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Décisions

Cass. crim., 25 janvier 1993, n° 92-81.437

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Hecquard

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, SCP Rouvière, Lepitre, Boutet.

Douai, ch. corr., du 12 févr. 1992

12 février 1992

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par V Edgar, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 12 février 1992 qui, sur renvoi après cassation dans la procédure suivie contre lui du chef de fraude commerciale, a prononcé sur les intérêts civils; Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 1er et 2 de la loi du 1er août 1905, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

"en ce que, statuant dans la limite des intérêts civils, la cour d'appel a déclaré le demandeur coupable de fraude pour avoir cédé à un tiers une marchandise impropre à la consommation et, en conséquence, l'a condamné à payer une somme de 1 000 francs en compensation de la perte de la marchandise non utilisée, tout en ordonnant une mesure d'expertise destinée à rechercher si la présence de produits toxiques dans son estomac avait rendu la jument de la partie civile propre ou non à la consommation;

"aux motifs que, "le 25 mars 1985", M. Dometz, agriculteur-éleveur, avait enlevé chez V 1840 kg d'avoine contenant des grains rouges; que le cédant reconnaissait lui avoir affirmé que ces grains n'étaient pas dangereux et qu'il en donnait à manger à ses propres animaux; que, le 26 avril 1985, une jument de M. Dometz était morte d'une crise de colique due à une indigestion aiguë; que, le 27 avril 1985, l'expert-vétérinaire avait pratiqué une autopsie de la bête qui avait révélé la présence dans l'estomac de l'animal de grains de blé rouge; que le laboratoire de la répression des fraudes de Massy avait effectué une analyse d'échantillons prélevés et avait constaté que les grains rouges contenaient des teneurs en insecticide très supérieures aux limites de tolérance et ne pouvaient en aucun cas être utilisés pour l'alimentation animale; que l'INRA avait examiné le contenu de l'estomac de la jument, ce qui avait permis également de confirmer la présence de blé rouge contenant du lindan et de l'indosulfan, mais avait refusé de retenir que ces substances (eussent pu provoquer de façon directe la mort de la jument; qu'il était ainsi établi que si V s'était bien rendu coupable de fraude en cédant à M. Dometz une marchandise impropre à la consommation, ces agissements n'étaient pas à l'origine de la mort de la jument.;

"alors que, d'une part, pour déclarer la marchandise impropre à la consommation, la cour d'appel ne pouvait se fonder seulement sur les résultats d'une analyse d'échantillons, dont l'origine n'était pas spécifiée, effectuée par le laboratoire de la répression des fraudes de Massy, sans préciser, comme elle y était invitée, que l'expert judiciaire avait fait analyser des échantillons d'avoine (et non pas seulement les "graines rouges" que les céréales cédées contenaient), prélevés chez la partie civile comme chez le demandeur, par un laboratoire qui avait conclu à l'innocuité des doses d'insecticide tandis que les autres constatations de l'homme de l'art s'opposaient à une hypothèse d'intoxication alimentaire par les produits incriminés;

"alors que, d'autre part, l'intention frauduleuse est un élément constitutif du délit de tromperie sur la marchandise et qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le demandeur n'avait nullement conscience de la prétendue nocivité des céréales qu'il avait cédées";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment intentionnel, le délit de fraude commerciale dont elle a déclaré le prévenu responsable et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice partiel découlant de l'infraction et sa décision d'ordonner une expertise destinée à permettre l'évaluation d'un préjudice complémentaire; d'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattue devant eux, ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.