CA Aix-en-Provence, 2e ch., 5 février 2004, n° 00-16192
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Truc
Défendeur :
Jourdan
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thiolet
Conseillers :
MM. Blin, Jacquot
Avoués :
SCP Blanc-Amsellem-Mimran, SCP Maynard-Simoni
Avocats :
Mes Joly, Mas.
Faits, procédure et arguments des parties:
Selon contrat en date du 2 mai 1996, M. Gabriel Truc sest lié en qualité dagent commercial avec Mme Camille Jourdan avec mandat de négocier la vente, sur un secteur comprenant le Var, Bouches du Rhône et les Alpes Maritimes, de végétaux stabilisés; après la rupture de leurs relations, intervenue en décembre 1997 à linitiative de Mme Jourdan, M. Truc la fait assigner devant le Tribunal de commerce de Toulon en paiement dune indemnité de cessation de mandat, dune indemnité compensatrice de préavis non exécuté et de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 22 juin 2000, le Tribunal de commerce de Toulon a condamné Mme Jourdan à payer à M. Truc les sommes de 11 806 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 47 224,50 F à titre d'indemnité compensatrice de rupture, et 5 000 F en application de larticle 700 du nouveau Code de procédure civile, le déboutant pour le surplus de ses demandes.
M. Gabriel Truc a relevé appel de cette décision, et fait valoir, dans ses conclusions récapitulatives déposées le 13 octobre 2003, que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'il a été statué sur l'imputabilité de la rupture, dans la mesure où les griefs qui lui étaient faits ne sont pas sérieux, à savoir une prétendue insuffisance de démarchage alors que ses activités n'ont jamais fait l'objet d'observations et étaient satisfaisantes, le non-respect des produits commercialisés par introduction d'une fleur artificielle par le fleuriste sans que le client ait protesté, la représentation de produits en fait non-concurrents, et le prétendu non-respect des charges du groupe Accor qui n'est à l'origine d'aucun préjudice.
Il fait valoir qu'il est par contre fondé à obtenir l'équivalent de deux années de commissions brutes, et non d'une année, comme l'ont décidé les premiers juges aux seuls motifs d'une durée du contrat de 20 mois, alors que la jurisprudence indemnise les agents à hauteur de deux ans de commissions en raison de la gravité du préjudice que cause une résiliation du mandat d'agent commercial et de l'impossibilité de cession de ce mandat.
Il estime encore pouvoir obtenir l'allocation de dommages et intérêts pour un montant de 47 785 F, Mme Jourdan ne démontrant pas l'existence de fautes à son égard, et la condamnation de son adversaire à communiquer certains documents comptables, dont lensemble des factures adressées aux clients, seules de nature à permettre de vérifier le montant réel de ses commissions.
Il demande encore sa condamnation à lui payer la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions déposées au greffe le 21 mai 2001, Mme Camille Jourdan forme appel incident pour demander le déboutement de M. Truc en l'état de fautes graves de nature à le priver de l'indemnité compensatrice de rupture; elle invoque ainsi:
- une carence dans le démarchage de nouveaux clients ; seuls 20 clients ont été apportés en 18 mois d'activité
- un non-respect de la nature du produit commercialisé en faisant livrer, avec les plantes stabilisées, des fleurs artificielles, et ayant entraîné la perte d'un client, l'hôtel Beau Rivage
- la représentation de produits concurrents à plusieurs reprises et pendant plus de quatre mois
- le non-respect du cahier des charges liant Camille Jourdan au groupe Accor par modification des conditions de paiement.
Elle répond, sur l'appel de M. Truc, que le juge est souverain pour apprécier le préjudice subi par un agent commercial du fait de la rupture et que l'ensemble des documents comptables sont en sa possession.
Elle demande sa condamnation à lui payer la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 novembre 2003.
Par de nouvelles conclusions déposées le 18 novembre 2003 et demandant la révocation de la clôture pour répondre aux conclusions de son adversaires du 13 octobre 2003, Mme Jourdan reprend ses conclusions antérieures, critique les arguments présentés par M. Truc au soutien de son appel et demande sa condamnation à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'audience, l'avoué de M. Truc a demandé le rejet de ces écritures signifiées après la clôture et alors que son adversaire avait eu toute latitude pour répondre à ses conclusions signifiées le 13 octobre 2003.
