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Décisions

Cass. crim., 29 mai 1996, n° 95-83.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Le Bret, Laugier.

Orléans, ch. corr., du 10 avr. 1995

10 avril 1995

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par C Albert, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 1995, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de service et obtention indue d'un document administratif, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à deux amendes de 15 000 et 3 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils. - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des droits de la défense, des articles 1er, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905, 427, 551 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Albert C coupable des faits de tromperie sur la nature, l'origine et la qualité d'une marchandise prétendument commis les 9 novembre 1990, 15 décembre 1989, 11 septembre 1990 et 14 février 1991, et l'a condamné à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis simple et à 15 000 francs d'amende;

"aux motifs qu'Albert C, s'étant livré au contrôle de plusieurs véhicules, a occulté tout caractère de dangerosité aux anomalies constatées, et a délivré des informations erronées sur l'état technique apparent des véhicules;

"alors, d'une part, que tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention, dont il est l'objet et doit par suite être en mesure de se défendre sur les divers chefs d'infraction qui lui sont imputés; que, dès lors, la cour d'appel, en condamnant Albert C du chef de tromperie sur les qualités substantielles de plusieurs véhicules, dont il avait seulement assumé le contrôle technique sans que soit visée dans les faits poursuivis la qualité même de la prestation de service qu'il avait exécutée, n'a pas mis en mesure le prévenu de s'expliquer sur cet élément non explicité de la prévention, formant toutefois le fondement essentiel de la décision de culpabilité, et a porté, par suite, atteinte aux droits de la défense;

"alors, d'autre part, que les prestations de service afférentes aux visites techniques de certains véhicules automobiles de plus de 5 ans d'âge n'ont fait l'objet d'aucuns règlements d'administration publique fixant les mesures effectives devant régir lesdites prestations au regard de la loi du 1er août 1905; que l'arrêté du 4 juillet 1985, la circulaire du 8 juillet 1985, de même que l'arrêté du 20 juillet 1990, seuls applicables à l'époque des faits litigieux, ne précisant que les conditions techniques d'agrément des centres de contrôle automobile, l'arrêt attaqué qui se fonde directement sur les dispositions de la loi précitée, afin de déclarer Albert C coupable de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule, n'a pas donné de base légale à sa décision ";

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de la loi du 1er août 1905, devenu article L. 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Albert C coupable des faits de tromperie sur la nature, l'origine et la qualité d'une marchandise commis le 9 novembre 1990 et l'a condamné à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis simple et à 15 000 francs d'amende;

"aux motifs que, le 9 novembre 1990, M. Bories a acheté un véhicule de marque Renault, immatriculé 2154 RV 45, et dont le compteur avait enregistré 123 463 kms; qu'avant cette acquisition, la voiture avait été soumise ce jour là à un contrôle technique effectué par le centre Auto Expertise; que la case 101 relative à l'état du châssis est cochée et qu'il est notamment mentionné à la rubrique "observations": "corrosion perforante, passage de roues avant, tablier soubassement longerons avant"; que la mention "sans conséquences pour la sécurité" figure à la suite de ces indications techniques; qu'après avoir parcouru 2 099 kms, M. Bories, voulant revendre son véhicule, a fait examiner celui-ci le 5 juin 1991 par un autre centre de contrôle technique; que la mention "véhicule dangereux" est portée en observation sur la fiche de contrôle; que l'intéressé a été dans l'impossibilité de vendre son véhicule compte tenu de son état de dangerosité; qu'il convient de retenir Albert C dans les liens de la prévention, car, dans le certificat établi le 9 novembre 1990, figure une mention inexacte quant à l'état technique du véhicule qui a été contrôlé sans démontage;

