CA Lyon, 3e ch. civ., 29 avril 2004, n° 02-05074
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Fonlupt (SA)
Défendeur :
Linde Gas (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martin
Conseillers :
MM. Kerraudren, Saantelli
Avoués :
Me Barriquand, SCP Brondel-Tudela
Avocats :
Mes Teston, Vacarie.
Faits, procédure et prétentions des parties
La société Comptoir Lyonnais des Gaz Comprimés aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SA Linde Gas a conclu, le 14 mai 1986, avec la SA Fonlupt Service un "contrat de distributeur technicien gaz" portant sur la distribution de gaz comprimés, liquéfiés ou dissous. La SA Linde Gas a mis fin à la relation commerciale suivant lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 février 2001 moyennant un préavis de six mois.
Par jugement rendu le 9 septembre 2002, le Tribunal de commerce de Lyon a débouté la SA Fonlupt Service de ses demandes indemnitaires fondées sur la reconnaissance du statut d'agent commercial et l'a condamnée à payer à la SA Linde Gas la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La SA Fonlupt Service a régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998;
Vu les prétentions et les moyens développés par la SA Fonlupt Service dans ses conclusions en date du 14 janvier 2003 tendant à faire juger:
- qu'elle est soumis au statut légal des agents commerciaux, la prospection commerciale ne constituant pas l'essence d'un contrat d'agent commercial et la qualité de dépositaire n'excluant pas l'application du statut,
- que la SA Linde Gas a pris l'initiative de la rupture pour des motifs injustifiés de carence commerciale dans le service rendu à la clientèle,
- que le préjudice découlant de cette rupture abusive, calculé sur le fondement des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce s'établit à 117 934,30 euros,
- subsidiairement que la même indemnité doit être allouée au regard du caractère de mandat d'intérêt commun attaché à la convention ou sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce pour rupture sans respecter le délai contractuel de prévenance ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la SA Linde GAS dans ses conclusions en date du 30 mai 2003 tendant à faire juger :
- que la SA Fonlupt Service ne peut prétendre au bénéfice du statut des agents commerciaux,
- que la rupture de la convention est intervenue pour de justes motifs et dans des conditions régulières, la SA Fonlupt Service étant désireuse de cesser la relation commerciale,
- qu'enfin la demande subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce est mal fondée, "s'agissant de dispositions postérieures à la date de la rupture";
Motifs et décision
Attendu que la SA Fonlupt Service n'exerçait pas son activité dans les conditions requises par l'article L. 134-1 du Code de commerce pour bénéficier du statut d'agent commercial ;que les stipulations de la convention liant les parties et les conditions dans lesquelles elle a été exécutée révèlent que la SA Fonlupt Service recevait en dépôt diverses marchandises qu'elle avait la charge de vendre "d'ordre et pour le compte" de la SA Linde Gas à la clientèle de cette dernière ; que la SA Fonlupt Service agissait comme un simple intermédiaire-dépositaire soumis à des procédures contraignantes faisant notamment apparaître qu'elle vendait pour le compte de sa mandante ;que la SA Fonlupt Service n'avait pas pour mission de démarcher la clientèle et ne bénéficiait d'aucune exclusivité sur un territoire géographique déterminé ou sur une zone de chalandise ou pour une catégorie particulière de clients pour la vente d'emballages de gaz facturés le plus souvent directement par la SA Linde Gas et dans tous les cas selon le tarif de celle-ci ;que la SA Fonlupt Service effectuait une tâche de simple dépositaire ou consignataire rémunérée selon le volume d'activité ;que les premiers juges ont justement refusé l'application du statut des agents commerciaux ;
Attendu que le "contrat de distributeur technicien gaz" à durée indéterminée qui organisait une relation commerciale spécifique de distribution d'emballages de gaz, mise en dépôt de marchandises avec mandat de les vendre à des conditions tarifaires et autres très précises, prévoyait en son article 5 une possibilité de résiliation à tout moment après la première année, "sous réserve d'en informer l'autre partie au moins six mois à l'avance par lettre recommandée";
Attendu que les relevés de commissions fournis par les deux parties montrent qu'à partir de la semaine 36 de l'année 2000, soit première semaine du mois de septembre 2000, la SA Fonlupt Service n'a plus perçu de commissions sur les ventes à terme ou au comptant pour aucune des marchandises ; que la SA Linde Gas a résilié le contrat de distribution par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 février 2001 faisant référence au préavis de six mois ; que la SA Linde Gas a pris l'initiative de rompre la relation commerciale avant cette notification faite conformément aux stipulations du contrat de distribution ; qu'au cours de deux réunions entre les parties des 6 juin 2000 et 5 septembre 2000, dont la tenue n'est pas contestée par la SA Linde Gas, l'éventualité d'une rupture et ses modalités avaient été évoquées sans qu'aucune décision n'ait été arrêtée d'un commun accord entre les parties ; que la SA Linde Gas est restée "taisante" après l'envoi de courriers de la part de la SA Fonlupt Service, les 27 septembre 2000 et 22 décembre 2000 sollicitant de la SA Linde Gas une prise de position claire quant à la survie du contrat ; que la SA Linde Gas a entendu mettre fin dès le mois de septembre 2000 la relation commerciale en ne reconstituant pas les stocks de marchandises en dépôt selon l'importance des ventes par son distributeur, comme il lui appartenait de le faire ; qu'elle a rompu de fait la relation commerciale sans respecter le délai contractuel de préavis de six mois qu'elle a donné à une période où elle ne fournissait plus la SA Fonlupt Service depuis déjà quelques mois ; que sa volonté de mettre fin rapidement à la relation commerciale qu'elle considérait comme d'ores et déjà terminée, ressort de son courrier du 15 mars 2001 en cours de préavis annonçant qu'elle allait "commencer à récupérer les emballages stockés dans le dépôt" de la SA Fonlupt Service ;
Attendu que la SA Fonlupt Service est en droit d'obtenir une indemnité compensatrice de préavis dont elle a été privée du fait de la rupture de la relation commerciale à l'initiative de la SA Linde Gas dès septembre 2000; que le montant de ce préavis sera calculée sur le montant des commissions gaz TTC de la dernière complète d'activité soit 87 057,49 F pour l'année 1999, selon le relevé produit par la SA Linde Gas, ce qui donne une indemnité compensatrice de préavis de (87 057,49 F : 2) = 43 528,75 F ou 6 635,91 euros;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Reçoit l'appel de la SA Fonlupt Service comme régulier en la forme, Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, condamne la SA Linde Gas à porter et payer à la SA Fonlupt Service la somme de 6 635,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2001 et celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SA Linde Gas aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître André Barriquand, avoué sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.