CA Lyon, 3e ch. civ., 19 février 2004, n° 01-04831
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le Carnot (SARL), Aubert (ès qual.)
Défendeur :
Paulaner Brauerei GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martin
Conseillers :
MM. Santelli, Kerraudren
Avoués :
SCP Brondel-Tudela, SCP Aguiraud-Nouvellet
Avocats :
Mes Serignan, Veber.
Exposé du litige - procédure et prétentions des parties :
Par déclaration eu date du 28 avril 2000, la société Le Carnot a relevé appel d'un jugement rendu le 30 septembre 1999 par le Tribunal de commerce de Lyon qui l'a ordonné à payer à la société Paulaner Brauerei la somme de 167 978,34 F majoré des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 1999 avec la capitalisation des intérêts depuis la demande ainsi que celle de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par acte du 10 septembre 2001, la société Paulaner Brauerei a fait citer à comparaître devant la cour Me Aubert ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Le Carnot, Me Aubert a constitué ès qualités avoué;
Vu l'article 455 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998;
Vu les prétentions, vu les moyens développés par la société Le Carnot dans ses conclusions récapitulatives du 20 novembre 2001 prises en présence de Me Aubert ès qualités, auxquels il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faite juger que si elle pouvait s'obliger envers le fournisseur par une clause du contrat à réaliser un certain volume d'opérations, il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas pu atteindre ses objectifs, n'étant tenue à l'égard du fournisseur qu'à une obligation de moyens et non de résultats, alors même que la société " Provence Boissons ", distributeur de l'intimée, a cessé de la livrer en bière à la marque " Paulaner" postérieurement au changement de son site de production durant l'été 1998 - que c'est ainsi la société Paulaner Brauerei, qui a manqué à ses obligations de livraison, ce qui est de manière a rendre fautive la résiliation du contrat par le fournisseur - qu'à titre subsidiaire elle soit bien fondée, pour le cas où la résiliation serait prononcée de son fait, à réclamer une réduction de la clause pénale et à obtenir de longs délais de paiement, que le jugement mérite réformation.
Vu les prétentions et les moyens développés par la société Paulaner Brauerei GMBH dans ses conclusions récapitulatives du 11 juin 2002 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que la société Le Carnot, qui était tenue à une obligation de résultat à son égard à raison du contrat d'approvisionnement qu'elle a contracté avec elle le 22 février 1996 en contrepartie des avantages financiers qu'elle lui a accordés, en cessant tout approvisionnement comme l'a consigné l'huissier de justice dans son constat du 24 septembre 1998, qu'elle a de ce fait engagée sa responsabilité contractuelle, sans qu'elle puisse s'exonérer en invoquant l'impossibilité de s'approvisionner auprès du distributeur de la société Paulaner Brauerei GMBH faute de démontrer une telle circonstance qui serait à l'origine de ses manquements, que le contrat doit être résilié aux torts de la société Le Carnot, laquelle tenue aux pénalités résultant du contrat, soit à la somme de 26 953,53 euros (176 803,56 F), montant de créance à fixer, que le jugement mérite confirmation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2002.
Motifs et décision :
I) Sur la demande en résiliation du contrat d'approvisionnement exclusif du 26 février 1996.
Attendu qu'il résulte du contrat conclu le 22 février 1996 entre la société Paulaner Brauerei et la société Le Carnot, que celle-ci s'est engagée à s'approvisionner exclusivement en bières de la marque Paulaner auprès du grossiste entrepositaire la société Provenue Boissons désignée par son co-contractant à compter du 1er mars 1996 pour une durée de sept années et à réaliser un quota minimum de commande de 840 hectolitres en contrepartie d'avantages financiers que la société Paulaner lui consentait, notamment un prêt de 150 000 F amortissables en sept années assorti d'un, taux d'intérêts de 10,50 % représentant des échéances mensuelles de 2 529,10 F;
Attendu que la société Le Carnot ne conteste pas les constatations rapportées par Me Tarbouriech, huissier de justice à Avignon, dans son acte du 24 septembre 1998 selon lesquelles à cette date elle ne disposait d'aucun produit de la marque " Paulaner ";
Attendu qu'elle ne démontre par aucune pièce de son dossier que la société Provence Boissons s'est refusée à l'approvisionner consécutivement au transport de son site d'exploitation dans le département des Bouches-du-Rhône et qu'elle s'est ainsi trouvée dans l'impossibilité d'exécuter son engagement, qu'en tout état de cause à supposer établie cette allégation, il appartenait alors à la société Le Carnot de mettre en demeure son co-contractant de respecter les termes du contrat - que force est de constater que la société le Carnot ne rapporte pas cette preuve d'une démarche en ce sens auprès de la société Paulaner Brauerei GmbH qu'elle ne peut par conséquent tirer aucun argument utile de cette circonstance, le moyen invoqué étant inopérant;
Attendu que la société Le Carnot ne peut soutenir qu'elle n'était tenue à l'égard de son co-contractant que d'une obligation de moyens dès lors qu'elle s'était engagée au titre de contrat à exécuter des obligations précisément spécifiées dont elle ne discute pas qu'elles aient été disproportionnées par rapport aux avantages qui lui étaient accordés et sans qu'elle puisse prétendre qu'elles lui auraient été imposées, alors qu'elle avait la maîtrise de ses choix, et que rien n'exigeait qu'elle contracte dans ces conditions;
Attendu que la rupture du contrat du 22 février 1996 dans ces conditions exclusivement imputable à la société Le Carnot qui n'a pas respecté les termes du contrat, aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de la société Paulaner Brauerei;
Attendu qu'il convient en conséquence de prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société Le Carnot, comme l'a à juste titre décidé le premier juge, confirmant ainsi le jugement déféré.
