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Décisions

Cass. crim., 7 décembre 1995, n° 95-80.231

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Pallud

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. de Larosière de Champfeu

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan.

Fort-de-France, ch. corr., du 17 nov. 19…

17 novembre 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : H Jacques, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 17 novembre 1994, qui, pour tromperie, l'a condamné à 30 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 510, 512, 591, 592 du Code de procédure pénale, L. 212-1, R. 213-6, R. 213-7 et R. 213-8 du Code de l'organisation judiciaire, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt mentionne que la cour était ainsi composée : "Président : M. Jean-Marie Imbert, conseiller "Conseillers : Mme Renée Civalero M. Pierre Avignon" ;

"alors que l'arrêt ne fait pas la preuve de la régularité de la composition de la juridiction dont il émane, dès lors qu'il ne précise pas à quel titre la cour a été présidée par M. Jean-Marie Imbert, conseiller" ;

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était composée de trois conseillers et présidée par l'un d'eux, M. Imbert ; Que cette mention suffit à établir la régularité de la composition de la juridiction au regard des textes législatifs visés au moyen, et seuls applicables devant les juridictions pénales ; D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 460, 513 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble manque de base légale et violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué précise que les débats se sont déroulés comme suit : "Ont été entendus : "- M. le conseiller Imbert en son rapport ; "- Jacques et Philippe H en leurs interrogatoires et moyens de défense ; "- Mme Branchi représentant de la Direction Départementale de la Concurrence et de la Consommation (...) ; "- Me Marlène Cupit avocat de Nelly Pallud épouse Ventadour ; "- Me René Helenon avocat de Jacques et Philippe H en sa plaidoirie ; "- Le Ministère public en ses réquisitions ; "- à nouveau, Jacques et Philippe H et leur conseil qui ont eu la parole les derniers" ;

"alors que, aux termes du troisième alinéa de l'article 513 du Code de procédure pénale, en sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, entrée en vigueur en application de l'article 49-1 de la loi du 14 août 1993, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460 ; qu'il en résulte que la défense du prévenu doit être présentée après la demande de la partie civile et les réquisitions du Ministère public ; qu'en l'espèce les mentions de l'arrêt établissent que l'avocat du prévenu a présenté sa défense avant les réquisitions du Ministère public ; que, le fait que la parole ait été donnée en dernier au prévenu et à son conseil ne suffisant pas à réparer l'atteinte portée aux intérêts du prévenu résultant de l'obligation qui lui a été imposée en l'espèce de présenter sa défense le premier, les textes et principes susvisés ont été méconnus" ;

Attendu que, si l'arrêt mentionne que Jacques H a présenté sa défense avant le Ministère public, dans l'ordre prévu par les dispositions de l'article 513 du Code de procédure pénale, en leur rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1993, il précise que les prévenus ont eu la parole en dernier ; Qu'en cet état, et dès lors que l'article 513 précité a été rétabli en sa rédaction initiale par la loi du 8 février 1995, l'irrégularité invoquée n'a pas porté atteinte aux droits du demandeur ; Que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, L. 216-3 du même Code, de l'article 5 du décret n° 78-993 du 4 octobre 1978, pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services en ce qui concerne les véhicules automobiles, des articles 112-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, de l'article 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques H coupable de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule automobile et l'a condamné à une amende de 30 000 francs ;

"aux motifs que : "(...) le revendeur d'automobiles a l'obligation de vérifier minutieusement ses véhicules ; que la mention "non garanti" s'appliquant au kilométrage n'est autorisée que lorsque le revendeur n'est pas en mesure de le justifier ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que s'agissant d'un véhicule Peugeot il lui était aisé de vérifier que le véhicule avait été antérieurement entretenu par son propre garage ; que, du seul fait qu'il s'est abstenu de faire procéder à ce contrôle, sa mauvaise foi se trouve établie" ;

"alors, d'une part, que le simple fait que le garage X vendait le véhicule dont s'agit avec un kilométrage "non garanti" était exclusif de toute tromperie sur ce kilométrage ;

"alors, d'autre part, qu'il n'apparaît pas que l'acheteur, qui a fait l'acquisition du véhicule Peugeot sous la réserve qui vient d'être dite, ait considéré ledit kilométrage comme une qualité substantielle de ce véhicule ; qu'à défaut la tromperie, à la supposer exister, n'était pas pénalement punissable ;

