Cass. crim., 12 janvier 1994, n° 93-82.809
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Souppe
Rapporteur :
M. Simon
Avocat général :
M. Monestié
Avocat :
Me Choucroy.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par G Dirk, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 27 mai 1993, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 50 000 francs d'amende; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1 de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise;
"aux motifs qu'il est constant que, le 14 janvier 1987, un incendie s'est déclaré au Château de Sens, à Rochecorbon (37), que le matériel de marque ICL appartenant à la société Or Télématique qui est propriétaire et serveur de bases de données télématiques et spécialisée dans l'information économique et financière des entreprises a été endommagé; "que, dans le milieu professionnel qui est le leur, la chose s'est sue très rapidement et que la société X s'est proposée pour racheter la totalité du matériel endommagé; que, suivant facture en date du 31 mars 1987, celui-ci a été vendu par le groupe Galande à la société X, en l'état, pour la somme de 600 000 francs; "que, le 2 juillet 1991, entendu, Jean-Claude Clavey, directeur de la société Or Télématique précisait que deux ordinateurs, ICL 2988 et ICL 2966, avaient été rachetés par la société X ainsi que divers appareils appelés périphériques; "que l'expert commis n'a pu dire, à l'examen des matériels litigieux, s'ils avaient été endommagés par le sinistre, ceux-ci ayant subi des interventions de sociétés de reconditionnement et de décontamination, et, par voie de conséquence, s'ils étaient réparables ou non et qu'il n'a pas non plus été à même de constater dans quel état ils se trouvaient à l'issue de l'intervention de la société DPCE, c'est-à-dire lors de sa livraison, ceux-ci n'ayant pas, notamment, été stockés dans des conditions normalement admises pour le stockage de matériels informatiques; "que l'expert a, néanmoins, estimé que les pièces du dossier démontraient que les matériels provenant du sinistre et dont la société X conservait la garde avaient été endommagés et qu'elles permettaient d'affirmer qu'ils étaient irréparables et que le sinistre qu'ils avaient subi rendait toute remise en état inutile, sauf à changer toute l'électronique, ce qui n'avait pas alors été fait; qu'il a précisé que, même si des tests de fonctionnement avaient été effectués après la remise en état par la société DPCE ou ultérieurement comme G a indiqué l'avoir fait courant septembre 1991, ceux-ci n'étaient pas adéquats pour démontrer le bon fonctionnement tel qu'il est normalement exigé d'un système électronique; "qu'enfin l'expert a conclu son rapport en ces termes: "ce matériel révisé ne pouvait "être considéré comme fiable. L'état de ce matériel "ne permettait que d'envisager une mise à la casse"; "qu'à cet égard, il a noté que le prix payé par la société X pour l'acquérir correspondait bien à une "valeur à la casse"; "qu'il y a lieu, en outre, d'observer que l'expert a indiqué que, s'il a jugé ni indispensable ni même utile d'examiner de nouveau le matériel qui lui avait été présenté à Commines, le 25 juin 1991, et qui depuis aurait été remis en état de marche, c'est que l'état dans lequel il se trouvait, impliquait des réparations majeures telles qu'après remise en état il n'était plus possible de dire qu'il s'agissait là du système proposé à la livraison litigieuse du 21 octobre 1987; "qu'il est constant que la société X, représentée par son gérant, G, a dissimulé à la société Ancitel que le matériel informatique qu'elle lui donnait en crédit-bail venait d'être gravement endommagé lors d'un sinistre par le feu survenu quelques mois auparavant, si gravement même que l'expert commis par la Cour, laquelle adopte l'ensemble de ses conclusions, a estimé que ce matériel avait été réduit à l'état d'épave; "que, pourtant, la bonne foi commandait que la société Ancitel en fut informée; qu'en effet, un sinistre de cette ampleur et les conséquences qu'il pouvait avoir eu sur du matériel informatique étaient de nature à dissuader certains intéressés de le prendre en location, même si ce matériel avait été révisé et remis en état de fonctionner, car sa fiabilité pouvait s'en trouver sérieusement affectée; qu'un tel silence est constitutif de la mauvaise foi dont G a fait preuve en l'espèce, celui-ci, pour se disculper, ne pouvait se contenter d'arguer du fait que la société Ancitel n'ignorait pas qu'elle louait du matériel d'occasion; "qu'en outre, la société X s'était engagée auprès de la société Ancitel à fournir une "MAQ LETTER" par laquelle la société ICL, constructeur du matériel informatique en cause entretiendrait, ainsi qu'elle l'avait fait dans le passé, ce matériel ce qui aurait constitué une garantie de sa fiabilité; que le demandeur ne pouvait ignorer que la société ICL ne lui avait donné aucune assurance en ce sens, bien au contraire;
"alors que la tromperie sur les qualités d'une marchandise et sur l'aptitude à l'emploi de celle-ci pour être punissable au sens de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, doit résulter d'une intention frauduleuse et porter sur les qualités substantielles de la marchandise; qu'il appartient au juge de constater les circonstances d'où se déduit la mauvaise foi du prévenu et de préciser les qualités substantielles sur lesquelles l'utilisateur de la marchandise a été trompé; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, après avoir constaté la carence de l'expert à se prononcer sur l'état du matériel litigieux après le sinistre et lors de la livraison, déclarer que le prévenu était de mauvaise foi parce qu'il n'avait pas informé la société Ancitel qui louait du matériel d'occasion de l'existence du sinistre, sans s'interroger sur l'aptitude à l'emploi de la marchandise et sur les risques inhérents à son utilisation, lors de la livraison de la marchandise litigieuse";
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué en partie reprises au moyen, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts de contradiction, a caractérisé sans insuffisance, en tous ses éléments constitutifs, le délit de tromperie dont elle a déclaré le prévenu coupable; Que le moyen qui revient à remettre en question les faits et circonstances de la cause souverainement appréciés par les juges du fond après débat contradictoire, ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.