CA Aix-en-Provence, 18e ch. soc., 9 mai 2000, n° 93-16609
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Picardie Serrures (Sté), Bernier Degeorge (SA), Menuiserie Bois Aluminium (SA), Decayeux (SA)
Défendeur :
Le Pesteur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Szalay
Conseillers :
Mme Baetsle, M. Fohlen
Avocats :
Me Fourdrinier-Poilly, Carlini.
Faits procédure et moyens des parties
L'affaire revient en l'état
1° d'un arrêt rendu le 30 mai 1995 par cette chambre, qui a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Le Pesteur par les sociétés Bernier Degeorge et Picardie Serrure,
- a constaté l'existence d'un contrat de VRP entre Le Pesteur et les sociétés Decayeux et MBA, dont la rupture a été déclarée abusive,
- avant dire droit sur le montant des demandes a ordonné une expertise et alloué une provision de 35 000 F.
2° d'une ordonnance rendue le 4 mai 1999 en application de l'article 939 du NCPC qui a condamné:
- la société Bernier Degeorge à payer à Monsieur Le Pesteur une provision de 275 934,24 F,
- la société Picardie Serrures à payer une provision de 205 181,55 F.
3° d'un rapport d'expertise de Monsieur Nazarian déposé le 30 septembre 1999
Les demandes de Monsieur Le Pesteur après expertise sont les suivantes:
1° Condamnation de Bernier Degeorge à payer les rappels de commissions suivants rappel selon total annexe 30-9: 190 110,82
- commissions (5 %) sur total des sommes invoquées par l'expert sur BD p. 21: 204 476,95
soit: 10 223
Cas particuliers
- OPAC du Rhône chantier Parilly 106 005,76
- OPHLM Toulon 191 160,13
- Le Castellas 5 433,75
- La Rouguière 57354
- Gervais (CHR Montpellier) 4653,56
Incidence congés payés correspondante 56 523
2° Condamnation conjointe et solidaire de Picardie Serrures et Decayeux à payer les rappels de commissions suivants
- rappel selon total annexe 31-3: 70 596,34
- reprise illicite sur commissions de 7920
Cas particuliers
- Stores Sud 576 960
- OPHLM Lyon 50575,79
- SDH/Betrec 39 768,60
- OPAC Sud 71 867
Incidence congés payés correspondante 81 767
3° Condamnation de la société Decayeux à payer une somme de 117 223,38 F à titre de rappel de frais professionnels outre 11 722 F d'incidence de congés payés s'agissant d'un salaire.
4° Au titre des commissions de retour sur échantillonnage
Condamnation conjointe et solidaire des quatre sociétés à payer une somme de 574 655 F outre 57 465 F d'incidence de congés payés.
5° Au titre du licenciement condamnation conjointe et solidaire des quatre sociétés au paiement des sommes suivantes:
- préavis 524 978 F
- incidence congés payés 52 498 F
- indemnité de clientèle 4 807 224 F
- subsidiairement indemnité légale de licenciement 106 948 F
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 3 000 000 F
- dommages et intérêts pour abus de droit 1 000 000 F
- frais irrepétibles 250 000 F
Les observations présentées par les sociétés sur le rapport d'expertise et sur les demandes de Monsieur Le Pesteur sont les suivantes.
1° En ce qui concerne les conséquences du licenciement
Entériner le rapport d'expertise en ce qu'il a considéré que la moyenne mensuelle des commissions de Monsieur Le Pesteur était de 29 854 F pour la société Bernier Degeorge et de 23 590 F pour la société Picardie Serrure.
Fixer les indemnités dues ainsi qu'il suit:
- indemnités de préavis
74032 F net pour Bernier Degeorge
58499 F net pour Picardie Serrure
- incidence congés payés
7403 F pour la première, 5 849 F pour la seconde société
- dommages et intérêts pour licenciement abusif: 140 540 F soit six mois de salaire pour Picardie Serrure
Débouté faute de justification d'un préjudice lié à la perte de l'emploi pour les autres sociétés.
Débouter Monsieur Le Pesteur de toute demande en paiement d'une indemnité de clientèle qu'il ne justifie pas avoir crée ou développé en chiffre et en nombre, alors qu'il a au surplus détourné et utilisé la clientèle qui avait été mise à sa disposition.
