CA Paris, 5e ch. A, 28 janvier 2004, n° 2002-05988
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Colbeaux (SA)
Défendeur :
Delaby (ès qual.), Seva (Sté), Les Maisons Rouges (SCI), Fiat Auto France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Faucher, Picque
Avoués :
Me Fanet-Serra-Ghidini, SCP Bommart-Forster, SCP Bernabé-Chardin-Chevillier
Avocats :
Mes Guerche, Bertin, Meyung-Marchand.
Suivant contrats de concession exclusive conclus pour une durée indéterminée depuis 1975 et renouvelés en dernier lieu le 15 novembre 1996, la société Fiat Auto France a concédé à la société Seva la distribution de véhicules de tourisme et de véhicules utilitaires de marque Fiat à Soissons et divers cantons de l'Aisne. Le 30 octobre 1985, le gérant de la société Seva M. Laisne, a acquis un ensemble de biens immobiliers (terrain et immeubles) sis 94 rue de Compiègne à Soissons pour le compte d'une SCI Les Maisons Rouges constituée à cet effet, et a transféré dans ce nouvel emplacement la concession Fiat dont il était déjà titulaire rue de Belleu dans la même localité.
Le contrat de concession a été résilié par le constructeur une première fois le 24 avril 1997 avec préavis d'un an, puis le 21 mai 1997 à effet immédiat. La société Seva a été déclarée en liquidation judiciaire, sur déclaration, par jugement du 20 juin 1997 du Tribunal de commerce de Soissons. La procédure de liquidation a été étendue à la SCI Les Maisons Rouges par jugement du 4 juillet 1997 à effet du 20 juin 1997. Après avoir formulé une offre de reprise le 11 juillet 1997, la société Colbeaux, déjà concessionnaire Fiat, a acquis par acte notarié du 5 novembre 1997 le fonds de commerce de la société Seva pour un prix total de 371 183 F dont 10 000 F au titre des éléments incorporels ainsi que l'ensemble du patrimoine immobilier de la SCI Les Maisons Rouges au prix de 2 500 000 F.
Par actes introductifs d'instance des 31 juillet et 4 août 1998, Maître Dominique Delaby désigné liquidateur des deux sociétés a assigné ès qualités le constructeur ainsi que la société Colbeaux, aux fins de les voir déclarer responsables par leurs agissements fautifs de la déconfiture des deux sociétés, et d'obtenir leur condamnation à payer le passif.
Par jugement contradictoire du 21janvier 2002, le Tribunal de commerce de Paris a:
- considéré que par ses agissements la société Plat avait engagé sa responsabilité contractuelle envers son concessionnaire Seva, et délictuelle envers la SCI Les Maisons Rouges, que la vente du fonds de commerce, du stock et des murs de la concession qui faisait l'objet d'une offre de reprise en date du 16 mai 1997 de la société Colbeaux, était parfaite par l'acceptation de l'offre le 30 mai 1997 par la société Seva, et que la société Colbeaux qui bénéficiait d'informations privilégiées auprès de la société Fiat avait refusé délibérément de réaliser son offre et profité indûment d'un rachat dans un cadre liquidatif,
- condamné la société Fiat Auto France à payer à Maître Delaby ès qualités de liquidateur de la société Seva et de la société Les Maisons Rouges, 354 954,52 euros soit 2 328 349 F, cette somme correspondant à l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la société Seva,
-condamné la société Colbeaux au paiement sur la somme de 94 869,02 euros soit 622 300 F, correspondant à la somme "économisée" par rapport à son offre de reprise du 16 mai 1997,
- condamné solidairement la société Fiat Auto France et la société Colbeaux au paiement de 7 622,45 euros soit 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions déposées le 4 novembre 2003, la société Colbeaux, appelante, expose qu'elle était fondée à considérer son offre du 16 mai 1997 nulle et subsidiairement caduque dès lorsqu'elle l'avait dénoncée avant que M. Laisne, qui lui-même était informé de la résiliation extraordinaire du contrat de concession et des conséquences qui en découlaient sur l'objet de cette offre, ne lui adresse par télécopie son courrier d'acceptation.
