Cass. crim., 7 avril 1999, n° 97-84.142
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Valette
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Cotte
Avocat :
SCP Gatineau.
LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par: - H Bernard, - B Gilles, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, du 23 juin 1997, qui, pour tromperie, les a condamnés chacun à 30 000 francs d'amende; Joignant les pourvois en raison de la connexité; Vu le mémoire produit; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, alinéa 2, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué ne mentionne pas le nom du greffier ayant assisté la cour d'appel lors du prononcé de la décision;
"alors que la minute de l'arrêt doit obligatoirement être signée par le greffier qui a assisté au prononcé de la décision; qu'en l'espèce, si l'arrêt attaqué mentionne le nom du greffier présent aux débats, lesquels ont eu lieu le 26 mai 1997, et comporte la signature dudit greffier, il ne contient aucune indication sur le nom du greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt, intervenu le 23 juin 1997; que cette omission place la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur le point de savoir si le greffier qui a signé l'arrêt est celui qui assistait la cour lors du prononcé de l'arrêt, et par suite si celui-ci est régulier en la forme;
Attendu que l'arrêt attaqué, qui mentionne que le greffier, présent aux débats et au prononcé de l'arrêt, a signé la minute de la décision, a fait l'exacte application de l'article 486 du Code de procédure pénale; que le moyen ne saurait être admis;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 177 et 187 du traité de Rome du 25 mars 1957, L. 213-1 du Code de la consommation, 122-3 du Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles B et Bernard H coupables du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue, et les a condamnés à des sanctions pénales;
"aux motifs que l'immatriculation d'un véhicule réalisée préalablement à sa vente implique nécessairement une première mise en circulation tant en vertu de l'article R. 110 du Code de la route qu'au sens de l'article 2 du décret du 4 octobre 1978 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 en matière de produits et de services en ce qui concerne les véhicules automobiles; qu'en conséquence, le garagiste qui vend comme neuf un véhicule automobile sans avoir informé l'acquéreur que ce véhicule avait fait l'objet d'une précédente immatriculation, commet le délit de tromperie sur les qualités substantielles (étant relevé qu'il n'est pas allégué ici que cette immatriculation a été réalisée pour les besoins de l'importation); que tel est bien le cas en l'espèce, et ce d'autant qu'il y a lieu de constater, d'une part, qu'un bon de commande véhicule d'occasion a été établi après la vente et que ce bon de commande comporte une signature ne correspondant pas à celle de la demande du certificat d'immatriculation (laquelle est identique à celle du bon de commande du véhicule neuf), d'autre part, que la société X était informée des particularités des véhicules de démonstration dès lors que dans un courrier adressé à l'acheteur au mois de décembre 1992, elle précise que "la loi stipule que tout véhicule immatriculé n'est plus considéré comme neuf même si le véhicule n'a jamais été vendu et a parcouru zéro kilomètres"; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, il y a lieu de déclarer les deux prévenus convaincus des faits qui leur sont reprochés; 1) "alors que, les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes ont une autorité absolue de chose jugée; que, par un arrêt préjudiciel du 16 janvier 1992, la Cour de justice européenne a jugé que "c'est la mise en circulation et non pas l'immatriculation qui fait perdre à une voiture sa qualité de véhicule neuf"; qu'en l'espèce, il est constant que le véhicule litigieux, s'il avait fait l'objet d'une immatriculation antérieure au nom de la société venderesse, n'avait jamais circulé; qu'il devait, dès lors, être considéré comme neuf; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la chose jugée par la Cour de justice des Communautés européennes et violé les textes visés au moyen; 2) "alors, en toute hypothèse, qu'aux termes de l'article 122-3 du Code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte; qu'en l'espèce, il est constant que la Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes a interprété l'arrêt rendu le 16 janvier 1992 par la Cour de justice des Communautés européennes comme ayant une portée générale et remettant par là-même en cause la solution adoptée en 1989 par la Cour de cassation, laquelle avait retenu le délit à l'encontre d'un concessionnaire qui avait vendu comme neuf un véhicule antérieurement immatriculé au nom de l'entreprise qu'il dirigeait; que, dès lors, les prévenus étaient fondés à croire qu'un véhicule n'ayant jamais circulé conserve sa qualité de véhicule neuf quel que soit le motif de son immatriculation antérieure au nom du concessionnaire; que cette croyance ne pouvait qu'être renforcée par les termes généraux employés par la Cour de justice des Communautés européennes pour motiver sa décision; qu'à supposer que les prévenus se soient mépris sur la portée de cette décision, leur méprise apparaissait ainsi inévitable, ce qui devait entraîner leur relaxe; qu'en les condamnant néanmoins, la cour d'appel a violé le texte susvisé; 3) "alors, en tout état de cause, que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue n'est constitué qu'autant que la tromperie commise par le vendeur a été déterminante du consentement de l'acquéreur; que, dès lors, en déclarant les prévenus coupables de tromperie sans constater que M. Valette n'aurait pas acheté le véhicule litigieux s'il avait eu connaissance de son immatriculation antérieure au nom de la société venderesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen; 4) "alors, au surplus que, le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue est une infraction intentionnelle; que, dès lors, en retenant l'infraction à la charge des prévenus sans rechercher si l'absence d'information de l'acquéreur concernant l'immatriculation antérieure du véhicule procédait d'une volonté délibérée d'induire l'intéressé en erreur, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit et a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen; 5) "alors, enfin que, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à le justifier; que, dès lors, en se fondant, pour retenir l'infraction, sur la circonstance que les prévenus avaient, postérieurement à la vente, établi un bon de commande "véhicule d'occasion" et adressé à l'acquéreur un courrier précisant qu'un véhicule déjà immatriculé ne peut être considéré comme neuf même s'il n'a jamais circulé, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, l'existence d'une infraction dépendant de données objectives et non du sentiment que peuvent avoir les prévenus d'avoir commis une infraction";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société X a vendu à un client, qui avait passé commande d'une voiture neuve, un véhicule de démonstration ayant déjà fait l'objet d'une immatriculation au nom d'un garage; que, l'acheteur n'ayant pas été informé de cette circonstance, le dirigeant de la société et le vendeur salarié sont poursuivis pour tromperie sur les qualités substantielles de l'automobile; Que, pour écarter le moyen de défense des prévenus qui soutenaient que la voiture, techniquement neuve, n'avait jamais circulé, et les déclarer coupables du délit, les juges d'appel retiennent que l'immatriculation du véhicule réalisée préalablement à sa vente implique nécessairement une première mise en circulation tant en vertu de l'article R. 110 du Code de la route qu'au sens de l'article 2 du décret du 4 octobre 1978, pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 en matière de produits et de services en ce qui concerne les véhicules automobiles; que les juges précisent qu'il n'est pas allégué que l'immatriculation ait été réalisée pour les besoins d'une importation; qu'ils ajoutent qu'après la vente, la société a établi un nouveau bon de commande de véhicule d'occasion et informé l'acheteur qu'un véhicule de démonstration ne pouvait pas être regardé comme neuf même s'il n'avait parcouru aucun kilomètre;
Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que le moyen, irrecevable en ce qu'il invoque l'erreur sur le droit pour la première fois devant la Cour de cassation, ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette les pourvois.