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Décisions

Cass. crim., 2 octobre 1996, n° 95-85.127

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Rapporteur :

M. Aldebert

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

Me Garaud, SCP Boré, Xavier.

Poitiers, ch. corr., du 22 sept. 1995

22 septembre 1995

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par A Georges, F Casimir, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, du 22 septembre 1995, qui, pour tromperies sur les qualités substantielles des marchandises vendues, a condamné Georges A à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - I - Sur le pourvoi formé par Casimir F: - Attendu qu'aucun moyen n'est produit;

II - Sur le pourvoi de Georges A: - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation proposé par Georges A, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Georges A coupable d'avoir trompé treize acquéreurs de véhicules d'occasion sur les qualités substantielles de ceux-ci, en l'espèce en minorant le compteur kilométrique, et en répression l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis;

"aux motifs que les constatations non contestées des agents de l'administration des Impôts établissent que, dans 6 cas en 1991 et 15 cas en 1992, Georges A a revendu des véhicules d'occasion en mentionnant sur la facture de vente un kilométrage très inférieur - la minoration pouvant aller jusqu'à 175 180 kms - à celui qui était mentionné sur sa propre facture d'achat; que cette minoration était consciente puisque, lorsqu'il a lui-même acheté les véhicules en cause en vue de leur revente, il a nécessairement eu connaissance du kilométrage mentionné sur la facture établie par le vendeur; qu'au demeurant, Georges A a clairement reconnu avoir agi en connaissance de cause puisque, lors de son audition par les services de police, il a précisé que, tantôt il changeait le compteur du véhicule et faisait figurer sur la facture le chiffre inscrit sur le nouveau compteur, tantôt il manipulait directement le compteur d'origine du véhicule afin de diminuer le kilométrage enregistré et affiché; que cette minoration délibérée, de nature à tromper l'acheteur sur un élément essentiel s'agissant de voitures d'occasion, constitue bien le délit de tromperie prévu et réprimé par l'article 1er de la loi du 1er août 1905, devenu l'article L. 213-1 du Code de la consommation; qu'il n'importe que Georges A n'ait pas expressément garanti le kilométrage qu'il annonçait - ce kilométrage est cependant présenté comme "réel" sur plusieurs factures - dès lors qu'il s'agit d'un élément d'information décisif pour l'acheteur fondé à attendre de son vendeur une attitude loyale; que la clause de non-garantie peut exonérer le vendeur de sa responsabilité dans le cas où l'inexactitude du chiffre affiché au compteur et annoncé à l'acheteur n'était pas connue de lui et ne pouvait pas l'être au moment de la vente; mais que le vendeur ne peut être admis à invoquer une telle clause - au demeurant systématique puisque la mention "non garanti" est pré-imprimée sur les factures - pour démontrer l'absence d'intention de tromper alors que l'inexactitude qui lui est reprochée provient de son propre fait, ce qui est ici le cas; qu'il va de soi que les minorations indues pratiquées par Georges A n'avaient de sens et d'intérêt pour celui- ci que dans la mesure où elles étaient de nature à présenter le véhicule offert à la vente sous un jour plus attractif et à favoriser la transaction, le compteur kilométrique d'une voiture étant censé refléter le kilométrage réellement parcouru par celle-ci; qu'il convient de relever au surplus que Georges A est un professionnel et que le nombre et l'ampleur des minorations constatées à la suite d'un examen par sondage des factures d'achat et de vente des années 1991 et 1992 font apparaître que cette pratique n'était pas accidentelle ou occasionnelle mais fréquente et délibérée; qu'aucun des acheteurs en cause n'a été informé par Georges A de ce que le compteur du véhicule, objet de la vente, aurait été changé par ses soins et ne pouvait donc fournir une indication utile sur le kilométrage réel du véhicule; qu'il convient, en conséquence, - la peine prononcée par le tribunal étant juste et adaptée - de confirmer le jugement quant à l'action publique;

"alors que si le garagiste qui minore le compteur kilométrique de la voiture qu'il vend d'occasion "en l'état" où il l'a acquise, ne peut valablement soutenir avoir agi sans intention de tromper son client sur une qualité substantielle de la chose vendue, en revanche, est fondé à soutenir qu'il n'a pas eu cette intention, le garagiste qui ne revend une voiture d'occasion qu'après avoir procédé à sa remise en état et la cède avec une garantie "pièces et main-d'œuvre" de trois ou six mois, le kilométrage minoré porté "sans garantie" sur la facture délivrée au client ne constituant plus alors qu'un des composants, à lui seul non déterminant, de la qualité substantielle de la voiture d'occasion cédée; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait légalement déduire l'intention du prévenu de tromper ses acheteurs de voitures d'occasion, du passage de la déposition où il avait reconnu avoir baissé le kilométrage des compteurs et tenir cette reconnaissance pour un aveu de culpabilité sans diviser ce dernier, le prévenu ayant exactement déclaré qu'avant de les revendre, il remettait en état les voitures d'occasion et les cédait avec une garantie "pièces et main-d'œuvre de 3 à 6 mois" mais "sans garantie de kilométrage", ses clients n'ayant plus alors aucune raison de lui demander le kilométrage exact";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, en partie reproduites au moyen, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités qu'elle a estimé propres à réparer les préjudices découlant de ces infractions; d'où il suit que le moyen, qui remet en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette les pourvois.