Elle ajoute qu'il n'est démontré aucun préjudice qui lui soit imputable, la disparition des actifs corporels et incorporels de la société Seva étant strictement imputable à la gestion de son dirigeant, ni aucun lien de causalité entre les prétendues fautes reprochées à la société Colbeaux et le dépôt de bilan de la société Seva, l'action entreprise à son encontre par Maître Delaby ès qualités étant manifestement abusive.
Elle prie la cour:
- de réformer la décision entreprise, en tant que de besoin d'ordonner une expertise informatique du courrier de dénonciation de son offre, daté du 28 mai 1997 et rédigé par M. Colbeaux, qu'elle affirme être parvenu à M. Laisne avant que ce dernier ne lui adresse son courrier d'acceptation,
- en tout état de cause, de débouter Maître Delaby ès qualités de toutes ses demandes,
- subsidiairement de condamner la société Fiat Auto France à garantir la société Colbeaux de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle, dès lors qu'elle s'estime victime de la situation à laquelle elle se trouve aujourd'hui confrontée,
- d'accueillir sa demande reconventionnelle et de condamner en conséquence Maître Delaby ès qualités à lui verser 15 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- de le condamner à lui payer 10 000 euros pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 9 octobre 2003, la société Fiat Auto France, intimée et appelante incidente, conteste tant les fautes qui lui sont reprochées que l'indemnisation allouée au liquidateur qui correspond à l'intégralité de l'insuffisance d'actif sans qu'il soit justifié en quoi les agissements qui lui sont reprochés seraient exclusivement à l'origine de la procédure collective, et demande à la cour:
- d'infirmer le jugement attaqué en ses dispositions lui faisant grief,
- de condamner Maître Delaby ès qualités à lui payer 20 000 euros pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières écritures déposées le 12 novembre 2003, Maître Delaby ès qualités de liquidateur de la société Seva et de la société Les Maisons Ronges, intimé, sollicite le rejet de toutes les demandes formées par les sociétés Colbeaux et Fiat Auto France.
Il poursuit la confirmation de la décision entreprise et demande à la cour, y ajoutant, de lui payer ès qualités 10 000 euros pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur ce,
Sur les fautes reprochées à la société Fiat Auto France:
Considérant que Maître Delaby ès qualités formule un certain nombre de griefs à l'encontre du constructeur, et fait valoir que les faits qu'il dénonce sont directement à l'origine de la ruine du concessionnaire; qu'il convient d'examiner ces griefs;
Considérant qu'il est tout d'abord reproché à la société Fiat d'avoir incité M. Laisne à affecter les nouveaux locaux acquis fin 1985 par la SCI Les Maisons Rouges dont il était l'associé, rue de Compiègne à Soissons, à la distribution des marques Fiat et Lancia et non à d'autres marques comme il l'envisageait, et d'être revenue par la suite sur sa décision de concéder également la marque Lancia à la société Seva par suite d'un changement de sa politique commerciale, ce revirement et la privation de ce courant d'affaires ayant entraîné dès l'installation de la société Seva dans cette nouvelle implantation un manque de volume pour le concessionnaire;
Mais considérant que l'intimée ne justifie pas de ce que cette représentation conjointe lui aurait été proposée pour ses nouveaux locaux rue de Compiègne à Soissons, la société Fiat observant sans être contredite qu'elle ne pouvait alors le faire, la marque Lancia étant jusqu'en 1988 représentée en France par le groupe Chardonnet et ajoutant que la distribution de cette marque a été concédée à la société Seva mais seulement à partir de 1994; que le courrier du 23 décembre 1986 adressé par la société Fiat à la société Seva, versé aux débats, et par lequel le constructeur confirmait à son concessionnaire l'attribution d'une aide exceptionnelle à l'investissement soit 580 000 F pour cette nouvelle implantation "en vue de réaliser une concession Fiat 94 rue de Compiègne à Soissons", ne mentionne pas la marque Lancia pas plus que l'attestation délivrée le 26 novembre 1997 à la société Seva par le cabinet d'expertise comptable Befex faisant état de contacts préliminaires avec la société Volkswagen auxquels la société Seva n'a finalement pas donné suite; que ce grief n'est pas établi;
