CA Aix-en-Provence, 2e ch., 27 janvier 2004, n° 00-09346
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Figuiet, Flament
Défendeur :
Clément (ès qual.), Club Europa (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thiolet
Conseillers :
MM. Blin, Fohlen
Avoués :
SCP Sider, SCP Tollinchi-Perret-Vigneron
Avocats :
Mes Debroas, Monestier.
Faits procédure et arguments des parties:
Mrs Gifles Figuiet et Jean Claude Flament ont relevé appel d'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Toulon le 10 mars 2000, et qui, après avoir constaté qu'ils avaient violé la clause de non-concurrence figurant dans leurs contrats d'agent commercial, les a condamnés du chef de concurrence déloyale à payer à Me Clément, ès qualité de mandataire à la liquidation de la SARL Club Europa les sommes de 300 000 F à titre de dommages et intérêts et 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les appelants exposent, dans leurs conclusions du 17 juillet 2000, puis dans celles déposées le 4 novembre 2003, qu'après avoir conclu, le 1er février 1994 un contrat d'agent commercial avec la SARL Club Europa, ils ont rompu, le 26 juillet 1994, les relations avec cette société, qui ne les avait pas mis en état de percevoir les commissions prévues faute de leur avoir organisé des réunions pour vendre, principalement à des pensionnaires de maisons de retraite, des marchandises, et qu'ils ont créé une société, la SARL Natural.
Ils critiquent le jugement déféré en ce qu'il a:
- cumulé les responsabilités contractuelles et délictuelles,
- estimé valable une clause de non-concurrence qui ne fixait pas le secteur géographique,
- considéré qu'ils avaient commis des faits de concurrence déloyale:
- en imitant les techniques et documents commerciaux, alors que ces techniques et documents ne présentaient aucune originalité,
- en débauchant d'autres agents commerciaux, alors que les démarches ont été faites par ceux-ci, qui étaient des travailleurs indépendants, et que ces recrutements sont postérieurs à la validité de la clause invoquée,
- en détournant la clientèle, alors qu'ils ne travaillaient pas précisément dans la département du Var et que le fait que la société Natural ait contracté avec une dame Cicebel, ancienne cliente de la société Club Europa ne saurait à lui seul établir un tel détournement.
Ils font valoir encore que l'existence d'un dommage certain, direct et personnel n'est pas établi, alors que l'examen des bilans de la société Club Europa démontre au contraire une progression et que sa liquidation est due au transfert de ses activités en Espagne.
Ils demandent en conséquence le déboutement de la société Club Europa et sa condamnation à leur payer chacun les sommes de 30 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Me PJ Clément, ès qualité de "mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL Club Europa" a conclu, le 8 décembre 2003, au rejet des conclusions et pièces signifiées le 5 novembre 2003, soit à 4 jours de la survenance de l'ordonnance de clôture, ce qui constitue une violation manifeste du principe du contradictoire dans la mesure où il ne pouvait en l'état et en raison des délais normaux de transmission desdites pièces et conclusions conclure utilement avant la survenance de l'ordonnance de clôture.
Il a conclu, par des écritures déposées le 15 septembre 2003, qui ne faisaient que reprendre celles déposées le 13 septembre 2001, à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 1 829,39 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il répond:
- que les clauses de non-concurrence étaient conformes à la loi, puisque le secteur concédé devait être considéré, en l'absence de mention précise, comme l'ensemble des départements dans lesquels les appelants avaient démarché la clientèle de la société Club Europa
- que l'exercice d'une activité concurrente pendant la période du contrat est établi
- que sont établis des faits de concurrence déloyale par débauchage, détournement de clientèle et de commandes, imitation
- qu'il est justifié de l'existence d'un préjudice.
