CA Paris, 2e ch. B, 31 mai 2001, n° 1999-19151
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pompidor, AV 2F Association Verdyonisienne du foyer et de la famille (Sté), Andrés (Epoux), Becart, Benoit (Epoux), Bobee (Epoux), Bourhis (Epoux), Breau (Epoux), Brumeau (Epoux), Calone, Zerbib, Chiquello, Boigey, Cohen-Solal (Epoux), Decoudun (Epoux), Desbiez, Mittisino, Do Van (Epoux), Edmond (Epoux), Fouclet (Epoux), Gueldry (Epoux), Hermin, Hervillard (Epoux), Jalabert (Epoux), Kizirian (Epoux), Lafay (Epoux), Lamboust, Meunier, Laudren (Epoux), Lebourg (Epoux), Le Coz (Epoux), Lecuyer (Epoux), Lefebvre (Epoux), Liard, Crevoisier, Maret (Epoux), Marin (Epoux), Martinez (Epoux), Masson (Epoux), Meyniel (Epoux), Parant (Epoux), Payen, Pérez (Epoux), Pitel (Epoux), Pompidor, Ponnau, Boullerot, Renouard (Epoux), Rocher (Epoux), Sanz (Epoux), Saura (Epoux), Sintes, Bossard, Tavenot (Epoux), Thebault (Epoux), Thomas, Ugolini (Epoux), Varnerot (Epoux), Vigneron (Epoux), Zozime (Epoux), Roland, Beaux
Défendeur :
HLM Immobilière 3F (SA), Immobilière 3F (SA), Hugues (Epoux), Association AFOC Nationale
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Kamara
Conseillers :
M. Laurent-Atthalin, Mme Dintilhac
Avoués :
SCP Hardouin, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller
Avocats :
Mes Desforges, Fauquel.
Le présent litige oppose un ensemble d'accédants "à terme" de la résidence les Buttes du Luet, située à Vert Saint-Denis, Seine et Marne, à la société d'HLM 3 F à propos de la charge de la taxe foncière.
Les maisons de la résidence ont été construites entre 1975 et 1979 par cette société d'HLM et revendues aux accédants suivant un contrat de vente à terme régi par l'article L. 261-10 alinéa 3 du Code de la construction et de l'habitation prévoyant le transfert de propriété à l'issue du délai de remboursement du prêt consenti aux accédants.
Les contrats de vente comportaient la clause suivante: "l'occupant supportera à compter de l'entrée en jouissance, toutes les charges pouvant grever l'immeuble ou résultant de sa gestion, comme s'il était propriétaire. En conséquence, il sera tenu de verser par acomptes à la société ou à sa mandataire sa quote-part des dépenses engagées pour la gestion de l'immeuble, savoir la prime d'assurance de l'immeuble, les frais d'entretien des espaces communs, les taxes locatives et foncières et redevances afférentes à l'immeuble."
Les accédants ont assigné la société Immobilière 3 F aux fins de faire juger que la clause du contrat de vente mettant à leur charge le paiement de la taxe foncière doit être réputée non écrite.
La société a conclu au rejet de leur demande et, reconventionnellement, a demandé qu'ils fussent condamnés au paiement des taxes foncières de 1992 à 1998.
L'association Verdyonisienne du foyer et de la famille, ayant pour objet la défense des droits des habitants du Haut de la Butte aux Fèves et l'AFOC nationale sont intervenues à l'instance.
Par jugement du 27 mai 1999, le Tribunal de grande instance de Paris a:
- déclaré recevable la demande de l'AFOC nationale,
- déclaré irrecevable la demande de l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille pour défaut d'intérêt à agir,
- débouté les accédants demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions,
- condamné ces derniers au paiement des sommes dues au titre des taxes foncières, réglées par la société Immobilière 3 F au titre des années 1992 à 1998, selon la liste figurant au dispositif,
- débouté les parties de leur demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné les accédants aux dépens.
L'association Verdyonisienne du foyer et de la famille et les accédants qui avaient saisi le tribunal, à l'exception de Mmes Gonzales et le Bras, de M. et Mme Linstrumelle, M. et Mme Querry et M. et Mme Pelayo ont relevé appel et concluent à l'infirmation du jugement.