Qu'il ne peut être reproché au concédant d'avoir en 1991, au vu de comptes annuels pour l'exercice 1990 faisant ressortir une perte des trois-quarts du capital social, exigé un renforcement de la trésorerie de l'entreprise par un apport en compte-courant de 500 000 F qui a été effectué par M. Laisne, une éventuelle cession de l'entreprise ayant été alors écartée par ce dernier;
Considérant que Maître Delaby ès qualités reproche également à la société Fiat d'avoir fait délibérément échec au rachat de la concession par les consorts Choisy - Le Gall au printemps 1996, son refus le 28 juin 1996 d'agréer leur offre de reprise, qui ne reposait selon l'intimé sur aucun motif financier crédible, étant d'autant plus abusif que le constructeur a immédiatement agréé les intéressés pour représenter la marque dans un territoire voisin; que la société Fiat rétorque que la demande de réparation formée par le liquidateur est irrecevable, le préjudice allégué concernant uniquement les porteurs de parts, et ajoute que l'offre en question était conditionnelle et que ses conditions n'étaient pas remplies, et qu'en tout état de cause le contrat d'agence et non de concession, ultérieurement proposé aux intéressés était assorti d'engagement financiers non comparables, aucun abus ne pouvant lui être reproché à ce titre;
Considérant que l'exception d'irrecevabilité opposée à Maître Delaby pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ne peut qu'être rejetée, le préjudice invoqué par le liquidateur ès qualités ne concernant pas les porteurs de parts, mais bien la société Seva que ce refus d'agrément aurait privé d'une opportunité de surmonter ses difficultés;
Considérant que les difficultés à nouveau rencontrées à partir de 1995 par la société Seva sont avérées, les comptes annuels à fin 1995 révélant un effondrement de son résultat et de ses capitaux propres (perte de 920 000 F pour cet exercice contre un bénéfice de 178 305 F en 1994, disparition des capitaux propres devenus négatifs à hauteur de 184 158 F); qu'à ces difficultés s'ajoutait le non-remboursement d'une avance de plus de 1 000 000 F consentie à la SCI Les Maisons Rouges par la société Seva depuis au mains 1994 dans des conditions non précisées, cette ponction n'ayant pu qu'obérer la trésorerie du concessionnaire; que la société Veal également dirigée par M. Laisne pour l'exploitation d'une concession Lada et Skoda à Soissons, a été déclarée en liquidation au cours du même exercice, par jugement du 17 novembre 1995;
Que M. Laisne ayant confié fin 1995 au cabinet Acore Parisot la recherche d'un repreneur pour la société Seva, a obtenu des consorts Choisy-Le Gail, par acte du 19 février 1996, une offre ferme d'achat de l'intégralité des parts de la société Seva au prix de 2 300 000 F correspondant à celui du fonds, "sous réserve du bilan 1995 non édité à ce jour", et à condition "que le prix des parts soit environ celui du fonds (à 50 000 F + ou -)"; que cette offre qui expirait le "31" (sic) avril 1996 a été réitérée le 26 avril 1996 au prix de 2 250 000 F par la signature d'un second acte, "en tenant compte de la situation arrêtée au 30 décembre 1995"; que cette nouvelle offre qui expirait au 30 juin 1996 était à nouveau conditionnelle, étant précisé qu'en cas de variation en moins de la situation nette, l'offre serait ajustée proportionnellement sans que la diminution dépasse 2 250 000 F "à la condition toutefois que la situation nette à la dote de la