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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 9 mars 2004, n° 00-06785

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Henry

Défendeur :

LM Technik Sud (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thiolet

Conseillers :

MM. Blin, Fohlen

Avoués :

SCP Boissonnet-Rousseau, SCP Sider

Avocats :

Mes Sayn-Urpar, Pascal.

T. com. Arles, du 9 mars 2000

9 mars 2000

Exposé du litige

Par contrat du 4 mars 1996 la SARL LM Technik Sud a donné à Monsieur Henry mandat à durée indéterminée " de procéder en son nom et pour son compte à la vente, à titre exclusif de produits Ecotec sur les départements 07-26 (Ardèche et Drome) " ; il est précisé en outre, notamment, que le mandataire :

- exercera en tant qu'agent commercial conformément aux règles de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 [devenue aujourd'hui les articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de Commerce];

- "s'engage (...) à réaliser dans son secteur un chiffre d'affaires minimum de 450 000 F HT." par an;

- recevra pour les ventes réalisées une commission de 30 % du chiffre d'affaires HT, qui sera due lors du règlement par le client à la SARL LM Technik Sud.

Par lettre du 1er décembre 1998 cette dernière, en respectant le préavis de 3 mois convenu par le contrat, a mis fin à ce dernier pour le motif suivant : "Les résultats enregistrés encore ce mois-ci, vous en conviendrez sont très loin de vos objectifs".

Dans un jugement du 9 mars 2000 le Tribunal de commerce d'Arles, qualifiant la non-réalisation des objectifs de faute grave, puisqu'il n'y a eu ni marasme économique, ni augmentation du prix des produits, ni concurrence déloyale:

* a exonéré la SARL LM Technik Sud de tout versement d'indemnité à Monsieur Henry,

* a débouté ce dernier de toutes ses demandes, dont celle de 1 728,25 F au titre des commissions pour deux commandes;

* a condamné Monsieur Henry à verser la somme de 1 000 F soit 152,45 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Henry a interjeté appel. Concluant le 24 juillet 2003 il expose que le courrier du 1er décembre 1998 n'indique pas que la rupture est due à une faute grave, et prévoit un préavis de 3 mois qui est exclu en cas de celle-ci. Il conteste avoir manqué à ses obligations contractuelles et légales.

L'appelant demande 1' infirmation du jugement, et la condamnation de la SARL LM Technik Sud à lui payer les sommes de:

- 200 248,26 F soit 30 527,65 euros à titre d'indemnité compensatrice de rupture,

- 1 728,25 F soit 263,47 euros au titre des commissions pour deux commandes, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance;

- 22 870 euros (150 017,37 F) à titre de dommages-intérêts,

- 1 300 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions du 31 octobre 2000 la SARL LM Technik Sud:

- demande la confirmation du jugement pour l'indemnité compensatrice, et subsidiairement réduit cette dernière à 31 800 F soit 4 847,88 euros sur la base d'un montant net de commissions résultant du montant brut amputé de 30 % pour frais;

- s'oppose au rappel de commissions, soutenant qu'il s'agit de commandes de complaisance passées trop longtemps avant la livraison;

- et réclame à Monsieur Henry la somme de 20 000 F soit 3 048,98 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'intimée soutient que le fait d'avoir concédé un préavis ne signifie pas qu'elle est réputée avoir renoncé à se prévaloir de la faute privative de l'indemnité compensatrice; que le chiffre d'affaires de Monsieur Henry a baissé en 1998 par rapport à 1997, malgré des mises en garde; que son adversaire a manqué de soins et de diligence dans l'exécution de son mandat; et qu'il a commis des faits de concurrence déloyale en se confondant avec l'itinérant du grossiste ou du concessionnaire d'elle-même.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2003.

Motifs de l'arrêt

La recevabilité de l'appel n'est pas discutée; en l'absence de moyen d'irrecevabilité pouvant être soulevé d'office par la cour, cet appel sera déclaré recevable.

Le fait que la lettre de rupture écrite le 1er décembre 1998 par la SARL LM Technik Sud ne mentionne pas la faute grave de Monsieur Henry et accorde à ce dernier le préavis contractuel de 3 mois n'empêche pas la première d'invoquer ensuite une telle faute.

Plusieurs écrits émanant de la SARL LM Technik Sud sont favorables à Monsieur Henry, lequel:

- en mai 1996 a atteint ses objectifs (note du 5 juin suivant);

- est en très net progrès (note du 1er août 1997);

- a réalisé ses objectifs, ce qui lui donne droit à une prime exceptionnelle (note du 12 novembre 1997);

- au 1er trimestre 1998 a réalisé un chiffre d'affaires supérieur aux objectifs, d'où une prime (lettre du 1er avril suivant);

- en juillet 1998 a réalisé "des chiffres qui peuvent [lui] laisser espérer atteindre les nouveaux objectifs" (note du 10 août suivant).

Mais la première a formulé les reproches suivants au second, lequel n'y a pas répondu, ce qui conduira la cour à ne pas tenir compte des attestations qu'il produit:

- non-respect en avril 1997 de son engagement de réaliser un chiffre d'affaires de 50 000 F (lettre du 6 mai suivant); production inférieure au montant des produits Liqui Moly repris chez Billy SA (lettre du 1er octobre 1997);

- au 20 avril 1998 chiffre d'affaires qui inquiète sérieusement (lettre du même jour); en avril 1998 chiffre d'affaires en forte baisse (lettre du 5 mai suivant); au 24 juillet 1998 chiffre inquiétant (lettre du même jour);

- résultats très décevants (lettre du 23 octobre 1998);

- résultats qui sont très loin des objectifs (lettre du 6 novembre 1998).

En outre Monsieur Henry n'a effectivement pas atteint son objectif contractuel annuel, fixé à 450 000 F, puisque ses chiffres d'affaires ont été:

- de 358 316,73 F pour l'année 1997,

- de 309 177,48 F pour l'année 1998.

Cette non-réalisation des objectifs, au vu des pièces précitées, résulte uniquement d'un travail insuffisant de Monsieur Henry, ce qui constitue une faute contractuelle de sa part; par ailleurs la persistance de cette situation sur plusieurs mois, malgré divers reproches faits par la SARL LM Technik Sud et auxquels l'intéressé n'a pas répondu, justifie que le tribunal de commerce l'ait qualifiée de faute grave privative de l'indemnité compensatrice de rupture. Le jugement sera donc confirmé sur ce point, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs moins importants formulés par la SARL LM Technik Sud.

Monsieur Henry a obtenu en février 1999, soit avant son départ effectif de la SARL LM Technik Sud, deux commandes (le 17 de la SARL Les Alizes, et le 26 de Autodistribution Billi), qui ont été suivies de livraisons; la SARL LM Technik Sud ne démontre ni que ces commandes étaient de complaisance, ni le caractère anormal du délai de livraison.

C'est donc à tort que le tribunal de commerce a débouté Monsieur Henry de sa demande au titre de ses commissions; par suite la cour lui allouera la somme de 1 728,25 F soit 263,47 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance.

Enfin la situation économique de Monsieur Henry fait obstacle à sa condamnation en appel sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et eu dernier ressort, En la forme, déclare recevable l'appel de Monsieur Henry. Sur le fond, confirme le jugement du 9 mars 2000 sauf pour les commissions. Condamne la SARL LM Technik Sud à payer pour celles-ci à Monsieur Henry la somme de 1 728,25 F soit 263,47 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance. Rejette toutes autres demandes. Condamne Monsieur Henry aux entiers dépens, avec droit pour la SCP d'avoués Sider et Sider de recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.