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Décisions

Cass. com., 3 mars 2004, n° 02-10.833

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Auchan France (Sté), Dock de France Ruche Picarde (Sté), Parodoc (Sté)

Défendeur :

Levi Strauss and Copany (Sté), Levi Strauss Continental (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot.

TGI Le Havre, du 17 oct. 1996

17 octobre 1996

LA COUR: - Donne acte à la société Auchan France de son désistement de pourvoi à l'égard de M. X, ès qualités; - Attendu, selon les arrêts partiellement confirmatifs attaqués (Rouen, 16 décembre 1998 et 24 octobre 2001), que la société Docks de France Ruche Picarde s'est fournie en jeans revêtus de la marque Levi's auprès de la société Paridoc, qui les avait elle-même acquis en deux lots, de la société DMT et de la société SMT, celle-ci étant ultérieurement mise en liquidation judiciaire; que la société Levi Strauss and Company (la société Levis Strauss) a poursuivi l'ensemble de ces intervenants en contrefaçon de marques Levi's dont elle est propriétaire, au vu notamment d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 19 mai 1993 en vertu d'une ordonnance d'autorisation rendue le 18 mai 1993; que la société Levi Strauss Continental s'est jointe à l'assignation, afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale; que, par arrêt 16 décembre 1998, la cour d'appel a confirmé la validité de la saisie pratiquée le 19 mai 1993, puis, par arrêt du 24 octobre 2001, dit que les sociétés Docks de France Ruche Picarde et Paridoc aux droits desquelles était entre-temps venue la société Auchan France, avaient commis des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale, a prononcé des dommages-intérêts de ces chefs, et a confirmé le jugement faisant interdiction d'user des marques de la société Levi Strauss sous astreinte, en précisant que cette mesure visait les marques énumérées au dispositif de ce jugement;

Sur le premier moyen: - Attendu que la société Auchan France fait grief à l'arrêt du 16 décembre 1998 d'avoir déclaré valable la description avec prélèvement d'échantillons et appréhension de copie de document, pratiquée le 19 mai 1993, de l'avoir en conséquence déclarée coupable de contrefaçon et de l'avoir condamnée à diverses réparations et interdictions, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 9 du Code civil, de l'article 432-8 du Code pénal et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit au respect de son domicile et que viole par refus d'application ces textes, l'arrêt qui refuse d'annuler la saisie-contrefaçon opérée avec l'assistance d'une personne non visée par l'autorisation du juge, au motif inopérant que le texte instituant l'autorisation n'est pas expressément sanctionné par une nullité;

Mais attendu, qu'abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, visé au moyen, l'arrêt relève que l'ordonnance du 18 mai 1993 autorisait l'huissier à se faire accompagner d'un mandataire de la société requérante; d'où il suit qu'est inopérant le moyen pris de la circonstance, indifférente en la cause, que la personne désignée à ce titre soit par ailleurs salariée de cette société; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches: - Attendu que la société Auchan France fait grief à l'arrêt du 24 octobre 2001 d'avoir déclaré que les sociétés aux droits desquelles elle se trouve ont commis des actes de contrefaçon des marques dont est titulaire la société Levi Strauss, qu'elles se sont, au travers de ces mêmes faits, rendues coupables de concurrence déloyale, et de l'avoir en conséquence condamnée à diverses réparations et interdictions, alors, selon le moyen: 1°) qu'il résulte de l'ordonnance du 22 février 2000, visée par l'arrêt attaqué, que les sociétés Levi Strauss n'étant plus en possession du jean qui leur avait été personnellement remis au terme de la saisie litigieuse, elles avaient seulement été autorisées à demander, si elles l'estiment utile, la production du jean entreposé au greffe du tribunal de commerce; qu'aucun acte de la procédure ne faisant apparaître que le jean déposé au tribunal de commerce ait été régulièrement versé aux débats et aucune production de jeans ne se trouvant annexée au bordereau de pièces des sociétés Levis, viole les articles 4 et 783 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt qui statue sur le jean prétendument contrefaisant, dont l'origine reste inconnue et qui constitue, en conséquence, une pièce étrangère aux débats; 2°) que viole l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt qui déclare recevable ladite pièce sans s'expliquer sur les conditions dans lesquelles elle aurait pu être communiquée à l'adversaire entre l'ordonnance de clôture et l'audience;