"alors, d'une part, qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la société Auto Expertise a effectué le contrôle technique du véhicule litigieux le 9 novembre 1990 et que celui-ci a été soumis le 5 juin 1991, soit 7 mois plus tard, à un nouveau contrôle technique effectué par un autre centre de contrôle technique qui a noté "véhicule dangereux"; que dès lors, en s'abstenant de rechercher si, comme l'avait relevé le jugement entrepris, les conditions d'entretien et d'utilisation de ce véhicule pendant le délai de sept mois écoulé n'étaient pas susceptibles d'avoir modifié son état, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés;

"alors, d'autre part, que l'élément intentionnel de la tromperie doit être caractérisé par la volonté de fraude de son auteur; qu'en se bornant en l'espèce, pour relever l'intention coupable de Albert C, à énoncer que dans le certificat établi le 9 novembre 1990 figurait une mention inexacte quant à l'état technique du véhicule qui a été contrôlé sans démontage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ";

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 16 de la loi du 1er août 1905 devenu l'article L. 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Albert C coupable des faits de tromperie sur la nature, l'origine et la qualité d'une marchandise commis les 15 décembre 1990 et 14 février 1991 et l'a condamné à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis simple et à 15 000 francs;

"aux motifs qu'entendu le 21 février 1991 par les agents de la DDCCRF, Albert C a reconnu avoir porté la mention "sans conséquence pour la sécurité" sur de nombreux contrôles techniques, alors que la case 101 de la fiche NF 50-201 était cochée; qu'il a précisé que cette mention est indiquée de manière à ce que le véhicule éventuellement soit assuré, car certaines compagnies d'assurances refusent d'assurer les véhicules dont la case 101 est cochée sur la fiche de contrôle sans autres commentaires concernant l'anomalie constatée; que, lors de son audition, Albert C reconnaît avoir également coché des endroits non prévus, et ce, dans le but d'attirer l'attention de l'acheteur sur un état de corrosion non dangereux; que les certificats de contrôle remis aux vendeurs des véhicules acquis par M. Sourdais, Mme Foudrière et M. Lefevre sont manifestement incomplets ou inexacts;

"alors que l'élément intentionnel de la tromperie doit être caractérisé par la volonté de fraude de son auteur; qu'en se bornant en l'espèce, pour relever l'intention coupable d'Albert C, à énoncer que les certificats de contrôle remis aux vendeurs des véhicules acquis par M. Sourdais, Mme Foudrière et M. Lefevre étaient manifestement incomplets ou inexacts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ";

Les moyens étant réunis; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Albert C, dirigeant d'un centre de contrôle technique agréé, a été cité devant la juridiction correctionnelle, notamment, pour avoir trompé divers contractants sur les qualités substantielles de leur véhicule;

Attendu que, pour déclarer les faits poursuivis constitutifs non du délit reproché mais de tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de service, les juges d'appel relèvent qu'Albert C a, à l'issue de contrôles réalisés en méconnaissance des règles de l'art, délivré des certificats de contrôle technique manifestement incomplets ou erronés sur l'état de sécurité des véhicules soumis à vérification;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, et d'où il résulte que le prévenu, spécialisé dans le contrôle technique des véhicules, s'est soustrait à l'obligation qui lui incombait personnellement de procéder aux vérifications nécessaires, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués; Que les moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés;

Mais sur le moyen de cassation relevé d'office et pris de la violation de l'article 132-3 du Code pénal: - Vu ledit article; - Attendu qu'aux termes de ce texte, lorsque, à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée; que, toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcée qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable de tromperie et d'obtention indue d'un document administratif, la cour d'appel le condamne notamment à 2 amendes distinctes de 15 000 francs et 3 000 francs;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'une seule peine d'amende devait être prononcée pour les 2 délits, la cour d'appel a méconnu les textes et principe sus-rappelés; Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef;

Et attendu que la déclaration de culpabilité n'encourant pas elle-même la censure, la cassation sera limitée aux seules peines prononcées;

Par ces motifs: casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, en date du 10 avril 1995, mais seulement en ce qu'il a prononcé sur les peines, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bourges.