Motifs de la décision:
L'examen des conclusions et pièces déposées et signifiées par les appelants le 4 novembre 2003, soit 5 jours avant la date de la clôture, prévue à l'ordre de travail du 18 juin 2003, permet d'observer, d'une part que ces conclusions sont, mot pour mot, à l'exception de deux paragraphes sur les causes de la liquidation de la société Club Europa, identiques à celles déposées le 17 juillet 2000 et qu'une seule pièce nouvelle a été communiquée, la convention d'accueil de la société Distributiones Club Europa; la résidence de Me Clément à Perpignan ne peut être considérée, à l'heure de la télécopie et alors qu'il est représenté par un avoué aixois, comme un obstacle à une réponse effective avant la date prévue pour 1 clôture alors qu'il a disposé d'un délai de 5 jours pleins pour y répondre; les conclusions et pièces litigieuses ne seront en conséquence pas écartées des débats.
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée; en l'absence de moyen constitutif susceptible d'être relevé d'office, il convient de le déclarer recevable. Au fond, l'action de la société Club Europa est dirigée exclusivement contre MM. Figuiet et Flament et il lui appartient d'établir à leur encontre des faits de concurrence déloyale effectués éventuellement en violation des clauses de non-concurrence pouvant les obliger en application des contrats d'agent commercial qui les liaient à elle.
Or l'examen de ces clauses, qui prévoient une interdiction d'exercer une activité concurrente " pendant une année sur l'ensemble du territoire concédé ", et alors que, dans le même contrat la mention du dit territoire a été laissé en blanc, permet d'observer qu'il apparaît impossible de déterminer si les agents concernés ont consenti à ne pas exercer ces activités sur ce territoire précis, et la position des premiers juges, qui ont, d'autorité, considéré que ces agents s'étaient engagés à ne pas exercer leurs activités dans le secteur où ils avaient effectivement travaillé, ne peut être reprise.
En effet, comme le soutiennent à bon droit les appelants, la loi du 25 juin 1991 dispose clairement qu'une clause de non-concurrence post-contractuelle n'est valable que si elle est " établie par écrit et concerne le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confiés à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation au terme du contrat ", et il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties pour ajouter à ce qu'elles n'ont pas convenu.
L'action de nature contractuelle doit être en conséquence rejetée, y compris en ce qui concerne l'existence d'activités pendant le temps du contrat, alors qu'il ne peut être interdit de constituer, avant le départ, une société.
Restent les autres éléments invoqués par la société Club Europa, mais qui doivent dés lors, en l'absence de validité de la clause de non-concurrence, être examinés au regard des dispositions générales sur le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, et alors qu'il appartient à l'intimée d'établir l'existence de fautes, d'un préjudice et d'un lien entre ces deux éléments.
Or, ni le débauchage de personnel, ni le démarchage de la clientèle, s'ils étaient établis, ne peuvent être retenus de ce chef dans la mesure où, d'une part, par des attestations, les appelants établissent de leur côté que c'est M. Plewa qui s'est adressé à eux, que M Brun a été démarché en qualité de sous-agent par M. Serra et que l'embauche de M. Pernalon s'emplace en septembre 1995 et où d'autre part la société Club Europa n'est pas propriétaire de ses propres clients et qu'il ne peut être reproché à un concurrent de les approcher.
En ce qui concerne enfin l'imitation des techniques et documents commerciaux, l'intimée n'indique pas en quoi ses méthodes auraient une originalité particulière et si le seul imprimé de Natural versé aux débats (prise en charge des frais) permet de relever l'existence de similitudes importantes avec ceux utilisés par Club Europa, Me Clément n'établit nullement en quoi l'utilisation d'un tel imprimé est à l'origine d'un préjudice pour la société Club Europa et l'usage interne d'un tel imprimé permet d'exclure tout risque de confusion dans l'esprit des clients.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé. La société Club Europa n'ayant pas abusé de son droit de soumettre à une juridiction le litige,
Mais vu les articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile,
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Dit n'y avoir lieu à rejeter des débats les conclusions et pièces signifiées et communiquées les 4 et 5 novembre 2003 - Déclare l'appel recevable - Infirme le jugement déféré - Déboute la société Club Europa de ses demandes - Condamne Me Clément, ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SARL Club Europa à payer à MM. Gilles Figuiet et Jean Claude Flament la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - Le condamne aux dépens, avec distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP Sider, avoué, sur son affirmation qu'elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.