Mais attendu que le jugement confirmé se fondant, par motif non critiqué, sur la comparaison entre un jean authentique et un autre, provenant de la saisie du 19 mai 1993, d'où il suit que celui-ci avait été communiqué en première instance, la société Auchan France, qui n'en a pas réclamé une nouvelle communication en cause d'appel, n'est pas fondée à soutenir que cette pièce n'était pas régulièrement acquise aux débats;que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches: - Attendu que la société Auchan France fait encore le même grief à cet arrêt, alors, selon le moyen: 1°) que le juge qui pour caractériser une contrefaçon réalisée au moyen de produits saisis se borne à comparer lesdits produits, non avec les revendications de la marque, mais avec un autre produit commercialisé par Levis's lui-même, viole les articles L. 713-1, L. 713-2 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle; 2°) que prive sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés, l'arrêt qui déclare dépourvu d'authenticité le produit argué de contrefaçon et qui refuse de s'expliquer sur le moyen tiré de ce que la comparaison susvisée ne pouvait qu'être dépourvue de signification, dès lors que, comme le faisait observer la société Auchan France, d'autres produits fabriqués et vendus par les détenteurs de la marque comportaient aussi les caractéristiques des produits saisis;

Mais attendu, d'une part, que la société Auchan France n'ayant pas soutenu que les vêtements saisis ne reproduisaient pas les marques appartenant à la société Levi Strauss, mais seulement qu'ils étaient authentiques et licitement marqués, c'est à bon droit que, la cour d'appel s'est fondée, pour écarter cette défense, sur la comparaison entre les caractéristiques de ces vêtements et celles des produits authentiques;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel qui, n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties quant à la similitude entre les éléments comparés, a légalement justifié sa décision en se fondant, pour écarter l'authenticité des produits saisis, sur leurs dissemblances avec les vêtements authentiques; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches;

Et sur le quatrième moyen, pris en ses cinq branches: - Attendu que la société Auchan France fait enfin grief à cet arrêt d'avoir confirmé le jugement lui ayant interdit sous astreinte de faire usage des marques de la société Levi Strauss visées au dispositif de ce jugement, alors, selon le moyen: 1°) que, loin de demander que l'interdiction porte sur les marques énumérées par la société Levi Strauss, les conclusions de la société Auchan France demandaient formellement à la cour d'appel de limiter l'interdiction de faire usage des marques aux produits qualifiés de contrefaisants, et d'infirmer le jugement aux termes duquel les sociétés Paridoc et DFRP se verraient dans l'impossibilité de distribuer quelque produit original que ce soit, même acheté directement aux sociétés Levi's frappé des marques de la société Levi Strauss, et ce pour une durée indéterminée, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a totalement dénaturé ses conclusions, en violation de l'article 1134 du Code civil; 2°) que l'instance introduite par les sociétés Levi Strauss était seulement fondée sur une saisie de jeans de type 501 au magasin Mammouth de Montivilliers réalisée le 19 mai 1993; de sorte qu'en prenant une interdiction générale de commercialisation de tout produit portant les marques Levis visées au dispositif du jugement, sans limite de durée et en dépassant ainsi la protection due aux seuls objets contrefaits, la cour d'appel a violé les articles L. 713-1, L. 713-2 et L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle; 3°) qu'il n'appartient pas aux juges, sous couvert d'ordonner une réparation au titre de l'article 1382 du Code civil, de prononcer une interdiction générale et indéfinie de faire usage des marques de la société Levi Strauss énumérées au dispositif du jugement, sans distinction pour le caractère licite ou illicite dudit usage, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, et violé ensemble l'article 1382 du Code civil, l'article L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle, le principe de la liberté du commerce et de l'industrie posé par l'article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791, et constitutionnellement garanti, et, en tant que de besoin, l'article L. 716-11-1 du Code de la propriété intellectuelle; 4°) que l'interdiction sans limite d'espace ni de temps de commercialiser des produits de toutes les marques Levis's visées par le jugement ne participe pas à la réparation, elle a un caractère exclusivement punitif et répressif, non prévu par les textes sanctionnant le délit de contrefaçon de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales; 5°) que constitue une atteinte au droit du fonds de commerce de la société Auchan France, en violation de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne relative au droit au respect des biens, l'injonction permanente de s'abstenir d'effectuer tout acte de commerce concernant des produits correspondant aux dix marques visées par le jugement;

Mais attendu que le pourvoi se fonde sur une interprétation de la délimitation d'interdiction prononcée par l'arrêt, qui peut, en application de l'article 461 du nouveau Code de procédure civile, donner lieu à requête en interprétation, et ne peut ouvrir la voie de la cassation;que le moyen est irrecevable;

Par ces motifs: Rejette le pourvoi.