CA Pau, 1re ch., 29 mars 2004, n° 02-03222
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Derouard
Défendeur :
Hydro Agri France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Parant
Conseillers :
M. Lesaint, Mme Rachou
Avoués :
Me Marbot, SCP Longin
Avocats :
Mes Picot-Haran, Etchegaray.
FAITS ET PROCEDURE
A compter de la fin de l'année 1995 Monsieur Derouard a collaboré à l'activité de commercialisation du sulfate de fer et des engrais de jardin développée par la société Socadour dans la France entière;
Le 8 janvier 1999 la SA Socadour lui a annoncé la fin de leur relation à compter du mois de janvier 1999;
Par acte d'huissier du 15 novembre 1999 Monsieur Derouard a cité la SA Socadour devant le Tribunal de commerce de Dax pour entendre reconnaître sa qualité d'agent commercial et obtenir la condamnation de cette société au paiement d'une indemnité de préavis et de rupture outre le remboursement de 25 325 F TTC au titre d'une facture du mois de janvier 1999;
Par jugement du 6 juin 2000 le Tribunal de commerce de Dax a constaté que Monsieur Derouard n'avait pas la qualité d'agent commercial et l'a débouté de ses demandes formées contre la société Socadour, hormis le remboursement sollicité que cette juridiction lui a accordé avec exécution provisoire et intérêts de droit à compter du 30 janvier 1999 outre 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code procédure civile;
Le 14 septembre 2000 Monsieur Derouard a relevé appel; après radiation pour défaut de conclusions dans les 4 mois de sa déclaration d'appel, l'affaire a été réinscrite au rôle sur sa demande;
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 7 janvier 2003, il demande à la cour de:
- infirmer le jugement entrepris;
- dire qu'il était uni à la société Socadour par un mandat d'intérêt commun et qu'il était donc agent commercial;
- condamner la société Socadour à lui payer:
* 11 582,77 euros au titre de l'indemnité de préavis avec les intérêts de droit,
* 68 602,05 euros au titre de l'indemnité de résiliation;
- confirmer pour le surplus le jugement du Tribunal de commerce de Dax;
- condamner la société Socadour au paiement de la somme supplémentaire de 1 250 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code procédure civile ainsi qu'aux dépens;
- dire que les dépens seront recouvrés directement par Me Marbot conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code procédure civile;
Selon l'appelant:
- à l'issue d'un stage effectué dans cette entreprise, il a conclu avec la société Socadour un accord au terme duquel il était chargé de commercialiser dans la France entière des produits de la gamme de jardin amateur; il a ainsi apporté de nouveaux clients dans le domaine des groupements d'achat, des jardineries et des grandes enseignes de bricolage;
- il entend se prévaloir du mandat d'intérêt commun qui existe selon la jurisprudence lorsqu'il y a intérêt du mandant et du mandataire à l'essor de l'entreprise par la création et le développement de la clientèle; la rémunération prise comme critère par le premier juge n'est pas le seul élément déterminant du bénéfice du statut; l'absence d'écrit n'est pas non plus un critère car il n'est plus obligatoire; l'échange de ses correspondances avec la société Socadour démontre qu'il visitait régulièrement les clients pour leur proposer et leur vendre les produits de son mandant et qu'il établissait ensuite des compte-rendus de visite; il s'agit là d'une activité commerciale;
- les premiers juges n'ont pas recherché si le mandant prouvait une cause légitime de résiliation; en l'absence de clause contraire il a droit à cette indemnité;
- il est donc fondé à réclamer les indemnités de rupture et de préavis car la société Socadour n'invoque contre lui aucune faute ou baisse d'activité qui lui soit imputable;
- l'indemnité de préavis doit être égale à trois mois de salaire avec l'allocation forfaitaire de remboursement des frais professionnels;
- il a droit au paiement de la facture d'honoraires du mois de janvier 1999 que Socadour refuse de lui payer; de ce chef le jugement sera confirmé;
- il n'y a pas péremption de la procédure puisque après un appel formalisé le 13 septembre 2000, il a procédé à son enrôlement au greffe le 10 octobre et après radiation de l'affaire l'a fait réinscrire le 10 octobre 2002 en même temps qu'il faisait signifier de nouvelles conclusions conformément à l'article 383 du nouveau Code procédure civile.
