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Décisions

Cass. crim., 14 mars 1994, n° 93-83.011

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tacchella

Rapporteur :

M. Gondre

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Lesourd, Baudin.

Aix-en-Provence, ch. d'acc., du 3 juin 1…

3 juin 1993

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par la société Procep, partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 juin 1993, qui, dans l'information suivie contre X du chef de tromperie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction; - Vu le mémoire produit; - Vu l'article 575, alinéa 2,6 du Code de procédure pénale; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 12 de la loi du 1er août 1905, 24 et suivants du décret du 22 janvier 1919, 166, 206, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis de constater la nullité de l'expertise diligentée par M. d'Allest;

"alors, d'une part, que, en toute matière et à peine de nullité, la chambre d'accusation est tenue d'examiner, d'office, la régularité de la procédure et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché; qu'en matière de fraudes, lorsque l'information est diligentée sur le fondement de la loi du 1er août 1905, l'article 12 de ce texte exige que les expertises soient contradictoires; que les articles 24 et suivants du décret du 22 janvier 1919 sur le fonctionnement de l'expertise contradictoire imposent la désignation de deux experts; qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise qu'un seul expert a été désigné par le juge d'instruction chargé d'exécuter le supplément d'information; qu'en cet état, l'expertise est radicalement nulle et qu'il appartenait à la chambre d'accusation de constater d'office cette nullité; que, faute de l'avoir fait, elle a privé, en la forme, l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale;

"alors, d'autre part, que l'article 166, alinéa 1er du Code de procédure pénale, prévoit, à peine de nullité, que les experts doivent attester avoir personnellement accompli les opérations qui leur ont été confiées; qu'en l'espèce, l'expert d'Allest n'a pas attesté avoir personnellement accompli les opérations d'expertise qui lui ont été confiées; que, faute de l'avoir fait, elle a, derechef, privé, en la forme, l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale";

Attendu qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt attaqué, ni d'aucunes conclusions, que la partie civile demanderesse ait soulevé devant la chambre d'accusation la nullité prétendue de l'expertise; Que, dès lors, le moyen, qui invoque une telle nullité pour la première fois devant la Cour de cassation, n'est pas recevable par application de l'article 595 du Code de procédure pénale;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1 et suivants de la loi du 1er août 1905, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à articulation essentielle du mémoire de la partie civile;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de supplément d'information et confirmé l'ordonnance de non-lieu à suivre du chef de tromperie sur la marchandise;

"aux motifs qu'il y avait lieu d'entériner le rapport de l'expert judiciaire dont les conclusions concordaient avec celles présentées par la société Valoragri; que le produit fabriqué suivant la formule Valoragri était en conformité avec la norme française U.44.051 type 10 et sa qualité agronomique identique au nutri-humus fabriqué selon la formule Procep; que la partie civile n'apportait aucun élément susceptible de contredire les conclusions expertales et d'entraîner une nouvelle mesure d'instruction; que les éléments techniques dont faisait état la SA Procep avaient été pris en compte par l'expert;

"alors, d'une part, que dans son mémoire, la partie civile faisait valoir que la société Valoragri ne contestait pas avoir modifié la formule indiquée par la société Procep (mémoire p. 6 3 et 4); qu'elle y soulignait que le produit livré par Valoragri contenait de la dolomagnésie, matière minérale, qui n'était pas prévue dans la convention des parties et qui imposait que le produit livré par la société Valoragri fût classé dans la norme NF U.44.051 type 11 et non dans la norme NF U.44.051 type 10 qui ne prévoyait pas l'adjonction de matières minérales et inertes (ibid. p. 7 dernier ); qu'en se bornant à entériner les conclusions expertales sans s'expliquer sur ces articulations essentielles du mémoire de la partie civile qui étaient de nature à démontrer l'existence d'une tromperie à la fois sur l'identité, la composition et les qualités substantielles de la marchandise livrée par la société Valoragri à la société Procep, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale;

"alors, d'autre part, que dans son mémoire, la partie civile s'était prévalue des conclusions du rapport, en date du 12 janvier 1993, de l'expert Crouzet, ingénieur agronome, ainsi que des critiques de cet expert sur le rapport de l'expert judiciaire, qui avaient été annexées à son mémoire et en faisaient partie intégrante; que, dans ce rapport qui, contrairement à l'expertise judiciaire, exposait la formule du produit Procep à la composition exclusivement organique et celle du produit Valoragri d'une composition organo-minérale, l'expert Crouzet concluait que le produit livré par la société Valoragri à la société Procep n'était pas conforme à la norme NF U.44.051 type 10, mais répondait au type 11; que, dans sa critique, l'expert Crouzet faisait ressortir toutes les imprécisions et les insuffisances du rapport de l'expert judiciaire et affirmait, contre les conclusions de ce dernier, que la dolomagnésie n'avait jamais été considérée comme une matière minérale fertilisante (critiques p. 4 sur p. 21 du rapport d'expertise judiciaire); qu'en décidant, contre les conclusions et critiques de l'expert Crouzet annexées à son mémoire et qui en faisaient partie intégrante, que la partie civile n'apportait aucun élément précis susceptible de contredire les conclusions expertales et que les éléments techniques dont elle faisait état avaient été pris en compte par l'expert, sans s'expliquer notamment sur les critiques du rapport d'expertise émanant d'un scientifique au moins aussi qualifié et dont l'expert judiciaire n'avait pu, par hypothèse, puisqu'elles étaient postérieures à son rapport, avoir connaissance, la chambre d'accusation a entaché sa décision à la fois d'un défaut de réponse et d'une contradiction de sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale;

"alors, enfin, qu'une décision de non-lieu ne peut intervenir que si les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale; qu'à supposer qu'il n'y ait pas eu tromperie sur les qualités substantielles, la chambre d'accusation devait rechercher, dès lors qu'elle y avait été expressément invitée, si, compte tenu de la différence entre la formule contractuellement arrêtée entre la société Procep et la société Valoragri pour la fabrication du produit commandé par la première, et la formule en définitive utilisée par la société Valoragri pour la fabrication du produit livré à la société Procep, les faits n'étaient pas constitutifs d'une tromperie sur la composition et sur l'identité de la marchandise; que faute de s'être expliqué sur cette articulation essentielle du mémoire de la partie civile (mémoire p. 8 4), l'arrêt attaqué ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que pour confirmer l'ordonnance entreprise la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés par la partie civile, a répondu aux articulations essentielles du mémoire de celle-ci et a exposé les motifs de fait et de droit d'où elle a déduit qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit de tromperie; Qu'aux termes de l'article 575 du Code de procédure pénale la partie civile n'est pas admise à discuter la valeur de tels motifs à l'appui de son seul pourvoi contre un arrêt de non-lieu; d'où il suit que le moyen, qui se borne à alléguer de prétendus insuffisance de motifs et défaut de réponse à des chefs péremptoires des conclusions, ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.