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Décisions

Cass. crim., 17 novembre 1993, n° 92-85.382

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Verdin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

Me Blondel, SCP Nicolay, de Lanouvelle.

Paris, 13e ch., du 24 sept. 1992

24 septembre 1992

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - Verdin Jean-Louis, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 24 septembre 1992, qui l'a débouté de ses demandes après avoir relaxé Christian C et Jean-Hervé D du chef de tromperie ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1 et 7 de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, ensemble violation de l'article 1 du décret du 22 janvier 1919, méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale et violation de l'article 1382 du Code civil ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé les consorts D et C du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ;

"aux motifs, en ce qui concerne la déficience en magnésie des engrais produits et livrés par la société X que ladite société dont Jean-Hervé D est le directeur régional, a livré à Jean-Louis Verdin des engrais vendus sous la dénomination "scoractifs 12-6+5" se composant de :

- 12 % d'acide phosphorique, dont 6 % des scories Thomas et 6 % de phosphal ;

- 6 % de potasse ;

- 5 % de magnésie ;

"et aux motifs encore que les livraisons étaient effectuées les 22, 23 et 29 août 1988, en cinq fois, pour un poids total de 116 tonnes 250 kilos ; que Jean-Louis Verdin qui prétend avoir prélevé les échantillons d'engrais au moment où ceux-ci étaient déversés des camions dans le champs, faisait procéder à des analyses de ce produit par un laboratoire dénommé "station agronomique de l'Yonne" sis à Auxerre, les deux premières analyses portant, selon la partie civile, sur des scories contenues dans les deux premiers camions et la troisième sur des scories contenues dans les trois autres camions ; que le laboratoire, auquel les échantillons avaient été remis le 25 août, les 8 et 19 septembre 1988, constatait que le taux d'oxyde de magnésium (ou magnésie) était de 1,3 % (et non de 5 %) pour chacun des prélèvements ; que les deux prévenus contestent les conditions dans lesquelles ces analyses, qui n'ont eu aucun caractère contradictoire, ont été faites et font observer notamment que les prélèvements ont été effectués hors leur présence et celle des employés de la société X, que cette dernière avait engagé une société de services pour procéder à l'épandage des engrais dès leur sortie des camions, et que la teneur en humidité du dernier échantillon laisse à penser que les produits analysés, à supposer qu'il proviennent bien des livraisons faites par la société X avaient été ramassés après épandage, alors que l'oxyde de magnésium est soluble dans la terre humide ;

"et aux motifs qu'ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, si la victime, en matière de fraude, n'est pas tenue de respecter la procédure prévue par la loi du 1er août 1905 et le décret du 22 janvier 1919, lorsqu'elle effectue des prélèvements, il appartient à la juridiction saisie de s'assurer de l'authenticité des échantillons et de la fiabilité des analyses effectuées ; qu'en l'espèce, faute par Jean-Louis Verdin d'avoir procédé à ces prélèvement en présence d'un représentant de la société X ou de les avoir fait effectuer par un huissier, il n'est nullement établi que les échantillons analysés aient été prélevés sur les engrais livrés par X, ou, l'eussent-ils été, qu'ils aient été prélevés dans les camions et non après épandage ; que la partie civile ne saurait donc soutenir valablement que les engrais livrés par la société X comportaient un déficit en magnésie ;

"alors qu'en reprochant à la partie civile de n'avoir pas fait procéder aux divers prélèvements d'engrais dont les résultats étaient convergents en présence d'un représentant du vendeur, ou par huissier, pour affirmer que ce faisant il n'était pas établi que les échantillons prélevés l'aient été sur les engrais livrés ou l'eussent-ils été si c'était après ou avant épandage, la cour soumet la preuve de faits de tromperie sur la qualité substantielle de la chose vendue à des conditions spécifiques -prélèvements en présence d'un représentant du vendeur ou par huissier- non requises, violant ainsi les textes visés au moyen, ensemble le principe de la liberté des preuves et de l'intime conviction ;