L'association Verdyonisienne du foyer et de la famille soutient qu'elle a un intérêt à agir, en jurisprudence constante reconnaissant à une association le droit de défendre collectivement en justice les droits que chacun des membres peut défendre.
Les accédants font valoir que la clause mettant à leur charge le paiement de la taxe foncière, alors que, selon un arrêt du Conseil d'Etat, la charge de cette taxe incombe au propriétaire, doit être réputée non écrite aux motifs, d'une part, que cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, d'autre part, qu'elle entraîne une modification du prix de vente. Ils ajoutent qu'en incluant cette clause dans les contrats de vente, le vendeur a manqué à son obligation de contracter de bonne foi.
Ils exposent, en outre, que la vente étant intervenue à la fin de la construction, ils n'étaient pas en mesure de présenter une demande d'exonération de la taxe foncière dans les quatre mois de l'ouverture du chantier comme le précise l'article 1384 du Code général des impôts, et que c'était à la société d'HLM de le faire et que,celle-ci n'ayant pas effectué en temps utile ces démarches, il lui appartenait de les reprendre afin de permettre aux accédants d'être exonérés, en application du mandat qu'elle avait reçu de chaque accédant d'assurer l'administration du groupe d'immeubles.
M. Pompidor, copropriétaire avec son épouse, qui n'était pas présent dans l'instance devant les premiers juges, est intervenu à titre volontaire et fait siennes les conclusions signifiées par les autres accédants.
M. Chiquello, M. Boulleroit et Mme Roland épouse Becart exposent qu'ils ont divorcé en cours de procédure et que le bien appartient désormais à leur conjoint, de sorte qu'il y a lieu de les mettre hors de cause.
L'association Verdyonisienne du foyer et de la famille réclame 100 000 F à titre de dommages et intérêts, et les accédants et l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille 40 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Immobilière 3 F, qui a formé un appel principal contre M. et Mme Ducoudun et M. et Mme Lamboust, et un appel incident à l'encontre des autres appelants, conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de condamner les accédants au paiement des taxes foncières pour l'année 1999 et 2000.
Elle précise que 110 accédants avaient saisi le tribunal, que les premiers juges ont condamné 98 accédants au paiement des taxes foncières pour les années 1992 à 1998, que parmi les douze personnes non condamnées, six d'entre elles, M. et Mme Cohen Solal, M. et Mme Crouzet et M. et Mme Laudren, avaient remboursé leurs dettes avant le prononcé du jugement mais que, hormis M. et Mme Crouzet, elles ont interjeté appel, que six autres, M. et Mme Ducoudin, M. et Mme Hughes, M. et Mme Lamboust, n'ont pas été condamnées à la suite d'une erreur purement matérielle et qu'une demande de condamnation est formée contre ces dernières. Elle ajoute que huit accédants n'ont pas interjeté appel, Mmes Gonzales et Le Bras, M. et Mme Linstrumelle, Pelayo et Querry.
La société Immobilière 3 F ajoute que M. et Mme Hugues se sont désistés mais que le jugement n'ayant pas été signifié, en raison de l'appel incident qu'elle a formé à l'encontre des accédants, ces deux personnes demeurent dans la cause.
Sur les demandes de mise hors de cause formées par M. Chiquello, M. Boulleroit et Mme Roland épouse Becart, elle réplique que ces personnes ayant contracté solidairement avec leurs ex-conjoints, elles restent tenues envers leur créancier.
Elle réclame, enfin, à titre de dommages et intérêts, 50 000 F à l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille et 2 000 F à chacun des accédants, ainsi que, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 30 000 à l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille et 2000 F à chacun des accédants.