Subsidiairement fixer l'indemnité légale de licenciement aux sommes suivantes:
- 1 7912 F pour Bernier Degeorge
- 14 154 F pour Picardie Serrure
Le débouter de sa demande en remboursement de frais professionnels dont il ne justifie pas l'existence.
Le débouter de sa demande au titre de la mise à pied.
Dire que les provisions payées s'imputeront sur les sommes dues.
2° En ce qui concerne les demandes en paiement de rappel de commissions
Constater que les commissions s'entendaient pose non comprise au taux de 3 % (référencement CUPI)
Dire et juger que seule est due par la société Bernier Degeorge une somme de 70 005,33 F nette au titre des commissions restant dues, déduction faite des diverses régularisations relatives aux cotisations de retraites et congés payés afférents, soit la somme de 7 000 F nette.
Débouter Monsieur Le Pesteur de ses demandes en remboursement de reprise de commissions ou en paiement de commissions de retour sur échantillonnage.
Le condamner à payer à la société Picardie Serrures la somme de 36 319,08 F au titre des régularisations constatées par l'expert relatives notamment au trop perçu de commissions et cotisations retraites non réglées par le salarié.
Motifs de l'arrêt
1° Rappels de commissions
Se pose d'abord le problème de l'assiette et du taux de commissions applicable.
L'expert a vérifié (p. 18 et suivantes du rapport) que entre 1986 et le 13 juin 1990 les commissions de Monsieur Le Pesteur étaient calculées sur une assiette de ventes hors taxe, pose comprise, au taux de 5 % (sauf une exception à négliger pour les travaux Bernardini).
A partir du 14 juin 1990 le taux varie constamment. Il est de 2, 3, ou 4 % selon le prix CUPI des produits vendus (portes blindées) avec maintien parfois du taux de 5 %, et l'assiette du calcul exclut la pose.
Les employeurs ont fait état devant l'expert d'erreurs ou de perturbations consécutives au "turn over" du personnel administratif, et surtout de l'acceptation par Monsieur Le Pesteur des modifications des taux et de l'assiette des commissions à la suite de la commercialisation nouvelle à partir du second semestre 1989,des portes blindées.
Il doit être cependant rappelé que la modification du taux et de l'assiette des commissions d'un VRP, appliqué au surplus depuis plusieurs années, constitue une modification du contrat de travail qui doit être accepté sans équivoque par celui-ci.
En l'espèce il est suffisamment produit de correspondances du VRP à ses employeurs sur cette période pour que l'on constate que ce dernier,contraint de composer ponctuellement avec ses employeurs dans le cadre de relations de travail complexes et contraignantes compte tenu de la progression très rapide et très importante des ventes de portes à compter de 90 91, n'a jamais en fait accepté les modifications successives des taux de ses commissions,pas plus d'ailleurs que l'exclusion du montant de la pose dans l'assiette du calcul de ces commissions (courriers du 8 septembre, 17 octobre, 19 décembre 1991).
En l'absence de contrat écrit l'employeur ne saurait établir cette acceptation par de simples attestations d'autres VRP dont les contrats ne sont pas forcement les mêmes que celui de Monsieur Le Pesteur.
Doit donc être retenu le taux de 5 % pose comprise qui était celui déterminé par les parties et appliqué jusqu'en juin 1990.
Au regard de ces éléments l'expert a établi en annexe 30 et 31 de son rapport le décompte des rappels de commissions, avec un récapitulatif général page 25 de son rapport.
Ce récapitulatif comporte trois postes:
- les cas généraux
- les cas particuliers
- les régularisations.
Pose comprise, au taux de 5 %, les rappels de commissions concernant le premier et le troisième poste ne peuvent faire l'objet d'aucune discussion sérieuse.
En particulier l'expert a à juste titre admis la validité des reprises de commissions qui avaient été effectuées sur des commandes qui n'avaient pas été menées à bonne fin, le comptable de la société Bernier Degeorge lui ayant justifié des factures restées impayées par les clients sur lesquelles, à défaut de dispositions contractuelles précises, les commissions ne sont pas dues.