"alors, par ailleurs, que l'article 121-3 alinéa 1er du nouveau Code pénal, immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, pose en principe qu'il n'y a point délit sans intention de le commettre ; qu'ainsi, le délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une chose vendue supposant que soit établie l'intention du vendeur de tromper son co-contractant, la cour d'appel devait-elle donc, en l'espèce, caractériser précisément l'élément intentionnel du délit de tromperie reproché à Jacques H, qui ne pouvait à tout le moins résulter que d'une violation en toute connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire et non point seulement, comme cela a été retenu en l'espèce, d'une prétendue abstention de faire procéder à un contrôle dans les archives du garage, qu'aucun texte ne prescrivait, circonstance manifestement insusceptible de constituer, à elle seule, l'intention de tromper son co-contractant sur les qualités substantielles de l'automobile revendue ;

"alors, de surcroît, que le délit de tromperie étant un délit intentionnel, l'existence d'une imprudence ou d'une négligence au sens de l'article 339 de la loi d'adaptation du nouveau Code pénal ne saurait, en toute hypothèse, suffire à caractériser le délit, à défaut de l'intention coupable exigée par l'article 121-3 alinéa 1er du Code pénal ;

"alors, enfin, que la cour d'appel a retenu, pour caractériser matériellement la tromperie qu'aurait commise le prévenu, que la mention "non garanti" s'appliquant au kilométrage n'est autorisée que lorsque le vendeur n'est pas en mesure de le justifier et en a déduit que tel n'était pas le cas en l'espèce puisque le véhicule revendu en 1989 avait été entretenu par le propre garage du demandeur de septembre 1985 à septembre 1986 ; qu'il est par ailleurs constant qu'entre septembre 1986 et septembre 1988, date à laquelle un nouveau propriétaire du véhicule l'a revendu à la société X, le garage n'a plus entretenu l'automobile ; qu'en l'état de cette motivation et des éléments du débat, la cour d'appel, qui ne s'explique pas sur le point de savoir comment la société X, qui pendant deux années avait perdu trace dudit véhicule, aurait pu justifier du kilométrage exact parcouru par cette voiture depuis sa mise en circulation et garantir ainsi un kilométrage précis à l'acheteur, n'a pu donner une base légale à sa décision" ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement entrepris que la SA X, dont le président du conseil d'administration est Jacques H, a assuré l'entretien d'un véhicule, qui comptabilisait, au vu d'un compte rendu d'intervention réalisé par ce garage, 93 320 kilomètres en septembre 1986 ; que les établissements X ont par la suite acheté ce véhicule en septembre 1988, avant de le revendre le 28 novembre 1989, en indiquant sur le bon de commande remis à l'acheteur un kilométrage de 36 861 kilomètres avec la mention "non garantis" ;

Attendu que, pour condamner le prévenu du chef de tromperie, l'arrêt attaqué énonce qu'il devait contrôler minutieusement le véhicule qu'il voulait vendre, qu'il lui était aisé de vérifier que celui-ci avait été entretenu par son propre garage, et que sa mauvaise foi résulte de ce qu'il s'est abstenu de procéder à ce contrôle ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les juges du fond peuvent souverainement déduire la mauvaise foi du prévenu du fait que celui-ci s'est soustrait à l'obligation, qui lui incombait personnellement, de procéder aux contrôles nécessaires pour vérifier les qualités substantielles d'une marchandise offerte à la vente, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen, nouveau en sa cinquième branche, et pour le surplus mal fondé, ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 464 du Code de procédure pénale, de l'article 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme Nelly Pallud et condamné Jacques H à lui payer la somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que "(...) Nelly Pallud était l'utilisatrice habituelle de ce véhicule qu'elle avait assuré à son nom, et qu'elle a participé au remboursement du crédit contracté pour l'achat de ce véhicule ; que sa constitution de partie civile sera, par voie de réformation, déclarée recevable (...)" ;

"alors que la victime directe d'une éventuelle tromperie sur la qualité substantielle d'un bien vendu ne peut être que le co-contractant du vendeur, dont le consentement aurait été vicié ; que, en sa qualité d'utilisatrice habituelle du véhicule qu'elle avait contribué à financer, Mme Nelly Pallud, qui n'a pas été personnellement victime de l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles de ce véhicule, visée par la poursuite, ne saurait, aux termes des dispositions conjuguées des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, demander aux juridictions répressives la réparation d'un préjudice qui n'a pas été directement causé par l'infraction ; en sorte que son action civile n'était pas recevable" ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucunes conclusions que le prévenu ait contesté, devant les juges du second degré, la qualité pour intervenir comme partie civile de Nelly Pallud, ni le caractère direct de son préjudice ; Que le moyen est donc nouveau, et, comme tel, irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.