cession définitive ne soit pas négative"; qu'à l'évidence, cette condition n'était pas satisfaite, la situation nette de la société Seva au 31 décembre 1995 étant négative de 184 158 F ainsi que le confirme le rapport d'activité du cabinet Acore Parisot chargé de la vente, qui mentionne au 19 avril 1996, que compte tenu de ce bilan "désastreux", "les parts sociales sur la base du fonds de 2,3 MF ne valent plus que 1,6 MF dans ces conditions M Laisne ne vend plus"; qu'il résulte du même rapport que M. Laisne et les consorts Choisy ont néanmoins signé le 26 avril 1996 une offre définitive à 2 250 000 F, à laquelle seule la BNP a répondu favorablement, tout en excluant formellement la délivrance d'une caution comme celle d'une facilité de caisse pour la première année, alors que la société Fiat exigeait une caution bancaire de 1,5 MF et un fonds de roulement de 700 000 F, conditions au demeurant habituellement pratiquées par les constructeurs pour ce type d'activité;
Qu'il ne peut être reproché dans ces conditions à la société Fiat d'avoir écarté la candidature des consorts Choisy-Le Gail pour la reprise de la concession Seva ni de leur avoir proposé un contrat "similaire" pour le territoire de Château-Thierry précédemment confié à M. Bocquet concessionnaire;que cette autre affaire a été proposée en réalité aux intéressés début juin 1996 à l'initiative de la même agence Acore Parisot ainsi que le confirme le rapport précité par une mention datée du 4 juin 1996;que les courriers échangés entre M. Bocquet et la société Fiat courant octobre 1996 confirment qu'une réunion à laquelle assistait Mme Camus pour le cabinet Acore Parisot, s'est tenue le 14 juin 1996 avec les consorts Choisy-Le Gail chez Fiatqui leur a proposé un contrat d'agence sur le territoire de Château-Thierry;qu'un tel contrat n'est nullement "similaire" à un contrat de concession, dès lors qu'il n'impose à l'agent, mandataire du constructeur et rémunéré à la commission, aucune obligation d'achat de stocks, ses engagements financiers n'étant pas comparables;qu'aucune pratique discriminatoire au préjudice de la société Seva ne peut dès lors être reprochée à ce titre à la société Fiat;qu'enfin rien ne permet de dire que la société Colbeaux aurait bénéficié d'un agrément anticipé, une autre candidature (de la société PPB dirigée par M. Bruglia concessionnaire à Saint-Quentin) étant à l'époque également en cours d'examen ainsi qu'il en est justifié par les lettres de candidature des 11 et 13 juin 1996 versées aux débats;
Considérant qu'il s'en suit que Maître Delaby ès qualités ne peut imputer à faute à la société Fiat la décision de la BNP, à la suite de l'échec du projet de cession des parts de la société Seva, d'exiger le remboursement du découvert bancaire consenti au concessionnaire selon un échéancier expirant en février 1997;
Considérant que Maître Delaby ès qualités critique enfin les mesures successivement prises par la société Fiat à l'encontre de son concessionnaire en 1997, et soutient qu'en réalité le constructeur avait décidé de "sacrifier" la société Seva au profit d'un autre de ses concessionnaires, la société Colbeaux, qui reprendra effectivement la concession après mise en liquidation de la société Seva;
Qu'il incrimine à ce titre:
- les décisions prises le 27 février 1997 par la société Plat, soit la mise en dépôt des véhicules neufs en cours d'expédition (correspondant aux commandes de stocks en cours), le blocage de toute nouvelle commande sans ordre du client final (OCF) et l'exigence d'un paiement comptant pour les pièces de rechange ainsi que pour les véhicules de démonstration, au prétexte de la résiliation de la garantie bancaire accordée au concessionnaire par l'Etoile Commerciale pour 1 100 000 F, à effet du 25 février 1997, alors que selon l'intimé cette garantie "semble" (sic) lui avoir été accordée,