Motifs de la décision:
Mme Jourdan, qui demande la révocation de lordonnance de clôture pour que soient reçues ses conclusions déposées postérieurement à cette ordonnance n'indique pas en quoi elle a été empêchée de répondre utilement, avant l'ordonnance de clôture intervenue comme prévu le 17 novembre 2003, aux conclusions signifiées par son adversaire le 13 octobre 2003.
Sa demande de révocation sera en conséquence rejetée et ses conclusions déposées le 18 novembre 2003 seront exclues des débats.
La recevabilité de l'appel nest pas contestée; en l'absence de moyen constitutif susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable.
En cas de cessation d'activité, un agent commercial est fondé à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de son préjudice; la seule limite à ce principe, posé par l'article 13 a) de la loi du 25 juin 1991, est la démonstration, qui incombe au mandant, de ce que son agent a commis une faute grave; or l'examen des fautes invoquées par Mme Jourdan à l'encontre de M. Truc permet de décider, comme l'ont fait les premiers juges, que ces allégations ne sont pas sérieuses.
Elle ne saurait en effet lui reprocher, alors qu'il n'est nullement tenu contractuellement à une obligation de résultat, une insuffisance de ses démarchages, en contradiction au surplus avec les termes de sa lettre du 21 avril 1997 dans laquelle elle se félicite des qualités de son travail, porte à 20 % le montant de ses commissions, et lui propose une association future.
Elle ne peut pas plus invoquer, faute de plainte des clients, un non-respect des produits commercialisés et un non-respect du cahier des charges avec Accor.
Elle pourrait, certes lui reprocher, en dépit du peu d'importance des ventes réalisées, la représentation pour des produits semblables (fleurs artificielles), sauf à établir cependant que ces activités lui ont causé un préjudice par la perte de clients ou le démarchage de clients potentiels, mais elle ne verse aux débats aucun éléments précis de ce chef.
En ce qui concerne l'indemnité compensatrice, qui a pour but de réparer le préjudice subi par M. Truc qui n'a pu céder sa clientèle et a du supporter la charge de frais non amortis, la cour possède les éléments pour la fixer, en dépit d'une durée de 20 mois du mandat, à l'équivalent de 18 mois d'activité; il résulte en effet du dossier que M. Truc a créé de toutes pièces la clientèle, qu'il a été brutalement privé de revenus, et que cette situation impose une réparation en rapport avec le préjudice subi;le jugement déféré sera eu conséquence réformé de ce chef, mais confirmé en ce qu'il l'a débouté du paiement de ses frais, qui ne peuvent faire dans ces conditions l'objet d'une indemnisation séparée.
Aucune critique n'est faite contre le jugement en ce qu'il a fixé une indemnité de préavis.
En ce qui concerne la demande de communication de documents comptables, il convient cependant d'infirmer le jugement, la communication des factures présentées par Mme Jourdan aux clients ou d'un document comptable équivalent étant le seul moyen, pour M. Truc, de vérifier le montant des ventes réalisées pour établir le montant de ses commissions.
Et vu les articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile,
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture - Rejette les conclusions déposées par Mme Jourdan le 18 novembre 2003 - Reçoit l'appel Confirme le jugement déféré en ce qu'il a statué sur le principe de l'indemnité compensatrice de rupture, fixé l'indemnité de préavis, rejeté la demande de dommages et intérêts et statué en application de larticle 700 du nouveau Code de procédure civile - Le réformant pour le surplus: - Condamne Mme Camille Jourdan à payer à M. Gabriel Truc la somme de 10 798,99 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, à titre dindemnité de cessation de mandat La condamne à communiquer à M. Truc, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à partir de la signification de cette décision, copie de l'ensemble des factures adressées à ses clients dans le secteur de M. Truc ou d'un document comptable certifié permettant de connaître le montant des ventes réalisées - La condamne à payer à M. Truc la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - Condamne Mme Jourdan aux dépens, avec distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP Blanc Amsellem-Mimram, avoué, sur son affirmation qu'elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.