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Décisions

CA Paris, 9e ch. B, 4 octobre 1995, n° 95-02285

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fourquet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pelletier

Avocat général :

M. Fortin

Conseillers :

Mme Beauquis, M. Barrau

Avocats :

Mes Establet, Bessis.

TGI Créteil, 11e ch., du 27 févr. 1995

27 février 1995

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire en date du 27 février 1995, a déclaré P Roland et O Josseline épouse P non coupables:

- de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, commis de 1985 à 1991, à Orly,

- d'abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, commis de 1985 à 1991, à Orly,

les a relaxés et a débouté Maître Gifles Pelligrini et M. Pierre Fourquet, parties civiles de leur demande de dommages-intérêts.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur Fourquet Pierre, le 27 février 1995, contre M. P et le 1er mars 1995 contre Madame O épouse P,

Monsieur le Procureur de la République, le 1er mars 1995, contre M. P Roland et Mme O Josseline épouse P.

Décision:

En la forme:

Considérant, en se référant aux mentions qui précèdent et aux pièces de la procédure, que Pierre Fourquet, partie civile, et le Ministère public ont régulièrement interjeté appel du jugement susvisé du Tribunal de grande instance de Créteil (11e chambre) du 27 février 1995, et qu'il y a lieu, par suite, de déclarer lesdits appels recevables.

Au fond:

Considérant que les premiers juges, après rappel de la procédure et des termes de la prévention, ont exactement relaté les circonstances de la cause et qu'il convient de s'en rapporter, à cet égard, aux énonciations du jugement déféré.

Considérant que P Roland et O Josseline épouse P ont été renvoyés devant le tribunal pour avoir:

- trompé M. Pierre Fourquet, personnellement et ès qualités de gérant de la société Imprimerie Hubert et Legay SARL, sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur de la marchandise, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat, en lui cédant la totalité des parts qu'ils détenaient dans la société X, en lui fournissant pour déterminer cet achat des informations erronées sur l'état financier de cette société, et en présentant de faux bilans.

- fait en leur qualité de cogérants et associés de la SARL X, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles, en l'espèce en percevant: 35 000 F en 1985 pour P Roland, 50 000 F en 1987 pour O Josseline épouse P d'avances sur salaire jamais remboursées, et en laissant son compte débiteur pour un montant de 10 911,18 F pour O Josseline épouse P, et en omettant de régler 69 loyers de 2 181,45 F (soit 150 520,05 F) à la SARL X, depuis le 12 mars 1985, correspondant à l'occupation d'appartement inclus dans le bail de cette société, location n'apparaissant pas non plus dans les bilans comptables de la société.

Considérant que les premiers juges, estimant que les délits de tromperie et d'abus de biens sociaux, dénoncés par la prévention, n'étaient pas caractérisés, ont renvoyé les prévenus des fins de la poursuite et débouté, par voie de conséquence, la partie civile de l'ensemble de ses demandes.

Considérant qu'au soutien de son appel M. Pierre Fourquet fait valoir que les affirmations mensongères des prévenus et les mentions erronées figurant aux bilans, l'ont amené, en sa qualité de gérant de la SARL "Imprimerie Hubert et Legay", dont il détenait avec sa famille la totalité du capital, à engager cette société à acquérir les parts de la société X et à financer personnellement cet achat par un apport en compte-courant.

Qu'il demande à la cour de requalifier en escroquerie les faits dont elle est saisie et de lui allouer la somme de deux millions de francs en réparation de son préjudice, tant matériel que moral.

Considérant que les époux P concluent à la confirmation du jugement entrepris et, reprenant leur argumentation de première instance, font valoir que le délit de tromperie ne saurait s'appliquer à une simple cession de parts sociales et que les prescriptions de l'article 8 de la loi du 1er août 1905 interdisent, par ailleurs, toute requalification des faits initialement poursuivis en vertu de cette même loi.

Qu'ils soutiennent encore que les abus de biens sociaux, qui leur sont reprochés, sont couverts par la prescription et ne sont en tout état de cause, nullement constitués.