- la mise en dépôt à effet rétroactif; le 7 mai 1997, de l'intégralité du stock de véhicules neufs déjà facturés à la Seva, alors que la majeure partie de ce stock était déjà vendue à la clientèle antérieurement à sa mise en dépôt, motif pris du rejet d'un prélèvement bancaire de 93 858 F au profit de sa filiale financière Sofice,
- la résiliation du contrat le 24 avril 1997 avec préavis d'un an au mépris des négociations en cours, au prétexte d'un refus de paiement de 57 607 F à la Sofice, correspondant à une facture de pièces détachées et par lequel le concessionnaire exprimait seulement ses protestations devant les mesures prises à son détriment,
- la résiliation du contrat le 21 mai 1997 avec effet immédiat, ces agissements délibérés et cette attitude discriminatoire ayant conduit la société Seva à la ruine;
Mais considérant que ces griefs ne sont pas établis;
Qu'il ne peut être reproché au constructeur d'avoir imposé des conditions financières plus restrictives à la société Seva à partir du 27 février 1997, alors que la caution accordée au concessionnaire par l'organisme financier l'Etoile commerciale, dénoncée par courrier RAR du 25 novembre 1996 avec un préavis de trois mois avait expiré le 25 février 1997 sans être renouvelée ni remplacée en dépit des obligations contractuelles du concessionnaire et des courriers RAR de relance de la société Plat, des 23 décembre 1996, 15 et 31 janvier 1997; que cette absence de garantie bancaire constituait une première cause de résiliation à effet immédiat du contrat (article 6.2.7), ainsi que ces courriers le rappelaient expressément au concessionnaire qui les a laissés sans réponse;
Que certes, l'intimé verse aux débats la photocopie d'une facture 16 500 F intitulée "Commission pour notre compte et celui du co-garant, du 1-01-97 au 31-12-97" le montant garanti étant de 1 100 000 F, établie le 27 janvier 1997 par 1'Etoile commerciale sur laquelle sont portées les mentions manuscrites "payé BNP le 31-1-97 N°" et "renouvellement caution pour 1997 encaissé par Etoile commerciale" ainsi que la photocopie d'un chèque émis par la société Seva le 3 mai 1997 pour 11 311,78 F en réponse à un courrier de l'Etoile commerciale du 17 avril 1997 exigeant un règlement "avant le 5 mai 1997" pour le réabondement du fonds mutuel de garantie; qu'il résulte toutefois du courrier du 5 septembre 2003 de l'Etoile Commerciale, versé aux débats, que ces paiements, qui sont intervenus, lui étaient acquis en dépit de la résiliation du contrat, la société Seva n'ayant pas été cautionnée à compter du 25 février 1997 ainsi que le confirme ce courrier;
Qu'il est établi que la société Seva a laissé impayées à plusieurs reprises, une première fois le 6 mai 1997 pour 93 858 F, une deuxième fois le 20 mai 1997 pour 57 607 F, des sommes dues au concédant et qu'elle a omis de lui régler le prix de vente de 37 véhicules qui lui étaient initialement vendus avec clause de réserve de propriété jusqu'à complet paiement, puis confiés seulement en dépôt, ces faits ayant été découverts à l'occasion d'un contrôle de stock effectué le 12 mai 1997, la créance de la société Plat atteignant dès lors 2 514 258 F pour le seul mois de mai 1997; que ces agissements constituaient deux autres causes de résiliation extraordinaire du contrat (articles 6.2.6 et 6.2.9. § iv); que le refus de la société Fiat de délivrer les documents nécessaires à l'immatriculation des véhicules déjà vendus aux clients finaux mais dont elle n'avait pas perçu le prix ne saurait dans ces conditions engager la responsabilité du constructeur, en tous cas à l'égard de son concessionnaire;
