement à ses obligations professionnelles, susceptible de mettre en cause la sécurité des usagers du véhicule ne permet pas d'admettre sa bonne foi, et caractérise l'élément intentionnel de délit qui lui est reproché; M. Jean-Jacques Denys ne contestait pas connaître l'état du véhicule qu'il avait acheté en vue d'en prélever des pièces avant de l'envoyer à la casse, aucune information n'avait été donnée à l'acquéreur, sur les modifications apportées au véhicule, en vue de le rendre présentable, à la suite de la disparition d'éléments de la suspension par l'effet de la rouille, la remise du rapport de contrôle technique ne pouvant dispenser le vendeur de renseigner l'acquéreur des vices connus affectant le véhicule; en l'état de ces éléments qui démontrent que l'action conjuguée de M. D, au moyen d'un rapport de contrôle technique erroné, a amené la partie civile à acquérir un véhicule dont les défauts majeurs et les désordres principaux avaient été occultés, il y prise à confirmation de la décision relative à leur culpabilité";

"1°) alors qu'il résulte de l'article 1er du décret n° 86-303 du 5 mars 1986 pris en application de la loi du 1er août 1905 que les vérifications techniques opérées par un centre agréé sur les véhicules mis en circulation depuis plus de 5 ans sont consignées dans un document répondant à la norme française X 50-201; "que ce document énumère strictement l'objet des contrôles que doit effectuer le centre agréé; "qu'en l'espèce, il résulte du document réglementaire régulièrement rempli que le centre de contrôle technique a expressément signalé la corrosion affectant la carrosserie et les ornements (c'est-à-dire notamment les longerons) ainsi que l'existence de fuites d'huile sur les organes mécaniques et de cinq autres anomalies précises; "qu'en présence de ce rapport technique établi dans les formes réglementaires, la Cour ne pouvait se contenter d'affirmer que le centre de contrôle technique avait occulté les défauts moyens de nature à rendre le véhicule dangereux, sans s'expliquer sur chacun des défauts signalés dans ce rapport et notamment sans examiner si en mentionnant expressément la corrosion de la carrosserie, le centre n'avait pas suffisamment mis en garde le destinataire du rapport sur les défauts affectant les qualités substantielles du véhicules; "qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et de l'article 1er du décret n° 86-303 du 5 mars 1986;

"2°) alors que le centre de contrôle technique ne doit signaler que les défauts affectant le véhicule au jour de l'examen technique; "que, dans ses conclusions d'appel, D faisait utilement valoir à cet égard que la réparation grossière et dangereuses opérée sur longerons corrodés n'existait pas le jour du contrôle, et qu'elle avait dû être réalisée entre la date de l'examen technique (le 9 avril 1990) et la vente ultérieure du véhicule le 12 avril 1990, voire même postérieurement; "qu'en ne s'expliquant pas sur la date précise à laquelle l'intervention litigieuse a été effectuée, la Cour n'a pu légalement reprocher à D de ne pas avoir signalé ce "bricolage" et, ce faisant, a privé sa décision de motifs en délaissant un chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu;

"3°) alors qu'enfin, en se fondant exclusivement sur l'expertise non contradictoire de M. Kempen pour établir l'importance des défauts affectant le véhicule que le centre de contrôle technique aurait minimisés ou occultés, sans faire droit à la demande de contre-expertise judiciaire sollicitée par le prévenu et sans procéder à l'audition du préposé qui a procédé à l'examen technique litigieux qui contestait formellement que le véhicule ait présenté au jour du contrôle des défaut de l'ampleur constatée par l'expert amiable, la Cour a méconnu les droits de la défense en violation des articles 427, 434 et 435 du Code de procédure pénale";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable; d'où il suit que le moyen, qui remet en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.