Ceci exposé, LA COUR:
Sur les désistements:
Considérant que M. et Mme Hugues se sont désistés mais que le jugement n'ayant pas été signifié et la société Immobilière 3 F ayant formé appel incident contre eux, ils demeurent dans la cause;
Sur les demandes de mise hors de cause:
Considérant que M. Chiquello. M. Boulleroit et Mme Roland divorcée Becart sollicitent leur mise hors de cause au motif qu'ils ont divorcés et que les immeubles ont été attribués à leurs conjoints;
Que, cependant, ils ne fournissent aucune pièce établissant que l'immeuble qu'ils avaient acquis avec leur conjoint aurait fait l'objet d'un partage définitif et qu'ils ne seraient plus propriétaires indivis;
Que leurs demandes seront, en conséquence, rejetées;
Sur la recevabilité de l'action de l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille:
Considérant que l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille n'est pas une association de consommateurs et ne peut donc agir que pour la défense de ses intérêts personnels ou collectifs de ses membres;
Qu'elle a pour objet la défense des droits des habitants du Haut de la Butte aux Fèves à Vert Saint-Denis;
Que, faute par elle de démontrer en quoi les contrats souscrits par les accédants porteraient atteinte à un intérêt collectif qu'elle représente, distinct de l'intérêt individuel de chaque accédant, son action n'est pas recevable;
Sur l'intervention de M. Pompidor:
Considérant que cette intervention volontaire n'est pas critiquée; qu'elle sera déclarée recevable;
Sur le fond;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que M. et Mme Crouzet auraient interjeté appel ou que la société Immobilière 3 F aurait formé appel incident contre eux;
Que, dès lors, ces personnes ne figurent pas dans la procédure en cause d'appel;
Considérant que les contrats en cause sont des contrats de vente à terme ayant pour caractéristique essentielle de reporter le transfert de propriété à la date du paiement intégral du prix de vente, étant précisé que le transfert de propriété s'opère alors rétroactivement au jour de la signature du contrat de vente;
Considérant que, selon la législation fiscale en vigueur, telle qu'interprétée par le Conseil d'Etat suivant un arrêt du 2 juillet 1990, le vendeur est assujetti à la taxe foncière jusqu'au transfert de propriété et qu'il s'ensuit que la charge de la taxe foncière incombe à la société d'HLM;
Considérant, toutefois, que, contractuellement, les parties peuvent décider que l'acquéreur sera tenu de rembourser au vendeur la taxe foncière qui lui a été réclaméeet qu'il s'ensuit que la clause des contrats de vente imposant aux accédants de rembourser à la société d'HLM les taxes foncières afférentes à leur maison, est licite;
Considérant que cette clause, ne causant aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne conférant aucun avantage excessif au vendeur lié au caractère rétroactif du transfert de propriété, n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation;
Considérant que, pas davantage, la charge de la taxe foncière ne peut s'analyser en une modalité de révision du prix de vente au sens de l'article L. 261-11-1 du Code de la construction et de l'habitation, la taxe foncière étant étrangère au prix de vente;
Considérant que, contrairement à ce que prétendent les accédants, la société association Verdyonisienne du foyer et de la famille n'a pas manqué à son obligation de contracter de bonne foi en insérant dans les contrats de vente la clause l'autorisant à exiger le paiement des taxes foncières qui lui étaient réclamées, une telle clause étant licite au regard de l'économie du contrat prévoyant une rétroactivité du transfert de propriété;
Considérant, enfin, que vainement les accédants invoquent un manquement de la société Immobilière 3 F à ses obligations de mandataire;
Qu'en effet, aux termes du mandat reçu par la société, celle-ci s'engageait à assurer l'administration du groupe, à procéder à tous travaux nécessaires et à réaliser tous actes, à exercer ou à défendre à toutes actions judiciaires se rattachant ou non à la propriété de l'immeuble ou à sa jouissance;
