CA Paris, 25e ch. A, 12 mars 2004, n° 2002-17302
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Marzin
Défendeur :
Reno France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Betch
Conseillers :
Mmes Jaubert, Bernard
Avoués :
SCP Bolling-Durand-Lallement, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller
Avocats :
Mes Bines, Alis
Le 4 juin 1998 la SARL Rend France a engagé André Marzin en qualité d'apporteur d'affaires, puis par contrat du 9 janvier 2000 à durée indéterminée, en qualité d'agent commercial chargé de la représenter auprès de sa clientèle démarchée et contactée pour la vente de vérandas, les travaux de maçonnerie ou des poses de fenêtres.
Les relations entre les parties ont cessé à compter de septembre 2000.
Le 22 et 25 mai 2001, la SARL Rend France a fait assigner André Marzin et la société Memisy devant le Tribunal de grande instance de Bobigny. Elle a demandé, d'une part, la condamnation d'André Marzin à lui payer 228 673,52 euros en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture déloyale et abusive de son mandat ainsi que 15 244,90 euros en réparation du préjudice moral résultant du dénigrement de la société Rend par son mandataire, d'autre part la condamnation conjointe et solidaire d'André Marzin et de la société Memisy à lui verser 53 357,16 euros en réparation de son préjudice matériel.
La société Memisy n'a pas comparu. André Marzin a conclu principalement au rejet des prétentions de la SARL Rend France.
Par jugement rendu le 2 juillet 2002, le Tribunal de grande instance de Bobigny a condamné André Marzin à payer à la société Rend France les sommes de 42 466,96 euros en réparation du préjudice résultant de la perte du contrat conclu avec les époux Develter et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral, a ordonné l'exécution provisoire, a condamné André Marzin à payer à la société Rend France 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure ainsi qu'aux dépens et a rejeté les autres demandes des parties.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 décembre 2003 et auxquelles il est renvoyé, André Marzin, appelant du jugement du 2 juillet 2002, conteste avoir rompu fautivement son contrat d'agent commercial. Il soutient que la société Rend France ne pouvait ignorer, compte tenu de sa situation de redressement judiciaire, qu'elle ne pouvait continuer son activité avec des agents commerciaux.
André Marzin estime que c'est au contraire la société Rend France qui est à l'origine de la rupture du contrat de mandat, dans la mesure où, elle ne l'a jamais informé de son redressement judiciaire et qu'il en est résulté des pertes de " salaires " pour les années 2000 et 2001 pendant lesquelles il n'a pu retrouver une clientèle.
Il demande ainsi la condamnation de la société Rend France à lui payer 7 622,45 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique et de l'atteinte à son image de marque subis.
Subsidiairement, l'appelant sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Rend France de sa demande de dommages-intérêts, faute d'établir son préjudice.
André Marzin réclame aussi la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a dit que la société Rend France ne rapportait pas la preuve d'un fait de concurrence déloyale de la part de son mandataire au profit de la société Memisy.
En revanche, il réfute tout dénigrement de la société Rend France auprès des époux Develter et affirme être étranger à la décision prise par ces derniers de rompre avec la société Rend France. Il requiert en conséquence, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à indemniser l'intimée de ce chef à hauteur de 42 466,96 euros correspondant à la perte du marché hors taxe conclu avec les époux Develter ainsi qu'à 5 000 euros au titre d'un préjudice moral.
Très subsidiairement, André Marzin fait observer que la société Rend France a été amplement indemnisée de la perte du chantier par la somme de 7 622,45 euros reçue à titre d'acompte et jamais restituée.
Enfin, l'appelant fait valoir que la société Rend France reste lui devoir 5 714,50 euros correspondant à trois chantiers obtenus par ses soins et menés à terme. Il demande donc la condamnation de l'intimée à lui payer cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2001, date d'établissement de la facture et subsidiairement qu'une compensation soit ordonnée entre cette somme et les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
En tout état de cause, André Marzin sollicite 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ces dernières écritures signifiées le 7 mai 2003 et auxquelles il est renvoyé, la société Reno France maintient que la renonciation d'André Marzin à son mandat d'agent commercial lui a causé un préjudice, dans la mesure où elle s'est retrouvée brutalement dans l'impossibilité d'honorer la demande de ses clients, faute de mandataire chargé de la négociation.
Elle demande ensuite à ce que soit déclarée irrecevable comme nouvelle en appel la prétention d'André Marzin à la voir condamner à lui payer une indemnité de 7 622,45 euros au motif qu'elle ne l'aurait jamais informée de son redressement judiciaire.
Subsidiairement, elle allègue qu'André Marzin ne justifie pas d'un quelconque préjudice et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre sa procédure collective et l'impossibilité prétendue d'exécuter correctement son mandat.