Les sommes suivantes doivent donc être retenues au titre des soldes de commissions:
- Hors cas particuliers BD: 190 110,82 F
- PS: 70 596,34 F
- Régularisations BD: 28 149,02 F (26 868,34 +2 688 + 838,25) - (704 + 1 541,57)
- PS: 762,92 F
S'agissant des chantiers représentant les cas particuliers développés par l'expert dans les annexes 33 et suivantes de son rapport, il convient de les examiner.
* OPAC du Rhône chantier Parilly et OPHLM Lyon La Grapinnière:
Ces chantiers ne ressortent pas du secteur de Monsieur Le Pesteur qui a été amené à y intervenir à la demande de l'employeur pour aider le VRP en place Monsieur Garnier qui a eu ponctuellement des problèmes familiaux.
L'employeur a partagé de ce fait le taux de la commission entre les deux VRP.
Contrairement à ce qu'il soutient aujourd'hui Monsieur Le Pesteur n'établit nullement avoir effectué personnellement et exclusivement le travail de prospection pour lequel il réclame une commission intégrale.
Dès le 10 septembre 1991, Monsieur Garnier en effet, tout en reconnaissant l'importance du travail effectué par Le Pesteur en août 1991, rappelait à l'employeur "que nous étions sur ces affaires depuis deux ans et que c'est tout de même grâce à Madame Pizuti qui a fait éliminer Fichet que nous avons eu ces commandes.
"La direction des HLM m'a téléphoné en s'étonnant de ne pas me voir pour ces affaires . Je leur ai répondu que je m'étais arrangé avec mon collègue du midi..." (courrier du 10 septembre 1991).
Et il faxait le 17 septembre 1991 à Monsieur Le Pesteur:
" Je t'adresse la lettre que j'ai adressée à Decayeux afin que tu ais ta commission . Merci de confirmer à Monsieur Decayeux lorsque tu le verras que j'avais fait un gros travail de prospection à l'OPAC, ce qui t'a permis d'accrocher facilement la première commande".
C'est donc à juste titre que l'expert propose de retenir pour le calcul des commissions dues sur ces chantiers un taux de 3 % pose comprise.
Seront donc retenues les sommes de 21 743,97 F et 30 345,47 F.
* Chantier OPHLM Toulon
Compte tenu de ce qui a été décidé ci dessus, c'est à juste titre que l'expert propose un calcul de commissions à un taux de 5 % sur des travaux pose comprise, étant observé que les difficultés du chantier ne peuvent être imputées au VRP.
La somme de 191 160,13 F sera donc retenue.
* Chantier Bernardini
Monsieur Le Pesteur admet lui-même avoir accepté exceptionnellement sur ce chantier un taux réduit.
Sa demande actuelle pour obtenir complément de commissions à hauteur d'un taux de 5 % sera donc écartée.
* Chantier Le Castellas
Sur la base d'une assiette pose comprise et un taux de 5 % il est dû une somme de 5 433,75 F.
* Chantier La Rouguière
Monsieur Le Pesteur qui a été commissionné sur la première tranche de ce chantier estime avoir droit aux commissions sur la deuxième et troisième tranche au motif qu'elles sont le résultat de son travail de prospection initial.
L'expert estime que rien n'est du au motif que le marché a été signé après le départ du VRP.
La commission sur la deuxième tranche doit cependant être acceptée au titre du retour sur échantillonnage, le devis de ce marché ayant été signé le 10 juin 1992 soit moins d'un mois après le licenciement de Monsieur Le Pesteur, ce qui ne permet pas d'attribuer le mérite de la prospection et de l'obtention du marché à sa remplaçante.
Cette commission s'évalue à 14 881 F (annexe 37 [352 978: 1,186 x 5 %])
* société Dauphinoise pour l'habitat
L'expert n'a retenu aucune commission pour ce marché compte tenu des contradictions existant dans les éléments obtenus (deux documents de soumission de ce marché, celui de la Menuiserie des deux Ponts étant antérieur, 8 novembre 1991, à celui de Le Pesteur, 20 novembre 1991).
Les pièces en annexe du rapport d'expertise permettent cependant d'établir la réalité des diligences (négociations, explications techniques, présentation du produit - porte blindée - devis et soumission) effectuées par Le Pesteur pour le compte du maître d'œuvre de l'opération, le cabinet d'ingénierie Betrec qui en atteste.
