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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ., 31 octobre 2002, n° 01-02616

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

De Canecaude, Vocalpub (SARL), Brouard-Daude (ès qual.)

Défendeur :

Rochon, EDPS (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacquet

Conseillers :

M. Roux, Mme Biot

Avoués :

Mes Verrière, SCP Junillon-Wicky

Avocat :

Mes Hilbert-Thomasson.

TGI Lyon, du 15 nov. 2000

15 novembre 2000

Faits, procédure, prétentions des parties:

Gilles Rochon est titulaire de la marque déposée "EO" sous laquelle est fabriqué et diffusé par la société EDPS un système radio-commandé de synthèse vocale destiné essentiellement à équiper les feux tricolores de signalisation routière afin de permettre aux personnes aveugles ou mal voyantes de se diriger et de traverser en sécurité les voies de circulation.

Reprochant à Emmanuel de Canecaude, gérant de la société Vocalpub, d'avoir diffusé un document diffamatoire et constituant un acte de concurrence déloyale à leur égard, Gilles Rochon et la société EDPPS ont assigné Emmanuel de Canecaude et la société Vocalpub en payement de dommages-intérêts et d'indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Vocalpub ayant été déclarée en redressement judiciaire, maître Facques et la SCP Brouard-Daude ont été appelés en intervention forcée en qualité d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers.

Le Tribunal de grande instance de Lyon s'étant déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance du même lieu et les demandeurs ayant formé contredit, par arrêt du 6 février 1997 la cour de céans a déclaré bien fondé le contredit et renvoyé les parties devant le premier juge pour l'examen du fond de l'affaire.

Le 15 novembre 2000 a été rendu le jugement suivant:

- Déclare prescrites les demandes fondées sur l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

- Déclare bien fondées les demandes fondées sur le dénigrement constitutif de fautes au sens de l'article 1382 du Code civil,

- Condamne la société Vocalpub et Emmanuel de Canecaude à payer à Gilles Rochon et à la société EDPS la somme de 100 000 F, soit 50 000 F à chacun, outre 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- Vu l'état de redressement judiciaire de la société Vocalpub, fixe à 50 000 F à titre de dommages-intérêts et à 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la créance de la société EDPS et de Gilles Rochon à l'égard de la société Vocalpub.

Appelants de cette décision, Emmanuel de Canecaude et la SCP Brouard-Daude ès qualités soutiennent que tous les actes invoqués par les demandeurs seraient constitutifs de concurrence déloyale; que l'assignation introductive est nulle, les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 n'ayant pas été respectées; subsidiairement, qu'Emmanuel de Canecaude et la société Vocalpub n'ont jamais commercialisé "le produit litigieux" de sorte que la concurrence déloyale alléguée n'existe pas; que les éléments mentionnés dans le document incriminé ne sont pas critiquables. Ils reprochent à Gilles Rochon de s'être présenté auprès de prospects comme étant représentant de la société Vocalpub alors qu'il n'était plus au service de celle-ci; que, afin de "livrer rapidement un client qu'il venait de détourner" de ladite société, Gilles Rochon a fait réaliser une copie servile du système qui était un concept inventé par Emmanuel de Canecaude et la propriété de la société Vocalpub; que Gilles Rochon a violé l'engagement qu'il avait pris envers la société Vocalpub de ne pas commercialiser de produits concurrents pendant la durée du contrat et fait preuve de déloyauté envers elle en détournant sa clientèle et les produits développés par elle pour en faire bénéficier la société EDPS; que cela avait entraîné un préjudice considérable à l'origine du redressement judiciaire de la société Vocalpub. Ils concluent à confirmation du jugement sur la prescription des demandes fondées sur l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, à la réformation du jugement pour le surplus, au rejet des demandes adverses fondées sur l'article 1382 du Code civil et à la condamnation de Gilles Rochon et de la société EDPS à payer à Emmanuel de Canecaude la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, à la société EDPS la somme de 164 000 F correspondant aux frais de développement du système "feux parlants déclenchables à distance" ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les intimés concluent au rejet de l'appel et des demandes adverses et forment appel incident pour faire juger qu'Emmanuel de Canecaude et la société Vocalpub ont commis une diffamation à leur égard, faire condamner Emmanuel de Canecaude à payer les sommes de 500 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, commercial et financier, de 20 000 à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire et de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et faire fixer à pareilles sommes leur créance au passif de la société Vocalpub.

Motifs de la décision:

Attendu que dans l'acte introductif d'instance du 28 mars 1996 sont visées d'une part la diffamation d'autre part la concurrence déloyale;

Que cet acte est nul en ce qu'il vise la diffamation dès lors que toutes les mentions exigées par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 n'y figurent pas;

Attendu, au surplus, qu'il ressort des pièces de la procédure de première instance que le premier acte accompli après de l'arrêt du 6 février 1997 a été la notification le 27 novembre 1997 des conclusions des demandeurs; qu'il s'est ainsi écoulé plus de trois mois sans acte de procédure et que les demandes fondées sur l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 seraient donc prescrites si l'acte introductif était régulier;

Attendu, s'agissant de la concurrence déloyale, que les appelants ne contestent pas les faits qui leur sont reprochés;qu'ils ne peuvent pas sans se contredire soutenir que ces faits ne seraient pas constitutifs de la concurrence déloyale au motif qu'ils n'ont eux-mêmes jamais commercialisé le produit litigieux alors qu'ils affirment le contraire dans la première phrase de leurs écritures (immédiatement après le titre 'Faits et Procédure') et que dans le document diffusé lors de la réunion du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques CERTU du 5 janvier 1996 ils invitaient les participants à cette réunion à acheter plutôt les feux "Sans risque" Vocalpub en profitant aussi de tarifs hors concurrence: 1 700 F HT pour 2 feux "Sans risque ", 150 F HT par télécommande 2 codages;

Attendu que pour preuve du brevet dont Emmanuel de Canecaude prétend être titulaire les appelants n'ont communiqué qu'un document qu'ils dénomment "copie officielle INPI du 20 avril 1994" qui n'est que la copie d'une demande de titre de propriété industrielle déposée à l'institut; que la preuve de la délivrance du brevet n'a pas été produite aux débats;

Qu'en appel pas plus qu'en première instance il n'est démontré qu'Emmanuel de Canecaude est le véritable inventeur du système litigieux et que Gilles Rochon a détourné cette invention ainsi que des clients de la société Vocalpub pour en faire profiter la société EDPS;

Attendu que les actes imputés à faute par Emmanuel de Canecaude et la société Vocalpub à Gilles Rochon et à la société EDPS sont donc dépourvus de toute justification;

Attendu qu'à bon droit le premier juge a considéré que ces faits étaient constitutifs de la concurrence déloyale par dénigrement;qu'il a fait une juste appréciation du préjudice ainsi causé et de la réparation due aux demandeurs;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux intimés la charge des frais non compris dans les dépens et exposés par eux en cause d'appel;

Par ces motifs: LA COUR, Confirme le jugement; Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour frais exposés en appel; Condamne les appelants aux dépens de première instance et d'appel et autorise l'avoué de leurs adversaires à recouvrer directement contre eux les sommes dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.