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Décisions

CA Pau, ch. corr., 28 mai 1991, n° 91-168

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DGCCRF, Delage

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Biecher

Conseillers :

M. Bataille, Mme Riboulleau

Avocats :

Mes Hanich, Touret.

TGI Mont-de-Marsan, ch. corr., du 11 déc…

11 décembre 1990

Statuant sur les appels interjetés le 17 décembre 1990 par le prévenu et le 18 décembre 1990 par le Ministère public d'un jugement contradictoire rendu le 11 décembre 1990 par le Tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan qui, pour tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise (automobile), a condamné Alain C à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 F d'amende, a déclaré Me Berthe, mandataire liquidateur, civilement responsable d'Alain C, et sur l'action civile de Laurent Delage, déclarée recevable, a condamné A. C à lui payer 25 000 F de dommages et intérêts.

Attendu qu'il est fait grief à Alain C d'avoir à Mont-de-Marsan, le 10 janvier 1988, étant gérant de la SARL X, trompé un contractant sur l'origine et les qualités substantielles d'une marchandise en vendant un véhicule Citroën BX 14 gravement endommagé par des intempéries sans en informer l'acquéreur,

Infraction prévue et réprimée par l'article 1er de la loi du 1er août 1905.

Attendu qu'il résulte de l'information les faits suivants:

Le 3 octobre 1988, une tornade inondait la ville de Nîmes, endommageant gravement de nombreux véhicules, dont la DX Citroën de M. Cohade; un rapport d'expertise de sa Compagnie d'Assurances, La Matmut, déclarait le véhicule gravement endommagé, déconseillait toute réparation, et émettait des réserves importantes sur l'état réel mécanique et électrique; (Cote D 4)

La Matmut indemnisait son assuré et, devenue propriétaire de la voiture, la vendait, en l'état à un épaviste, la société Sedem Maury à Tarascon,

Le 15 novembre 1989, la SARL X, dont Alain C est le gérant, acquérait de Sedem Maury ladite BX dans un lot de six véhicules sinistrés, pour le montant de 82 000 F; Sur la facture, portant la mention "lu et approuvé" de la main d'Alain C, figurait la mention suivante "Véhicules entièrement ou partiellement immergés à Nîmes le 3 octobre 1988 revendus en l'état"; (Cote D 10)

Alain C devait admettre à l'audience de la cour que la valeur spécifique de la BX, dans le lot, était de 5 177 F; (Cote D 9)

Sans pouvoir justifier qu'il ait effectué d'autres travaux de remise en état qu'une vidange, attestée par facture, Alain C revendait en janvier 1989 le véhicule litigieux à Laurent Delage pour un montant TTC de 22 700 F, garantie 4 mois, botte et moteur; (Cote D 2)

En raison d'ennuis mécaniques permanents, l'acquéreur faisait effectuer un contrôle technique par l'Automobile Club des Landes le 20 mars 1989 qui révélait de nombreuses et graves anomalies.

Sur quoi

Sur l'action publique:

Attendu que Alain C, prévenu, se défend d'avoir caché à son acquéreur l'état du véhicule; qu'il produit un rapport du Centre de Contrôle Technique, daté du 10 janvier 1989, jour de la vente au plaignant, qui ne révélerait aucune anomalie,

Qu'au surplus il affirme que Delage ayant lui-même effectué la mutation de carte grise, n'ignorait pas l'origine nîmoise de sa voiture,

Qu'enfin, d'autres clients, ayant acquis des véhicules également sinistrés, s'en sont montrés satisfaits,

Attendu, cependant, que l'article 1er de la loi du 1er août 1905 sanctionne toute tromperie sur l'origine ou les qualités substantielles d'une marchandise, l'origine ne s'entendant pas uniquement de la provenance géographique, mais de l'ensemble des péripéties, incidents graves ou accidents ayant pu affecter la marchandise avant sa dernière acquisition;qu'en achetant, au prix argus, un véhicule à un professionnel, Laurent Delage était en droit d'attendre une information complète et sincère sur un évènement exceptionnel (l'inondation et l'immersion au dessus du tableau de bord de la DX Citroën), susceptible d'influencer sa décision d'acquérir ou non, quelque soit par ailleurs le bon état de fonctionnement, réel ou supposé, du véhicule,

Qu'en dissimulant sciemment cette information essentielle, Alain C s'est rendu coupable du délit susvisé,

Que la cour confirmera sa déclaration de culpabilité et la sanction prononcée par les premiers juges,

Sur l'action civile:

Attendu que les premiers juges ayant sainement apprécié le montant des dommages et intérêts sollicités par Laurent Delage au vu de ses justificatifs, la cour confirmera la décision déférée sauf à ordonner la restitution, par la partie civile, du véhicule litigieux à la société Turbo Pneus ou à son représentant qualifié;

Attendu, par ailleurs, que Maître Berthe, appelé à la cause comme liquidateur de la société Turbo Pneus, sera mis hors de cause; qu'en effet il ne saurait être tenu comme civilement responsable d'Alain C, condamné pour un fait personnel, hors les cas où la loi en dispose expressément autrement,

Que la cour réformera le jugement sur ce point,

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme, reçoit le prévenu et le Ministère public en leurs appels respectifs; Au fond, Met Maître Berthe, liquidateur de la société X hors de cause; Confirme pour le surplus le jugement déféré tant sur la qualification des faits, la déclaration de culpabilité que la sanction entreprise; Constate que l'avertissement prévu à l'article 737 du Code de procédure pénale n'a pas été donné au condamné, absent lors du prononcé de l'arrêt; Confirme sur l'action civile; Y additant, Ordonne la restitution par Laurent Delage du véhicule litigieux à la société X ou à son représentant qualifié; Condamne A. C aux dépens; Fixe la contrainte par corps conformément à la loi; Le tout par application des articles 473 et suivants, 749, 734 à 737 du Code de procédure pénale, 1er de la loi du 1er août 1905.