II) Sur les conséquences de la résiliation du contrat.
Attendu que le contrat de bière prévoyait que si le débitant de boissons n'avait pas acquis la quantité fixée contractuellement, il s'obligeait alors à rembourser le solde non amorti sur la base des hectolitres majoré des intérêts et que le non-respect des obligations par le débitant entraînerait l'application des dommages et intérêts sans qu'ils soient inférieurs à un montant fixé forfaitairement à 20 % du prix des quantités de bières manquantes valorisées sur la base de la dernière facture - que l'indemnité prévue eu cas de rupture constitue une clause pénale;
Attendu qu'en décidant unilatéralement et sans motifs de ne plus s'approvisionner en produits de la marque Paulaner et de changer de fournisseur, la société Le Carnot a causé un préjudice à son co-contractant qui était en droit d'attendre que le contrat s'applique conformément aux accords et notamment quant à la réalisation du quota minimum de commandes convenu;
Attendu que la perte constatée représente l'exact préjudice de la société Paulaner Brauerei- que par conséquent l'application de cette clause n'est manifestement pas excessive;
Attendu qu'il s'en suit qu'en issue de contrat l'indemnité doit être calculée ainsi : 840 hectolitres moins les hectolitres vendus (92,10) soit 747,90 hectolitres manquants en prix fixé dans l'annexe au contrat du 22 février 1996 de 11,23 F hors taxes l'hectolitre multipliés par 20 % au titre de la pénalité soit en définitive 176 803,56 F (26 953,53 euros);
Attendu que la société Le Carnot ne justifie pas, quand bien même serait elle soumise à un plan de redressement qu'elle n'est pas en mesure de s'acquitter de cette somme - que sa demande pour obtenir des délais de paiement doit être ainsi rejetée;
Attendu que la société Paulaner Brauerei a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers;
Attendu que la demande en paiement ayant été faite le 17 mars 1999 avant que ne soit prononcé le redressement judiciaire de la société Le Carnot, il convient de fixer la créance de la société Paulaner Brauerei au passif dudit redressement judiciaire, laquelle figurera sur l'état des créances de cette société pour la somme de 26 953,53 euros (176 803,56 F) majorée des intérêts au taux légal à compter 17 mars 1999;
Attendu que le jugement doit être en conséquence réformé;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts depuis le 17 mars 1999, confirmant de ce chef le jugement déféré.
III) Sur la demande tendant à la publication de l'arrêt
Attendu que rien ne justifie que soit ordonnée la publication du présent arrêt - qu'il convient de rejeter cette demande, confirmant de ce chef le jugement déféré.
IV) Sur les autres demandes
Attendu qu'il serait inéquitable que la société Paulaner Brauerei supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu'il convient ainsi de lui allouer une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge;
Attendu que la société Le Carnot, qui succombe, doit être condamnée aux dépens.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société Le Carnot à payer à la société Paulaner Brauerei la somme de 167 978,34 F, Le réforme sur ce point, Et statuant à nouveau, Fixe la créance de la société Paulaner Brauerei au passif du redressement judiciaire de la société Le Carnot, à la somme de 23 953,53 euros (176 803,56 F) majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, laquelle sera portée sur l'état des créances de la société Le Carnot, Y ajoutant, Condamne la société Le Carnot à payer à la société Paulaner Brauerei la somme de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés par la SCP Aguiraud-Nouvellet, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.