Qu'ils sollicitent enfin la condamnation de Pierre Fourquet à leur payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur le délit de tromperie:

Considérant que les premiers juges ont relevé avec pertinence que le délit de tromperie ne s'appliquait qu'aux ventes de marchandises et que la cession d'éléments incorporels, notamment de parts sociales, n'entrait pas dans les prévisions de la loi du 1er août 1905.

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de cette même loi, dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 216-4 du Code de la consommation, "toute poursuite exercée en vertu de la présente loi devra être continuée et terminée en vertu des mêmes textes".

Que les faits poursuivis, et retenus à la charge des époux P, sous la prévention de tromperie ne sont, dès lors, susceptibles d'aucune qualification nouvelle par la cour.

Sur le délit d'abus de biens sociaux:

Considérant qu'en matière d'abus de biens sociaux le point de départ de la prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action.

Considérant qu'il est constant, en l'espèce, que les agissements frauduleux reprochés aux prévenus n'ont été révélés qu'à la suite de la cession des parts de la société X, intervenue le 6 février 1991.

Que la prescription qui n'a, donc, commencé à courir qu'à cette dernière date, a été interrompue par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 20 novembre 1991.

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les intimés, les poursuites pouvaient être exercées simultanément pour tromperie et pour abus de biens sociaux, dès lors qu'elles ne reposaient pas sur le même fondement et visaient des faits distincts.

Considérant que les époux P contestent les abus de biens sociaux qui leur sont reprochés, faisant valoir qu'ils ont assumé avec prudence et diligence la gestion de l'entreprise depuis sa création, en 1983, jusqu'à la cession de leurs parts, le 6 février 1991.

Qu'ils se prévalent, à cet égard, de la progression constante du chiffre d'affaires qui est passé notamment de 5 393 804 F en 1987 à 7 787 672 F en 1990.

Considérant que les époux P font observer qu'ils ont consenti d'importants efforts en ne prélevant que de faibles salaires et en versant spontanément, pendant plusieurs années, une indemnité d'occupation pour un local mis à leur disposition au sein de l'entreprise.

Que par la suite, compte tenu des bons résultats de l'entreprise, ils n'avaient pas eu conscience de léser les intérêts sociaux en s'octroyant, P Roland une prime de 35 000 F en 1985 et O Josseline épouse P, une prime de 50 000 F en 1987, imputées à tort en "avances sur salaires".

Que pour les mêmes raisons ils s'étaient crus autorisés à cesser de payer un loyer pour un local insalubre et insusceptible de sous-location et qu'ils n'occupaient qu'occasionnellement lorsque la bonne marche de l'entreprise leur imposait de rester sur place à une heure tardive.

Considérant que les prévenus soutiennent encore que des avances sur salaires ont été imputées par erreur au débit du compte courant de O Josseline épouse P: qu'ils font observer, néanmoins, qu'informés par le magistrat instructeur de l'existence d'un compte courant débiteur, ils avaient aussitôt régularisé la situation auprès du mandataire-liquidateur.

Considérant qu'en l'état de ces énonciations, et alors que les explications des prévenus ne sont contredites par aucun élément de la procédure, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il ne résultait pas des circonstances de la cause la preuve suffisante d'un élément intentionnel de la part des époux P.

Considérant que les faits tels que dénoncés par la poursuite et poursuivis sous la prévention d'abus de biens sociaux ne sont susceptibles d'aucune requalification.

Considérant que la cour confirmera, dès lors, le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé P Roland et O Josseline épouse P des fins de la poursuite et, par voie de conséquence, a débouté M. Pierre Fourquet de son instance en réparation civile.

Considérant que les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ne s'appliquant qu'à la seule partie civile, les époux P seront déclarés irrecevables en leur demande en paiement de frais irrépétibles.

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort. En la forme: Reçoit les appels de M. Pierre Fourquet, partie civile, et du Ministère public. Au fond: Confirme en toutes ses dispositions le jugement dont appel. Dit les époux P irrecevable en leur demande en paiement de frais irrépétibles. Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause tous autres moyens, fins ou conclusions et les rejette comme contraires à la motivation retenue par la cour. Le tout par application des articles 512, 516 du Code de procédure pénale.