Le maître d'ouvrage SDH confirme au surplus que l'entreprise M 2 P qui aurait soumissionné le 8 novembre 1991 n'effectuait que la pose des portes.
La commission sur ce marché apparaît donc bien due à Monsieur Le Pesteur.
Calculée sur un montant hors taxe de 795 372 F elle est bien de 39 768 F.
L'expert avait par ailleurs rejeté les commissions réclamées à l'origine sur les affaires Andrety et Falorni.
Plus rien n'est réclamé aujourd'hui par Monsieur Le Pesteur sur ces affaires.
Il conviendra également de rejeter la demande de commissionnement d'un marché Gervais dont l'expert n'a pas été saisi et dont les éléments n'ont donc pas été discutés.
Reste à examiner les demandes de commissions de retour sur échantillonnage que Monsieur Le Pesteur formule pour les chantiers SDH, Habitat Marseille Provence, Le Castellas et la Rouguière, le cas de la société Store Sud pour laquelle la demande de commissionnement de retour sur échantillonnage n'a pas été retenue par l'expert, et le cas du chantier Aigues Douces OPAC Sud.
D'ores et déjà les demandes au titre des quatre premiers chantiers seront écartées, les contrats pour les deuxièmes ou troisième tranches de ces chantiers ayant été signés bien après le départ du VRP de l'entreprise (tranches comprises entre 1993 et 1997).
L'expert a estimé par ailleurs (page 23 et 24 de son rapport) que la commande du chantier Store Sud ne pouvait être attribuée à Monsieur Le Pesteur du fait que c'était la société Store Sud qui, dans le cadre d'un appel d'offre par OPAC Sud avait sollicité Ducayeux pour la fourniture des portes blindées.
Monsieur Le Pesteur aurait alors seulement été chargé de faire une offre de prix pour le compte de Decayeux, offre qui avait été acceptée par Store Sud qui avait elle-même été retenue par OPAC Sud sur cette base le 16 juillet 1992.
Monsieur Le Pesteur soutient cependant avoir préalablement développé des contacts avec le responsable de Store Sud Monsieur Capomaccio, ce qui lui avait permis d'être contacté par ce dernier et de faire une offre de prix avec remise importante après discussions avec Ducayeux.
La vraisemblance de cette affirmation est confortée par les termes d'une lettre versée aux débats, adressée à Monsieur Le Pesteur le 23 juin 1992 dans laquelle Monsieur Capomaccio qui s'étonne du licenciement de ce dernier qu'il vient d'apprendre, rappelle que Monsieur Le Pesteur était à l'origine de leur collaboration au prix d'un travail acharné et sérieux qui avait été extrêmement apprécié.
Aucun autre élément ne permettant de dire que ce client s'était adressé spontanément à Ducayeux ou avait été contacté directement par Monsieur Ducayeux, il sera décidé que l'enlèvement de ce marché est bien le résultat du travail effectué par Monsieur Le Pesteur.
Il s'agissait d'un contrat d'un an renouvelable pour cinq ans.
Il n'est pas discuté que le renouvellement s'est effectué sans problème, les sommes facturées à Store Sud et payées résultant donc directement du contrat initial.
Monsieur Le Pesteur a donc droit au paiement d'une commission de retour sur échantillonnage calculée au taux de 5 % sur le montant hors taxe du total des factures.
L'expert dans l'annexe 46 du rapport a vérifié que ce montant hors taxe s'élevait à 6 799 013 F.
La commission est donc de 339 950 F.
S'agissant du chantier de la Cité Aigues Douces à Port de Bouc l'expert a constaté que ce marché du 5 octobre 1993 résultait d'un bon de commande de Madame Zangoni successeur de Monsieur Le Pesteur.
Il n'y a pas d'élément pour dire, comme le fait ce dernier, qu'il s'agit en fait des suites de son propre démarchage.
Cette demande sera donc rejetée.
Monsieur Le Pesteur formule des demandes de condamnation individuelle ou solidaire contre les sociétés.
La qualité de co-employeurs ayant été reconnue - de façon définitive - à ces sociétés leur condamnation solidaire à indemniser les conséquences de la rupture abusive des relations de travail ayant existé entre les parties est en effet la seule possible.