"et aux motifs s'agissant de la livraison de scoractifs au lieu des scories potassiques qui auraient été commandés par Jean-Louis Verdin que le 20 août 1988, le susnommé commandait à la SARL Y dont Christian C est le gérant, 1 300 quintaux de scories potassiques ainsi qu'en atteste le bon de commande qui porte la mention "sco-pot", et qu'il n'est pas contesté que lui ont été livrées, non pas des scories potassiques composées de 12 % d'acide phosphorique provenant de scories Thomas, de 6 % de potasses et de 5 % de magnésie, mais un produit dénommé "scoractif" à savoir des scoriesphosphal-potassiques comportant 12 % d'acide phosphorique, dont 6 % de scories Thomas et 6 % de phosphal, 6 % de potasse et 5 % de magnésie ; que Christian C qui, compte tenu de l'urgence de la livraison, passait lui-même commande pour le compte de Jean-Louis Verdin, à la société X par téléphone, sans que celle-ci ait jamais reçu le bon de commande établi par la société Y dans le cadre du contrat qu'elle avait passé avec l'agriculteur, a admis qu'il avait demandé à X de livrer le produit qu'elle fabrique habituellement, à savoir des "scoractifs", croyant de bonne foi que cela correspondait à la demande du client ; que Jean-Hervé D qui était alors directeur de la production à la société X observe qu'il a livré le produit qui lui avait été commandé par Christian C, qu'il ne produisait d'ailleurs pas à l'époque de scories potassiques, que les agriculteurs confondent les deux produits et les dénomment indifféremment "sco-pot" et que Christian C s'était rendu, en compagnie d'un représentant de X, M. Renaud, avant la commande, à la ferme de Jean-Louis Verdin où les deux hommes avaient expliqué au père de ce dernier la nature et les avantages du produit qu'ils pouvaient livrer, à savoir le "scoractif" ; que les deux prévenus soulignent que la partie civile a signé sans faire de réserves les bons de livraison et le bon d'attachement portant sur ledit produit ; qu'il résulte par ailleurs des déclarations de Daniel Vincens, chef de région d'une société commercialisant des engrais, que Jean-Louis Verdin lui avait demandé, quelques mois auparavant, de lui fournir des engrais potassiques et que, s'étant lui-même informé auprès de son fournisseur, la société X, il avait rapporté à Jean-Louis Verdin que cette société n'en produisait pas ; qu'il résulte de ces éléments que Jean-Hervé D, en faisant livrer à Jean-Louis Verdin les engrais "scoractifs" que Christian C lui avait commandés par téléphone, ne peut être en aucun cas tenu pour responsable de la conformité, alléguée par la partie civile, du produit livré avec celui qui aurait été commandé, et encore moins, être l'auteur d'une tromperie volontaire sur les qualités substantielles de ce produit ;

"alors qu'il ressort de l'arrêt lui-même que la partie civile avait commandé à Christian C, gérant de la société Y des scories potassiques composées de 12 % d'acide phosphorique provenant de 6 % de scories Thomas, de 6 % potasse et de 5 % de magnésie, cependant que lui a été livré par une autre société à laquelle s'était adressé Christian C un produit dénommé "scoractif", à savoir des scories de phosphal-potassique comportant 12 % d'acide phosphorique, 6 % de scories Thomas, 6 % de phosphal, 6 % de potasse et 5 % de magnésie ; qu'ainsi existait un irréductible décalage entre le produit commandé à Christian C qui ce faisant, pour obtenir la commande, a fait croire qu'il pouvait fournir des scories potassiques ainsi qu'en atteste le bon de commande cependant qu'il savait parfaitement qu'il ne pouvait faire fabriquer dans la formule que du scoractif, ce qui était en soi de nature à caractériser le délit de tromperie sur les qualités substantielles à l'égard de Jean-Louis Verdin ; qu'en relaxant Jean-Hervé D sans s'interroger avec toute la minutie qui s'imposait sur l'attitude de Christian C qui avait été retenu dans les liens de la prévention par les premiers juges, la cour viole les textes cités au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a exposé sans insuffisance ni contradiction les motifs dont elle a déduit que le délit de tromperie reproché aux prévenus n'était pas caractérisé en tous ses éléments et a ainsi justifié sa décision de débouté de la partie civile ; d'où il suit que le moyen, qui remet en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur des éléments de preuve ainsi que des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.