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Décisions

CA Pau, ch. corr., 9 février 1994, n° 128-94

PAU

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Riboulleau

Substitut :

général: M. Nicod

Conseillers :

MM. Masson, Laventure

Avocat :

Me Serizier.

TGI Mont-de-Marsan, ch. corr., du 23 fév…

23 février 1993

Statuant sur les appels interjetés le 4 mars 1993 par la prévenue et le Ministère public d'un jugement contradictoirement rendu le 23 février 1993 par le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan qui pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et tentative a condamné Aliette C à 30 000 F d'amende;

Attendu qu'il est fait grief à la prévenue:

- d'avoir à Roquefort et Bourdalat le 6 juin 1988, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit trompé la société Darroze sur les qualités substantielles de l'Armagnac vendu

- d'avoir à Bourdalat, le 5 juin 1990, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription tenté de tromper tout acheteur éventuel sur les qualités substantielles de l'armagnac, ladite tentative manifestée par un commencement d'exécution en l'espèce présenter de l'armagnac sous le millésime 1956 alors que des eaux de vie plus jeunes y avaient été ajoutées, n'ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur en l'espèce le contrôle effectué par l'administration;

Faits prévus et punis par les articles 2, 3, 51 al. 2 du Code pénal, 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905

Attendu qu'il résulte de la procédure les faits suivants:

Le 20 février 1990, les commissaires de la Direction Départementale de la Concurrence et de la Consommation des Landes, effectuaient un contrôle au siège de la société Darroze, négociant en Armagnac, à Roquefort,

Il était procédé à un prélèvement d'échantillons sur un lot de 15 bouteilles de 75 cl. de Bas Armagnac millésimé 1954. Cet Armagnac avait été vendu à la société Darroze par Madame Aliette C, agricultrice,

L'analyse des échantillons selon la méthode du carbone 14, donnait un taux de radioactivité correspondant aux années 1961-1962;

L'administration poursuivait ses investigations dans les chais de la propriété de Madame Aliette C et prélevait de l'eau de vie portant l'appellation Bas Armagnac 1956;

L'analyse de cet alcool selon la même méthode, concluait à un taux de radioactivité correspondant à 1962;

Une information était ouverte et Madame C expliquait ces différences de date par des ouillages c'est-à-dire par d'adjonction d'Armagnac dans les fûts pour compenser l'évaporation;

Une expertise était ordonnée, elle était confiée aux Professeurs Bertrad et à M. Sudreau, qui au vu des analyses pratiquées par le Laboratoire interrégional de la DGCCRF indiquait,

- que les millésimes indiqués par Mme C étaient sérieusement contestables,

- que la notion de millésime doit être écartée car selon l'inculpé il s'agirait d'assemblages d'eaux de vie d'années différentes,

- que si un âge moyen des eaux de vie pouvait être évalué, si une deuxième mesure venait confirmer les résultats obtenus, cela n'avait aucun intérêt, car c'est l'eau de vie la plus jeune qui doit être prise en compte pour indiquer l'âge de l'assemblage,

A l'audience, Madame C contestait la méthode d'analyse par le carbonne 14, elle indiquait n'avoir eu aucune intention frauduleuse, et disait enfin qu'en ce qui concerne les eaux de vie de 1956, il ne pouvait y avoir de tentative, car ces alcools qui n'avaient jamais été proposés à la vente, étaient destinés à ses enfants et à la consommation personnelle de la famille;

Elle produit un certain nombre d'analyses, faites par divers laboratoires, à partir des mêmes produits échantillonnés, donnant lieu à des résultats très variés, alors qu'ils ont utilisé la même méthode par carbone 14.

Sur quoi,

Attendu qu'il n'appartient pas à la cour de porter un jugement de valeur sur la technique scientifique et l'analyse par Carbone 14;

Qu'elle doit seulement constater qu'au cas d'espèce, la variabilité des résultats obtenus, ne permet pas d'apprécier avec certitude le millésime des alcools incriminés;

Qu'une infraction, pour être punissable, doit être établie à partir d'éléments constitutifs certains et ne peut se satisfaire d'approximations;

Que, par les pièces qu'elle produit aux débats, et sans que cela remette en cause le sérieux et l'intérêt de l'analyse par carbone 14, la prévenue démontre qu'il existe une très grande part d'incertitude dans la détermination des millésimes de ses Armagnacs, dont il n'est pas démontré qu'ils ne soient pas de l'année annoncée (1954);

Que le doute doit lui profiter;

Qu'au surplus, les délits qui lui sont imputés nécessitent une intention frauduleuse qui n'est pas démontrée en l'espèce;

Qu'en conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la prévenue, la cour la relaxera des fins des poursuites;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme, reçoit la prévenue et le Ministère public en leurs appels respectifs; Au fond, Infirme le jugement déféré; Relaxe Aliette C des fins des poursuites; Le tout par application de l'article 470 du Code de procédure pénale.