Les condamnations au paiement des soldes de commissions seront individualisés en fonction des éléments tirés du rapport d'expertise et des dossiers.
Compte tenu de ce qui vient d'être dit le récapitulatif des commissions restant dues sera établi ainsi qu'il suit:
A la charge de la société Bernier Degeorge:
- rappel hors cas particulier: 190 110,82 F
- régularisations: 28 149,02 F
- cas particuliers:
* OPAC du Rhône Parilly: 21 743,97 F
* OPHLM Toulon: 191 160,13 F
* Le Castellas: 5 433,75 F
* La Rouguière: 14 881 F
total: 453 478,69 F
incidence congés payés: 45 347,8 F
A la charge de la société Picardie Serrures:
- rappel hors cas particuliers: 70 596,34 F
- régularisation: 762,92 F
total: 71 359,26 F
incidence CP: 713,59 F
A la charge de la société Decayeux:
- cas particuliers:
* OPHLM Lyon La grapinière: 30 345,47 F
* SDH: 39 768 F
* Stores Sud: 339 950 F
total: 410 063,47 F
incidence CP: 4 100,63 F
Ceci étant et ainsi que l'expert l'a calculé et récapitulé page 26 de son rapport il devra être retenu à Monsieur Le Pesteur une somme de 33 446,53 F au titre d'un trop perçu sur la régularisation à effectuer quant à l'abattement des 30 % VRP et à la cotisation IRPVRP, soit 20 961,58 F au bénéfice de Bernier Degeorge, et 12 484,95 F pour Picardie Serrures.
2° Sur les frais professionnels
Ces frais ont été payés à Monsieur Le Pesteur jusqu'en décembre 1990 sur justificatifs . Rien ne permettait de les supprimer.
Les sociétés, par leur conseil ont reconnu avoir payé 24 700 F de frais sur 1991.
Les justificatifs - qui ne sont plus en possession de Monsieur Le Pesteur - n'ont pas été entièrement produits ce qui a amené l'expert à faire une évaluation forfaitaire pour le téléphone et les frais de route.
Le montant de 116 336,38 F qu'il propose sera retenu et mis à la charge de la société Decayeux qui assurait le paiement de ces frais.
Les sommes allouées au titre des rappels de commissions et des frais professionnels sont des éléments de la rémunération qui doivent porter intérêts à compter de la demande, en l'espèce à compter de la date de convocation en conciliation.
Rien ne s'oppose à ce que la capitalisation des intérêts s'effectue dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, et à compter du jour ou la demande en a été faite c'est-à-dire par conclusions du 21 mars 2000.
3° Sur les conséquences de la rupture des relations de travail
Cette rupture ayant été juge abusive Monsieur Le Pesteur a droit à une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, une indemnité de clientèle (la recevabilité de cette demande n'a jamais été discutée) ou à défaut une indemnité de licenciement.
Le calcul de ces indemnité doit s'effectuer sur la base de la moyenne mensuelle des douze derniers mois de rémunération de Monsieur Le Pesteur, inclus les rappels de commissions, soit une moyenne de 131 186 F
[356 252 + 283 088 + 410 063 + 71 359 + 453 478] / 12 = 131 186
L'indemnité compensatrice de préavis de trois mois s'élève donc à 325 316 F (131 186 x 3) - 17,34 % de cotisations salariales
outre 32 531 F d'incidence de congés payés.
S'agissant des dommages et intérêts dus pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse il doit être tenu compte:
- de l'ancienneté de six années du VRP au service des quatre sociétés
- de son âge; il est né en 1928
- de la diminution de ses revenus à partir de 1993 (avis d'imposition produits de 92 à 96)
pour fixer à 800 000 F le montant des dommages et intérêts qui lui seront alloués de ce chef.
Monsieur Le Pesteur réclame par ailleurs deux années de rémunération à titre d'indemnité de clientèle.
Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 751 9 du Code du travail, le VRP dont le contrat de travail est résilié a droit à une indemnité réparant le préjudice résultant pour lui de la perte de la clientèle, calculée sur la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle qu'il a apportée, créée, ou développée.
L'employeur prétend que ces conditions ne sont pas réunies.
