Cass. crim., 14 février 1996, n° 95-82.208
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Lampe
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Grapinet
Avocat général :
M. Libouban
Avocat :
Me Bouthors.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par C Michel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 24 janvier 1995 qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1 et 7 de la loi du 1er août 1905, L. 213-1 et L. 216-3 du Code de la consommation, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel C, du chef de tromperie sur les qualités substantielles d'un véhicule d'occasion vendu à la partie civile, à une amende pénale de 5 000 francs et à 70 000 francs de dommages-intérêts outre 4 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
"aux motifs que le 7 août 1989 Raymond Lampe a acquis auprès du garage CED un véhicule Range Rover, modèle 1982 au prix de 115 000 francs; que ce véhicule était équipé d'un moteur diesel Peugeot qui avait fait l'objet d'un "échange-standard" en avril 1988 et bénéficiait d'une garantie de 6 mois à compter du 2 août 1989; que ce moteur a connu des ennuis mécaniques en novembre 1989 et a dû être changé le 13 février 1990, avarie que le garage n'a pas voulu prendre en charge au titre de la garantie; (...) que si, pour des raisons fiscales, le véhicule était toujours au nom de l'ancien propriétaire lors de la vente, il ne peut être contesté que le garage a participé à ce contrat, le véhicule lui ayant été remis à titre de dépôt-vente; que de fait, c'est la société CED qui a présenté le véhicule et a établi une facture sur un papier à en-tête à son nom; qu'il importe peu que l'opération, prise isolement, n'ait pas été lucrative; que l'expert judiciaire a constaté notamment que les chambres de précombustion des 2e et 3e cylindres étaient desserties (...) et que, de ce fait, le moteur était hors d'usage et aussi que les longerons du châssis étaient déformés, ce qui était consécutif à un accident de la circulation dont la date ne pouvait être précisée et qui rendait le véhicule impropre à la circulation; (...) que la victime verse 3 dépositions aux termes desquelles avant la dépose du moteur, le véhicule n'avait jamais été immobilisé hormis pendant l'intervention de CED en décembre 1989 et son assureur atteste que le seul sinistre déclaré n'a pas occasionné de dégâts au véhicule; qu'il est certain que les désordres dont se plaint la victime ont été antérieurs à l'acquisition du véhicule, et il est d'ailleurs intéressant de noter que le véhicule avait été entièrement repeint et "blaxonné" en 1986; qu'il résulte du dossier et, notamment, de la première comparution de C et de l'audition de Gérard Duvivier que le véhicule a été présenté en excellent état et avec un moteur d'un an, ce qui, pour un moteur diesel d'un véhicule de cette catégorie, n'est pas considérable; que C ne peut contester que les contrôles effectués, postérieurs à la vente, ne pouvaient permettre de déceler les avaries du véhicule; que, de son côté, l'acheteur, en s'adressant à un professionnel et en payant un prix en rapport avec le bon état annoncé puisque supérieur à celui pratiqué pour un véhicule de même type et de même âge, ne pouvait qu'être convaincu du bon état du véhicule; que le fait, pour un professionnel de l'automobile, d'assurer le parfait état d'un véhicule, sans s'en être assuré, par les moyens d'examen et de vérifications appropriés, constitue l'intention frauduleuse du délit de tromperie; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur l'action pénale et d'allouer à la victime 70 000 francs de dommages-intérêts et 4 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
"alors qu'il ne saurait y avoir de tromperie sur les qualités substantielles au sens de l'article 1er de la loi du 4 août 1905 (art. L. 213-1 du Code de la consommation) dans le cadre d'un contrat à titre gratuit; qu'en énonçant en l'espèce qu'il importait peu que l'opération litigieuse, prise individuellement, n'ait pas été lucrative, la cour d'appel a méconnu le champ d'application de la loi précitée";
Attendu que, pour déclarer Michel C, président de la Compagnie européenne de distribution (CED), coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule vendu à Raymond Lampe, la cour d'appel se prononce par les motifs repris au moyen; qu'en cet état, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, devenu l'article L. 213-1 du Code de la consommation; Qu'il n'importe que le contrat de dépôt-vente ayant motivé l'intervention du prévenu et sa participation à la revente, à Raymond Lampe, de la voiture automobile ayant appartenu à son client, Philippe Wacogne, et par lui faussement présentée à l'acquéreur comme étant "en excellent état", "pris isolément, n'ait pas été lucratif", dès lors qu'il résulte, des constatations des juges, que ce contrat s'insérait dans une perspective commerciale plus vaste, incluant, en contrepartie du service ainsi rendu à Philippe Wacogne, la vente, à ce dernier, d'un véhicule neuf; Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.