Cass. crim., 7 avril 1993, n° 92-84.091
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Souppe (faisant fonctions)
Rapporteur :
M. Carlioz
Avocat général :
M. Galand
Avocats :
SCP Celice, Blancpain.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : - P Antoine, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre section A, du 9 juin 1992 qui, pour tromperie et mise en vente de denrées alimentaires ayant atteint la date limite de consommation, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement assortis du sursis simple et à une amende de 10 000 francs pour le délit, à 12 amendes de 600 francs chacune pour les contraventions, a exclu la mention de cette condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire et a ordonné la publication et l'affichage de la décision ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1er, 11 et 13 de la loi du 1er août 1905, 18 alinéa 1 du décret 84-1147 du 7 décembre 1984, 43-1 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Antoine P à trois mois d'emprisonnement avec sursis, à 10 000 francs d'amende pour le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, à 600 francs pour chacune des contraventions relevées, et à la publication de ces condamnations moyennant un montant de 5 000 francs maximum pour chaque publication ;
"aux motifs que "au fond les faits sont établis ; qu'Antoine P qui n'a consenti aucune délégation de pouvoirs à ses chefs de rayons ou de département et qui ne conteste pas la matérialité des faits constatés par les enquêteurs, doit être tenu pour responsable du fonctionnement de son magasin et des tromperies sur les qualités substantielles de marchandises offertes à la vente à des prix artificiellement majorés, cet élément révélant le caractère volontaire de l'infraction, ainsi que des mises en vente de denrées alimentaires ayant atteint la date limite de consommation ;
"que les peines prononcées par les premiers juges assorties de leur exclusion du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé ainsi que les mesures d'affichage et la publication constituent une équitable application de la loi pénale ;
"que toutefois, la cour estime devoir élever à 5 000 francs le coût maximum de chaque publication, (cf. arrêt attaqué p. 3) ; "1°) alors que P dans ses conclusions d'appel précisait que la responsabilité de l'exactitude des dénominations de vente ainsi que la gestion des dates limites de vente incombaient directement aux chefs de départements qui ont reçu délégation à cet effet en application des "fiches d'activité" et de "profil de poste" normalisées au sein de la chaîne de distribution X ; que dès lors, en affirmant que P "n'a consenti aucune délégation de pouvoirs à ses chefs de rayon ou de département", sans expliquer sur les fiches d'activité et profils de poste qui comportaient une telle délégation, la cour a entaché sa décision d'un défaut de motif caractérisé ; "2°) alors que les délits visés par la poursuite, pour être constitués, supposent la démonstration d'une intention coupable et d'un acte positif personnel de tromperie et de détention de denrées périmées qui peuvent se traduire pour un dirigeant d'entreprise par le non-respect avéré des obligations de contrôle résultant de sa fonction ; que dès lors, en ne recherchant pas si P avait en toute conscience précisément failli à ses obligations de contrôle et avait personnellement commis une faute de nature à lui rendre imputable l'infraction commise dans la grande surface, la cour a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ; "3°) alors que la loi du 1er août 1905 sur les fraudes n'édicte aucune présomption de responsabilité des dirigeants d'entreprises ; que dès lors en affirmant que P "... qui n'a consenti aucune délégation de pouvoirs... doit être tenu pour responsable", la cour instaure une présomption de responsabilité en violation des textes visés au moyen ; "4°) alors qu'en affirmant que c'est la majoration artificielle du prix des marchandises, objet de la tromperie, qui révèle l'élément intentionnel de l'infraction, sans rechercher si véritablement il y avait bien eu majoration, ce qui ne ressortait directement ou indirectement d'aucune des pièces de la procédure, ou encore si P était intéressé au chiffre d'affaires et si enfin les prétendues majorations en cause de six produits auraient eu quelque influence sur le chiffre d'affaire de l'hypermarché, la cour a statué par un motif particulièrement infondé et inopérant" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, et du jugement qu'il confirme, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la juridiction du second degré a, sans insuffisance ni contradiction et sans inverser la charge de la preuve, caractérisé en tous ses éléments constitutifs, matériels et intentionnel, le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue dont elle a, notamment, déclaré Antoine P coupable ; que le moyen qui, en sa première branche, procède d'une affirmation inexacte et qui, pour le surplus, se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait dès lors être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.