Il ressort cependant des vérifications qui ont pu être faites par l'expert sur les éléments qui lui ont été produits, et des pièces qui sont au dossier de Monsieur Le Pesteur que:
- Entre 1986 et 1992 Monsieur Le Pesteur a fortement développé la clientèle sur les produits classiques qui étaient commercialisés par les sociétés (principalement boites aux lettres et serrurerie);
- A partir de 1988 il a créé la clientèle des portes, produit qui n'était pas fabriqué ni donc vendu avant cette date par l'employeur;
Les chiffre d'affaire réalisés par le VRP, produits sur ces années, démontrent en effet une progression constante des ventes en nombre et en valeur (annexe 53).
Au surplus l'employeur n'a communiqué aucun élément à l'expert permettant d'apprécier le chiffre d'affaire existant sur le même secteur avant l'arrivée de Monsieur Le Pesteur en 1986, ce qui doit conduire à considérer que ce chiffre était faible.
Certes l'argument principal de l'employeur est de soutenir que la majorité des gros marchés obtenus surtout à partir de 1988, l'ont été sur appels d'offres, avec des organismes d'état (Offices HLM) ou des entreprises intermédiaires ayant soumissionné, et pour des produits ayant reçu un agrément officiel (agrément CUPI pour les portes ), ce qui réduit le travail de prospection et ne traduit donc pas une création de clientèle.
L'expert (pages 27, 29, 33 et 34 de son rapport) a essayé de faire un comparatif entre d'une part le chiffre d'affaires sur les HLM et d'autre part celui sur les entreprises.
En pourcentage la proportion entre clientèle publique et clientèle privée est à peu prés la même pour Bernier Degeorge (51,60 contre 48,40).
Elle est plus favorable à la clientèle HLM pour Picardie Serrures (82, 44 contre 17, 56).
Aucun comparatif sérieux ne peut par ailleurs être tiré des informations très différentes communiqués par Bernier Degeorge et par Monsieur Le Pesteur (Picardie Serrures n'a rien communiqué) quant à la proportion des marché HLM selon la procédure d'appel d'offre ou de gré à gré.
L'examen de l'ensemble de ces éléments conduit donc à constater qu'une clientèle préexistante traditionnelle (menuisiers, grossistes en quincaillerie etc. . . ..) a fortement été développée par le VRP, lequel a cependant été aidé dans ce développement par la fabrication entreprise par l'employeur à partir de 1988 des portes blindées palières ayant reçu l'agrément administratif dit CUPI, dont la réglementation imposait la mise en œuvre aux Offices Publics HLM.
L'employeur soutient encore que la durée de vie du produit principalement vendu (portes) étant très importante, les achats ne se renouvelaient pas, ce qui excluait la constitution d'une véritable clientèle.
L'argument est peu sérieux dés lors que le renouvellement nécessaire de toutes les pièces annexes des portes (joints, serrures, cylindres, clés etc...) fixait la clientèle, outre que les portes elles-mêmes devaient bien être renouvelées au bout de quelques années.
Il prétend enfin que Monsieur Le Pesteur n'a en fait subi aucun préjudice puisqu'il a continué à démarcher - en particulier pour la société France Fermeture - les mêmes clients.
Aucune démonstration n'en est faite alors qu'au surplus Monsieur Le Pesteur qui a effectivement travaillé pour le compte de cette société après son licenciement, fait attester par son employeur que l'entreprise ne vend pas les mêmes produits (persiennes volets rideaux métalliques etc...).
Au regard de ces éléments l'indemnité de clientèle à laquelle Monsieur Le Pesteur peut prétendre doit être fixée à 1 000 000 F.
4° Sur la demande en paiement de dommages et intérêts supplémentaires
Monsieur Le Pesteur soutient qu'il a subi un préjudice distinct résultant du contexte dans lequel il a été licencié et des conséquences excessivement dommageables pour lui que ce licenciement a eu.
Il est effectivement produit des courriers de l'employeur (lettre Bernier Degeorge du 25 mai 1992 à la clientèle, lettre Decayeux du 18 mai 1992 au personnel) qui exprime soit des faits mensongers (la clientèle est informée que le VRP se retire à sa demande pour prendre une retraite bien méritée ), soit une appréciation en termes péjoratifs du représentant ("Ceci est la suite logique de l'affaire Le Pesteur qui nous a causé un lourd préjudice commercial.
