CA Pau, ch. corr., 26 novembre 1991, n° 91-517
PAU
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riboulleau
Conseillers :
MM. d'Uhalt, Masson
Avocat :
Me Signoret-Lavielle.
LA COUR,
Statuant sur les appels interjetés le 5 juillet 1991 par le prévenu et le Ministère public contre un jugement réputé contradictoire rendu le 31 janvier 1991 et signifié le 28 juin 1991 qui, pour publicité mensongère et tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise, a condamné Jean E à 20 000 F d'amende.
Attendu qu'il est fait grief au prévenu d'avoir à Helette, le 7 décembre 1987, courant juin 1988, le 15 juin 1988 et le 28 octobre 1986 en tant que gérant de la X:
- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, la teneur en principes utiles, l'espèce, l'origine, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, prix et conditions de ventes de biens ou de services, en l'espèce 366 boîtes de denrées alimentaires, des lots de fromages vendus à des intermédiaires et détaillants et du vin,
Infraction prévue et réprimée par les articles 44-1, 44-II, al. 9, 44-II, al. 3 et 6, de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et l'article 1 de la loi du 1er août 1905,
- trompé le contractant sur la nature, l'espèce ou l'origine, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de la marchandise vendue sous la dénomination fausse de produits régionaux "en vente directe" et fromages "fermiers",
Infraction prévue et réprimée par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905,
Attendu qu'il ressort de la procédure les éléments suivants:
Le 15 juin 1983, les contrôleurs de la répression des fraudes effectuaient un contrôle dans la fromagerie exploitée par la société X à Helette, dont le gérant est Jean E.
Ils constataient, à l'entrée de l'établissement, la présence d'un panneau publicitaire visible de l'extérieur, indiquant "fromage du pays basque AGUR - Produits régionaux - Vente directe". A l'intérieur, étaient exposés à la vente des fromages fabriqués sur place, des conserves et des bouteilles de vin.
A l'exception des fromages, les autres marchandises offertes à la vente n'étaient pas fabriquées sur place et directement par la société X.
Par ailleurs, à la suite d'un contrôle des mêmes services de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes, effectué le 6 janvier 1988 dans un supermarché d'Argentat, il a été constaté que ce magasin vendait des fromages fournis par la société X sous le qualificatif "Fromage Fermier" selon les indications portées sur les factures correspondantes ("pur vache fermier et pur brebis fermier"). En réalité, il s'agissait de fromages élaborés selon des méthodes industrielles par une entreprise qui n'est pas exploitant agricole et qui transforme du lait de mélange collecté auprès de plusieurs agriculteurs locaux.
Avisé par sa secrétaire, présente lors du contrôle, Jean E, selon les termes mêmes du procès-verbal, a pris contact par téléphone avec les services verbalisateurs et s'est engagé à faire le nécessaire.
Or, un nouveau contrôle, opéré le 28 octobre 1988, a révélé que le panneau publicitaire était toujours en place, et que certains fromages étaient toujours vendus sous l'appellation "Fromage Fermier" sans droit à cette appellation.
Sur quoi,
Sur la publicité mensongère:
Attendu que Jean E soutient sa bonne foi en précisant que la vente directe concernait les fromages fabriqués sur place,
Que, cependant, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé les faits établis et sa culpabilité démontrée;
Qu'en effet le délit de publicité mensongère n'exige pas la démonstration de la mauvaise foi de son auteur; qu'il suffit de constater que la publicité effectuée comporte des éléments de nature à induire le client éventuel en erreur; que le panneau, dans sa rédaction, laissait supposer que tous les produits, fromages et produits régionaux, étaient vendus directement, sans aucun intermédiaires ce qui, au plan du prix pratiqué, est attractif pour le consommateur;
Attendu, en outre, qu' avisé en juin 1988 de l'infraction, Jean E a laissé pendant toute la saison touristique, et jusqu'au 28 octobre suivant, le panneau mensonger,
Que la cour confirmera sa déclaration de culpabilité pour ce délit.
Sur la tromperie sur les qualités substantielles:
Attendu que le prévenu passe aveu, indiquant seulement que la mention "Fermier" ne figurait pas sur les étiquettes apposées sur chaque fromage mais avait été retenue sur les factures pour identifier les petits fromages, de 750 g, par rapport aux grosses pièces détaillées à la coupe,
Qu'il n'en demeure pas moins que cette appellation correspond à des produits dont la définition technique exige qu'ils soient fabriqués par l'agriculteur lui-même, à partir du lait provenant des animaux de son seul élevage,
Qu'en perdurant, jusqu'au deuxième contrôle, dans sa pratique, J. E a démontré sa volonté délibérée de tromper ses cocontractants sur la nature et les qualités substantielles des produits qu'il vendait,
Que sa culpabilité est également établie de ce chef de prévention;que la cour confirmera;
Attendu, par contre, quant à la sanction, que la cour trouve dans les débats et les pièces produites les éléments lui permettant d'appliquer autrement la sanction et de condamner J. E à une amende de 5 000 F.
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme, reçoit le prévenu et le Ministère public en leurs appels respectifs; Au fond, Confirme la décision déférée sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité; Emendant sur la peine; Condamne Jean E à une amende de 5 000 F; Condamne Jean E aux dépens; Fixe la contrainte par corps conformément à la loi; Le tout par application des articles 473 et suivants, 749 du Code de procédure pénale, 44-1, 44-II, al. 9, de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905.