La SA Hydro Agri France qui a absorbé la société Socadour demande à la cour de:
- dire que l'instance est périmée;
- subsidiairement débouter Monsieur Derouard de l'ensemble de ses demandes;
- le condamner au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code procédure civile;
- le condamner aux dépens de l'instance d'appel et dire que les dépens seront recouvrés directement par la SCP Longin conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code procédure civile;
Selon l'intimée:
- Ni l'acte d'appel ni la constitution de la SA Socadour ne sont antérieures de moins de deux ans à ses conclusions aux fins de réinscription et la date d'enrôlement de l'acte d'appel qui n'est pas dénoncée à l'intimé ne peut avoir à son égard un effet interruptif; idem de l'acte ayant pour a pour but de faire réinscrire l'affaire au rôle;
- Monsieur Derouard n'a développé ni activité ni clientèle et il ne l'établit pas même s'il a porté "clients 1996: 138" sur une pièce qu'il verse aux débats; le démarchage des grandes enseignes ne va pas vers l'intérêt commun puisque celles-ci tirent les prix vers le bas;
- pendant ses relations avec la société Socadour il établissait des factures de consultant; celui-ci n'est pas uni par un mandat d'intérêt commun car ses tarifs sont indépendants de la prospérité économique de son client; Monsieur Derouard n'a jamais produit que des factures d'honoraires d'un montant fixe 13 650 F par mois;
- ayant constaté en février 1998 que son activité sulfate de fer était en déficit constant, elle a pu alors économiquement décider de l'arrêt de cette activité ce dont il a été informé
- il doit être débouté de sa demande d'indemnité de préavis puisqu'il n'a pas le statut de salarié et n'est pas un agent commercial; idem de sa demande d'indemnité compensatrice ou autres dommages et intérêts;
- elle est d'accord pour régler sa facture d'honoraires du mois de janvier 1999 sous déduction de ses frais de déplacement puisqu'il ne les a pas exposés.
DÉCISION DE LA COUR
L'exception de péremption d'instance:
Attendu qu'ayant relevé appel le 14 septembre 2000 et fait enrôler l'affaire le 10 octobre suivant, puis, après radiation, signifié le 10 février 2002 à son adversaire des conclusions au fond avec demande de réinscription, Monsieur Derouard a manifesté son intention de poursuivre la procédure et, pour ce faire, accompli avant l'expiration du délai de deux ans une diligence suffisante pour faire échec à la péremption d'instance;
La qualification des relations contractuelles ayant uni les parties:
Attendu que l'article L. 134-4 du Code de commerce fait de l'intérêt commun des parties l'essence du contrat d'agent commercial, chacune contribuant par sa collaboration à développer la clientèle de l'entreprise;
Attendu que le premier juge a relevé que le paiement d'une rémunération fixe était contraire à cet intérêt commun puisque le mandataire continuait à percevoir une rémunération identique indépendamment des résultats commerciaux de son mandat;
Qu'en l'espèce, cette affirmation doit s'éclairer au jour des résultats de vente du sulfate de fer et des engrais-jardin dont l'intimé verse aux débats un tableau révélant leur progression en chiffre d'affaires et une irrégularité en tonnage avant la chute de l'un et de l'autre pendant l'année 1998;
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Attendu qu'en 1997, la société Socadour a éprouvé dans le versement d'un fixe un intérêt directement contraire à celui de Monsieur Derouard puisque si elle l'avait commissionné sur la base de l'année 1995, elle aurait dû lui servir un complément à hauteur de la progression des ventes intervenue; qu'à l'inverse, malgré la nette diminution de ses ventes en tonnage et en chiffre d'affaires durant l'année 1998, Monsieur Derouard a reçu un montant d'honoraires auquel il n'aurait pu prétendre s'il avait été réglé à la commission; qu'ainsi, en l'espèce, si celle-ci caractérise l'intérêt commun au mandataire et au mandant, l'honoraire fixe définit le contraire;
Que dès lors le premier juge a exactement exclu la qualification d'agent commercial revendiquée par Monsieur Derouard et l'a justement débouté de ses prétentions au paiement des indemnités de préavis et de rupture;
Attendu que les résultats décevants de cette activité autorisaient la SA Socadour à mettre fin au mandat simple qui l'unissait à Monsieur Derouard;
Le remboursement de la facture du mois de janvier:
Attendu qu'ayant travaillé au moins jusqu'à l'entretien préalable du 7 janvier, Monsieur Derouard a droit au remboursement forfaitaire de ses frais professionnels et qu'il convient de confirmer de ce chef le jugement entrepris;
Attendu que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour de la demande formalisée par lettre recommandée du 26 mai 1999 qui constituait une mise en demeure explicite d'avoir à payer cette somme;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable d'allouer en cause d'appel 1 500 euros de frais non taxables à l'intimé et de condamner l'appelant aux dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort; Reçoit Monsieur Derouard en son appel; Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a fait courir les intérêts sur la somme de 25 325 F TTC à compter du 30 janvier 1999; Dit que cette somme doit porter intérêts au taux légal à compter du 26 mai 1999; Confirme pour le surplus le jugement entrepris; Condamne Monsieur Derouard à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code procédure civile; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel; Dit que les dépens seront recouvrés directement par la SCP Longin conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code procédure civile.