Que ce mandat ne confiait pas à la société la charge d'agir au nom des accédants pour solliciter une exonération de la taxe foncière, étant observé, au surplus, que jusqu'à la décision du Conseil d'Etat du 2 juillet 1990, l'administration fiscale considérait que l'accédant était l'assujetti et que, jusqu'en 1990, ceux-ci ont réglé la taxe foncière et qu'il leur appartenait de solliciter eux-mêmes l'exonération à laquelle ils pouvaient prétendre;
Considérant que le jugement qui a débouté les accédants de leurs demandes sera, en conséquence confirmé;
Considérant que les demandes en paiement des taxes foncières présentées par la société Immobilière 3 F au titre des années 1992 à 2000 ne sont pas discutées dans leur montant; qu'il y sera fait donc droit, étant précisé que les accédants seront condamnés à régler une somme globale au titre de l'ensemble des taxes foncières dues par eux et que le montant de la condamnation prononcée par la cour contre chacun d'eux se substituera donc à celui énoncé dans le dispositif du jugement;
Considérant que la société Immobilière 3 F ne démontre pas avoir subi un préjudice que lui aurait causé l'action de l'association Verdyonisienne du foyer et de la famille ou des accédants;
Qu'elle sera, par suite, déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts;
Considérant que les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel;
Par ces motifs: Statuant dans les limites de l'appel, Déclare non avenus les désistements M. et Mmes Hugues, Déclare M. Pompidor recevable eu son intervention volontaire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne, en conséquence, les accédants ci-après énumérés à payer à la société Immobilière 3 F les sommes suivantes au titre des taxes foncières pour les années 1992 à 2000 M. Andrés Vincent et Mme Jaubert Jocelyne 30 338,50 F, M. Becart Jacques 29 088,75 F, M. Benoit Bernard et Mme Gigleux Jeannine 45 211,50 F, M. Bobee Jacques et Mme Colas Jacqueline: 33 632,25 F, M. Bourhis Jacques et Mme Sabetta Eliane: 30 338, 50 F, M. Breau Daniel et Mme Thiney Chantal:44 014 F , M. Brumeau Guy et Mme Drouin Patricia: 35 963, 40 F, M. Calone Joseph et Mme Zerbib Lucienne 39 879 F, M. Decoudun Alain et Achez Annie:33 946, 12 F, M. Desbiez et Mme Mittisino Jacqueline: 31 566 F, M. Do Van Thanh et Mme Quillard Joëlle: 24 067,22 F, M. Edmond Daniel et Mme Vado Maryse: 40 824 F, M. Gueldry Gérard et Mme Pioli Enza: 3 8410 F, Mme Hermin Marie-Adèle: 37 045 F, M. Hervillard Eugène et Mme Papuchon Cécile: 3 9743 F, M. Hugues Bernard et Mme Legrand Marie-France 26 947 F, M. Jalabert Daniel Mme Lopez-Ruiz Conception: 38 161 F, M. Kizirian Jacques et Mme Moutier Colette: 34 322 F, M. Lafay Patrice et Mme Meulien Chantal: 37 903 F, M. Lamboust Michel et Mme Meunier Raymonde: 33 013 F, M. Lebourg François et Mme Passarello Maria: 29 307 F, M. Le Coz Joseph et Mme Kmiecik Monique: 36 677 F, M. Lecuyer Claude et Mme Martin Jeannine:32 420 F, M. Lefebvre Jean-Claude et Mme Perrin Marie-France: 39 9942 F, M. Liard Didier et Mme Crevoisier Denise: 33 338 F, M. Maret Gilbert et Mme Beguier Colette: 42 263 F, M. Marin Henri et Mme Romera Marie-Antoinette: 33 170 F, M. Martinez Jean et Mme Alemany Yolande: 45 894 F, M. Masson Jean-Pierre et Mme Garofalo Maria:37 903, 67 F, M. Meyniel Daniel et Mme Garry Geneviève 34 685 F, M. Parant Patrick et Mme Joëlle Beaux: 28 000 F, Mme Armengaud Monique épouse Payen: 26 656 F, M. Pérez Marc et Mme Leblanc Sylvette: 28 640,50 F, M. Pitel Pierre et Mme François Pascale 42 273 F, M. Pompidor Michel et Mme Delmaet Annie: 37 443 F, Mme Ponnau Monique: 28 641 F M. Renouard Daniel et Mme Biron Eliane: 38 934 F, M. Rocher Christian et Mme Malleret Colette: 30 338,50 F, M. Sanz José et Mme Winkler Odile: 29 929 F, M. Saura Jean-Pierre et Mine Peroy Marie-José: 36 599,05 F, M. Sintes Pierre et Mme Bossard Marie Louise: 33 787, 25 F, M. Tavenot Jean Paul et Mme Goloskevitc Christiane: 30 338, 50 F, M. Thebault Jean-Pierre et Mme Poisson Jacqueline: 38 823, 33 F, Mme Fruitier Liliane épouse Thomas: 38 461, 50F, M. Ugolini Alain et Mme Glattfelder Georgette: 38 834 F, M. Varnerot Michel et Mme Monaci Martine: 28,640, 50 F, M. Vigneron Régis et Mme Rousseau Monique: 37 903,66 F, M. Zozime Henri et Mme Borne Liliane: 38 934 F; Rejette toute autre demande, Met les dépens d'appel à la charge des appelants et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.