CA Aix-en-Provence, 2e ch., 10 février 2004, n° 00-11559
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Négoce Alimentaire (SARL), Priem
Défendeur :
Elge (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thiolet
Conseillers :
MM. Blin, Jacquot
Avoués :
SCP Blanc-Amsellem-Mimran, SCP Bottai-Gereux
Avocats :
Mes Joly, Pasquiou.
Objet du litige et prétentions des parties:
Par déclaration déposée au Greffe de la cour le 13 juin 2000, la SARL Négoce Alimentaire a relevé appel du jugement rendu le 10 mai 2000 par le Tribunal de commerce de Marseille qui l'avait débouté de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la société Elge à lui payer une indemnité de 19 528,92 F pour rupture de son contrat d'agent commercial et une somme de 8 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et qui l'avait condamné à payer à la SA Elge la somme de 1 000 F au titre de ces mêmes dispositions.
Au soutien de son appel la SARL Négoce Alimentaire soutient que la société Elge spécialisée dans des produits de confiserie l'avait engagé en qualité d'agent commercial avec bénéfice d'une exclusivité pour la clientèle des collectivités et des comités d'entreprise dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Var moyennant une commission de 15 % sur les ventes.
Or en novembre 1996 elle se serait rendu compte qu'un autre agent commercial Monsieur Annière de la société Elge avait opéré sur son secteur puisqu'elle avait retrouvé des bons de commande chez un de ses clients. Elle prétend également qu'elle a appris que la société Elge avait décidé de vendre à la société Somedis la partie de son activité relative à la vente des goûters de Noël.
Considérant que la société Elge s'était rendue coupable d'une rupture détournée du mandat d'agent commercial, elle estime qu'elle a droit à une indemnité de cessation de mandat égale à deux années de commissions brutes calculées sur la base des commissions perçues et à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de commissions.
Elle soutient que ai aucun contrat écrit n'avait été signé entre les parties le paiement de commissions indirectes caractérisent le droit de l'agent commercial sur toutes les opérations de son secteur et lui confère une exclusivité certaine.
Ce serait donc à torts que les premiers juges l'ont débouté de ses demandes au seul motif qu'il n'existait pas de contrat définissant à son profit une exclusivité.
Or en laissant intervenir dans son secteur un autre de ses agents commerciaux la société Elge aurait commis un acte constituant une faute équivalente à une rupture détournée du contrat.
Par ailleurs la société Elge aurait vendu à la société Somedis, sans l'en avertir, une partie de son activité et notamment celle provenant des goûters de Noël en la privant d'une partie de son chiffre d'affaires puisqu'elle n'a pu poursuivre son démarchage des goûters de Noël au cours de l'année 1997.
Elle demande donc à la cour:
- de réformer la décision entreprise;
- de condamner la société Elge à lui payer :
* la somme de : 47 071 F au titre de l'indemnité légale de cessation de mandat.
* la somme de : 7 095 F au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* la somme de : 12 000 F au titre des frais non répétibles d'appel.
De son côté la société Elge fait valoir que la SARL Négoce Alimentaire ne justifie nullement de l'exclusivité dont elle fait état, qu'elle ne démontre pas que le contrat d'agent commercial a été rompu à son initiative et qu'elle ne rapporte pas la preuve de la cession de la branche d'activité "goûter de Noël".
Par ailleurs l'intervention de Monsieur Annière n'aurait nullement empêché la société Négoce Alimentaire de travailler après le mois de novembre 1996.
Enfin la société Elge a rappelé par lettre en date du 14 mai 1997 qu'elle n'avait jamais envisagé la rupture des relations avec Madame Priem (gérante de la SARL Négoce Alimentaire).
Pour la société Elge, Madame Priem aurait mis unilatéralement fin au contrat dès la fin mars 1997.
Elle relève que ses demandes sont d'ailleurs passées de 19 528,92 F en première instance à 47,071 F en cause d'appel, au titre de l'indemnité de rupture.
La société Elge a donc conclu:
- à la confirmation du jugement déféré,
- au débouté de l'ensemble des demandes présentées par la SARL Négoce Alimentaire,
et sur appel incident:
- à la condamnation de la SARL Négoce Alimentaire à lui payer la somme de 10 000 F pour procédure abusive et celle de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs:
Les parties ne discutant pas de la recevabilité de l'appel, la cour ne relevant aucun élément pouvant constituer une fin de non-recevoir susceptible d'être soulevé d'office, l'appel sera déclaré recevable.
Il convient de rappeler en droit que si le contrat d'agent commercial n'est soumis à aucune forme, il appartient à celui qui se prévaut de la violation de son contenu, de démontrer la nature des obligations souscrites et les violations invoquées des obligations mises à la charge de son co-contractant.
En l'espèce il résulte de l'examen de deux lettres adressées par la société Elge à Madame Priem le 2 juin 1993, et des relations ultérieures des parties, qu'un contrat d'agent commercial a été confié à cette dernière par la société Elge spécialisée dans la confiserie pour démarcher des clients dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Var auprès des collectivités et comités d'entreprises à l'exclusion de tout autre "créneau", en contrepartie d'une commission de 15 %.