L'intimée réclame encore la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté le manquement d'André Marzin à son obligation de loyauté à son égard, portant atteinte à ses compétences et à son sérieux. Elle sollicite, en dernier lieu, 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Sur quoi
Considérant que le contrat d'agent commercial conclu le 3 janvier 2000 entre la société Rend France et André Marzin était résiliable à tout moment par l'une ou l'autre des parties. Qu'aucun préavis n'était prévu.
Considérant qu'André Marzin n'a pas avisé sa mandante de son intention de mettre fin au mandat mais que de son côté, la société Reno France ne démontre pas qu'elle a loyalement informé son mandataire de sa déclaration de cessation des paiements au 4 avril 2000 et du jugement de redressement judiciaire dont elle a été l'objet le 17 avril 2000.
Qu'il apparaît ainsi que les parties liées par un contrat qualifié expressément "d'intuitu personne", ont manqué chacune à leurs obligations réciproques de bonne foi et d'information et que la rupture de leurs relations est due à leurs torts partagés.
Considérant que le jugement entrepris a constaté que la société Rend France ne justifiait d'aucun préjudice découlant de cette rupture. Que l'intimée n'a pas critiqué cette motivation ni le rejet de sa demande de dommages-intérêts consécutive à ladite rupture.
Que la demande de dommages-intérêts présentée par André Marzin n'est pas nouvelle dans la mesure où elle se rattache à la demande principale en indemnisation de la société Reno France.
Considérant cependant que l'appelant qui n'était pas agent commercial exclusif de la société Rend France, ne rapporte pas la preuve d'une perte de commissions pour 2000 et 2001 résultant de ce qu'il n'aurait pas retrouvé une clientèle à la suite de la rupture de son mandat; qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Considérant ensuite que c'est, pour des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu que par des informations intempestives faites à des clients, les époux Develter sur le redressement judiciaire de la société Rend France, André Marzin avait contribué à la perte du contrat conclu avec les époux Develter et l'a condamné à payer à la société Rend France en réparation de son préjudice matériel, 42 466,96 euros, montant du marché hors taxe, et en réparation de son préjudice moral 5 000 euros.
Que ces condamnations seront confirmées, étant ajouté que la lettre adressée le 4 août 2002 par Xavier Develter à Maître Paruelle, soit postérieurement au jugement entrepris, n'est pas probante d'une absence de faute d'André Marzin. Que ce dernier a reconnu, en effet, en première instance, comme le tribunal l'a noté, avoir avisé les époux Develter de la procédure collective dont faisait l'objet la société Rend France. Qu'il en est résulté une perte de confiance des clients quant aux garanties que pouvait offrir la société. Que les époux Develter, pourtant rassurés par courrier du 3 octobre 2000 par la société Rend France sur la poursuite de son activité et sur sa capacité à exécuter les travaux confiés par devis du 8 janvier 1999, ont préféré par lettre du 16 novembre 2000 renoncer à l'acompte de 50 000 F versé et réclamé encore par lettre du 29 septembre 2000, plutôt que de faire réaliser lesdits travaux par la société Rend France. Que ce revirement quant à la restitution de l'acompte trahit l'embarras des époux Develter, que sur la foi des informations données par André Marzin bien avant septembre 2000, ont donné le marché à l'entreprise Memisy, laquelle suivant constat d'huissier du 5 janvier 2001 avait, en effet, à cette date, pratiquement achevé les travaux, objet du devis du 8 janvier 1999.
Considérant que le jugement entrepris n'est pas remis en cause sur l'absence de preuve qu'André Marzin ait apporté à la société Memisy le chantier des époux Develter.
Considérant enfin sur la somme de 5 714,50 euros que la société Rend France resterait devoir à André Marzin au titre des trois chantiers Venturi, Trompette et Cavet, cette réclamation apparaît pour le moins irrecevable, dans la mesure où cette créance d'honoraires ou de commissions et en tout cas pas de salaires, si elle a été facturée le 9 avril 2001, a son origine dans des devis datés des 14 et 15 janvier 2000, soit antérieurement au jugement de redressement judiciaire de la société Rend France rendu le 17 avril 2000.
Que André Marzin ne justifie pourtant d'aucune déclaration de créance ni d'une admissibilité de cette créance au passif de la société Rend France.
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposé en appel.
Par ces motif, Statuant contradictoirement, Déclare l'appel recevable; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis du chef du caractère fautif de la rupture du contrat d'agent commercial d'André Marzin; Statuant à nouveau: Dit qu'il a été mis fin au contrat d'agent commercial d'André Marzin dans des conditions fautives imputables tant à la SARL Rend France qu'à André Marzin; Y ajoutant: Déclare irrecevable la demande en paiement d'honoraires à hauteur de 5 714,50 euros présentée par André Marzin; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties; Condamne André Marzin aux entiers dépens; Admet la SCP Bernabe CHardin Cheviller, avoué au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.