"Nous avons eu affaire à un spécialiste de la combine en la personne de Monsieur Le Pesteur")
L'on ne voit pas cependant que ces propos ait eu des suites préjudiciables pour Monsieur Le Pesteur qui en particulier produit de nombreux courriers de clients qui - sur les informations rectificatives du VRP sans doute - lui témoignent leur regret de son licenciement.
Monsieur Le Pesteur développe par ailleurs de nombreuses pages sur sa situation financière qui serait catastrophique
Il ne peut qu'être observé qu'il ne peut être imputé aux sociétés qui l'ont licencié le fait que préalablement à son engagement en 1986 il avait apparemment mal vendu son fonds de commerce, ou le fait qu'il se soit excessivement endetté à 60 ans.
S'il soutient avoir sollicité un prêt pour "tenir les premières années de démarchage" il ne l'établit pas, et en tout état de cause il n'établit pas le comportement fautif de l'employeur qui serait la conséquence de son surendettement.
L'employeur n'a fait par ailleurs qu'user de son droit de recours sans qu'il soit établi à son égard une faute de nature à faire dégénérer ce droit en abus.
Une telle faute ne peut en particulier résulter de la longueur de la procédure.
Cette demande sera donc écartée.
Les indemnités alloués en conséquence de la rupture porteront intérêts à compter de cet arrêt. Leur paiement ainsi qu'il a été dit sera supporté solidairement par les quatre sociétés.
Ces dernières supporteront dans les mêmes conditions la charge des dépens, inclus les frais d'expertise, ainsi que celle des frais non répétibles à hauteur de 40 000 F.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et en matière prud'homale; Vu l'arrêt du 30 mai 1995; Vu le rapport d'expertise de Monsieur Nazarian du 30 septembre 1999; 1° Sur les demandes en paiement de rappel de commissions: Condamne à payer à Monsieur Le Pesteur à ce titre: - la société Bernier Degeorge la somme de quatre cent cinquante trois-mille quatre cent soixante-dix-huit francs et 69 centimes (453 478,69 F) outre quarante-cinq mille trois cent quarante-sept francs d'incidence congés payés (45 347,8 F) - la société Picardie Serrures la somme de soixante-et-onze mille trois cent cinquante neuf francs et 26 centimes (71 359,26 F) outre sept mille cent trente-cinq francs neuf centimes (7 135,9 F) d'incidence congés payés - la société Decayeux la somme de quatre cent dix mille soixante-trois francs et 47 centimes (410 063,47 F) outre quarante et un mille six francs et 30 centimes (41 006,30 F) d'incidence congés payés; Dit que Monsieur Le Pesteur devra rembourser au titre d'un trop perçu: - à la société Bernier Degeorge la somme de vingt mille neuf cent soixante-et-un francs et 58 centimes (20 961,58) - à la société Picardie Serrures celle de douze mille quatre cent quatre-vingt-quatre francs et 95 centimes (12 484,95 F); 2° Sur la demande en remboursement des frais professionnels: Condamne la société Decayeux à payer à Monsieur Le Pesteur la somme de cent seize mille trois cent trente-six francs et 38 centimes (116 336,38 F); Dit que les intérêts légaux sur ces sommes seront calculés à compter de la demande en justice (date de la convocation de l'employeur en conciliation); Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter de la demande qui en a été faite le 21 mars 2000; 3° Sur les demandes consécutives à la rupture abusive du contrat: Condamne conjointement et solidairement les sociétés Bernier Degeorge Picardie Serrures, Decayeux et MBA à payer à Monsieur Le Pesteur les indemnités suivantes: - Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis trois cent vingt cinq mille trois cent seize francs (325 316 F) outre trente deux mille cinq cent trente et un francs d'incidence de congés payés - Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse huit cent mille francs (800 000 F) - Au titre de l'indemnité de clientèle un million de francs (1 000 000 F); Dit que les intérêts sur ces indemnités courront à compter du présent arrêt; Déboute les parties de toutes autres demandes; Rappelle qu'il devra être déduit des sommes allouées le montant des provisions déjà reçues par Monsieur Le Pesteur; Condamne solidairement les quatre sociétés à payer à ce dernier la somme de quarante mille francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Les condamne aux dépens de l'appel inclus les frais d'expertise.