De même il résulte des différentes factures produites au dossier, que des commissions ont été réglées par la société Elge soit au nom de Madame Priem, soit au nom de la société Négoce Alimentaire, dont Madame Priem était la gérante, de sorte que le mandat d'agent commercial peut être considéré comme ayant été consentie à cette société.
Toutefois si la société Négoce Alimentaire prétend avoir été commissionnée par la société Elge pour dus affaires indirectes dont elle cite à titre d'exemple 4 factures, elle ne produit nullement ces factures, ni aucune pièce faisant ressortir la preuve qu'elle a effectivement perçu ces commissions pour dus affaires réalisées par d'autres intervenants dans le secteur des départements des Bouches-du-Rhône et du Var.
Par ailleurs et à supposer que telle ait été effectivement le cas, la cour ne peut que s'étonner que la SARL Négoce Alimentaire n'ait pas réclamé ses commissions à la société Elge pour les affaires indirectes qui auraient été réalisées par Monsieur Annière dans le secteur qui lui aurait été réservé, puisqu'elle aurait déjà accepté dus pratiques analogues.
L'absence de preuve de la perception par la SARL Négoce Alimentaire de commission sur des affaires traitées dans son secteur d'intervention par d'autres intervenants liés à la société Elge, et l'absence de précision par écrit de ce qu'elle disposait d'une exclusivité, ne permet pas à la cour de considérer que la SARL Négoce Alimentaire bénéficiait d'un mandat d'agent commercial exclusif pour les départements dus Bouches-du-Rhône et du Var.
La SARL Négoce Alimentaire n'était donc pas fondée à soutenir que Monsieur Annière était intervenu dans son secteur d'activité pour réclamer la résiliation du contrat et pour obtenir, conformément à sa demande résultant du 13 mai 1997 une somme chiffrée à 19 528,92 F, portée en cause d'appel à 47 071 F + 7 095 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
D'autre part dans la lettre adressée le 15 mai 1997 par le Conseil de la SARL Négoce Alimentaire à la société Elge, il est simplement fait état de doute sur la cession par cette société d'une branche d'activité, et non de certitude, puisqu'il y est mentionnait l'interrogation suivante : "il semblerait également qu'une partie des produits dont elle était votre agent, ait été rétrocédée à une autre société, amputant gravement l'action commerciale de Madame Priem".
Or seule la réalité d'une telle cession à l'époque où la société Négoce Alimentaire travaillait encore en qualité d'agent commercial de la société Elge lui aurait permis de justifier la résiliation du contrat à son avantage, si cette cession avait été faite sans son accord un entraînant pour elle une perte de commission.
Mais en l'espèce la société Négoce Alimentaire qui n'a fourni aucune facture de commission perçue après le mois de mars 1997 et qui n'a pas justifié d'avoir exercé son mandat d'agent commercial après cette date, n'est pas fondée à soutenir, que la société Elge avait vendu la branche d'activité sur laquelle elle travaillait, avant qu'elle n'ait cessé elle même l'exercice de son mandat d'agent commercial.
Eu effet, s'il résulte du K Bis de cette société, que cette dernière a effectivement vendu une branche d'activité, la date d'effet de cette cession qui ne concernait que la vente des produits de confiserie à des particuliers par un réseau de vendeurs à domicile et non la vente aux collectivités et comité d'entreprise, est celle du 2 novembre 1998, alors que la date de cessation de son mandat par la SARL Négoce Alimentaire ne peut compte tenu dus éléments qu'elle a communiqués au dossier qu'être fixée au plus tard à la fin du mois de mars 1997.
Il convient dans ces conditions de confirmer la décision entreprise et de débouter la SARL Négoce Alimentaire de l'intégralité de ses demandes. L'appel infondé de la SARL Négoce Alimentaire n'a cependant pas entraîné par la SA Elge d'autre préjudice que celui d'avoir été contrainte de plaider.
Ainsi s'il convient de la débouter de sa demande à titre de dommages-intérêts, l'équité commande un revanche de mettre à la charge de la SARL Négoce Alimentaire le montant des frais non répétibles qu'elle a engagés et que la cour détermine un cause d'appel à 3 000 euros.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit comme régulier l'appel formé par la SARL Négoce Alimentaire contre le jugement rendu le 10 mai 2000 par le Tribunal de commerce de Marseille; Le dit infondé, l'en déboute, Confirme en conséquence le jugement déféré par les motifs susvisés; Y ajoutant, Déboute la SA Elge de sa demande à titre de dommages-intérêts; Condamne la SARL Négoce Alimentaire à payer à la SA Elge la somme de trois mille euros (3 000 euros) au titre de ses frais non répétibles d'appel; Condamne la SARL Négoce Alimentaire aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Bottai-Gereux.