Qu'il ne peut dès lors être reproché à la société Fiat d'avoir résilié le contrat de concession, une première fois le 24 avril 1997 avec préavis d'un an étant observé que cette résiliation qui pouvait intervenir à tout moment s'agissant d'un contrat à durée indéterminée, n'aurait pu engager la responsabilité du concédant qu'à la condition d'être en elle-même abusive ce qui n'était manifestement pas le cas, cette mesure n'entravant nullement en elle-même les négociations en cours; que la résiliation extraordinaire notifiée le 21 mai 1997 avec effet immédiat ne peut davantage engager la responsabilité de la société Fiat, cette mesure étant justifiée par la disparition, depuis le 25 février 1997, des garanties contractuellement exigées, par les impayés survenus depuis, non contestés, ainsi que par la rétention du prix de vente des véhicules confiés au concessionnaire, qui constituaient autant de causes de résiliation avec effet immédiat aux termes du contrat;
Sur l'offre de reprise du 16 mai 1997 de la société Colbeaux:
Considérant que la société Colbeaux fait valoir que son refus de réaliser l'offre du 16 mai 1997 est légitime, cette offre étant entachée de nullité pour défaut d'objet et indétermination du prix, pour erreur sur les qualités substantielles de la chose cédée, et pour dol résultant des nombreux mensonges et réticences du dirigeant de la société Seva M. Laisne; qu'elle ajoute que cette offre était caduque dès le 22 mai 1997 en raison de la modification de son objet résultant de la résiliation extraordinaire par la société Fiat du contrat de concession, l'acceptation de cette offre par la société Seva qui connaissait cette résiliation étant en tout état de cause dolosive et n'ayant pas pu produire effet; qu'elle conteste enfin la collusion qui lui est reprochée avec la société Fiat et affirme que sa propre bonne foi est entière;
Que Maître Delaby ès qualités rétorque que M. Colbeaux a été informé par le constructeur le 26 mai 1997 de sa décision de résilier le contrat à effet immédiat, alors que la société Seva n'a reçu que le 30 mai 1991, par signification d'huissier; cette résiliation "curieusement datée du 21 mai 1997"; qu'il fait valoir que le courrier immédiatement adressé le 30 mai 1997 à 15 heures 51, par télécopie, par M. Laisne à la société Colbeaux, acceptant sans réserves l'offre du 16 mai 1997, a rendu parfaite la vente du fonds, du stock et des murs aux conditions fixées dans cette offre; qu'il soulève une exception d'irrecevabilité tirée de ce qu'elles n'auraient été formées qu'en appel, des demandes de la société Colbeaux tendant à obtenir l'annulation pour dol de son offre du 16 mai 1997 et demandant qu'une expertise soit effectuée pour démontrer l'inanité des accusations de manipulation informatique concernant le courrier du 28 mai 1997 formées contre la société Colbeaux;
Considérant qu'il y a lieu d'écarter l'exception d'irrecevabilité de la demande de la société Colbeaux tendant à la constatation de la nullité de son offre, soulevée par Maître Delaby ès qualités; qu'en effet cette demande ainsi que sa demande subsidiaire tendant à voir constater la caducité de cette offre étaient déjà formées devant les premiers juges ainsi qu'en fait foi le jugement attaqué; que la demande d'expertise formée par la société Colbeaux est également recevable en la forme, s'agissant d'une mesure d'instruction qui peut toujours être demandée pour la première fois en appel;
Considérant qu'il est établi par la production de l'avis de passage n° 13A 8442 1149 5 FR des services postaux, qui porte les mêmes références que le récépissé remis à la société Fiat lors du dépôt de son courrier, que le courrier RAR du 21 mai 1997 de la société Plat, notifiant à la société Seva la résiliation extraordinaire du contrat avec effet immédiat, a été distribué à son destinataire dès le 22 mai 1997; que le dirigeant de la société Seva a été en outre informé par lettre RAR du 28 mai 1997 de la SARL Decours l'Enseigne, distribuée le 29 mai 1997 ainsi qu'en font foi les pièces versées aux débats, et notamment l'accusé de réception signé le 29 mai 1997, de la dépose des enseignes Fiat et donc à nouveau de la rupture immédiate du contrat de distribution;
Qu'il doit être reproché dans ces conditions à M. Laisne, qui savait que les actifs incorporels visés dans l'offre du 16 mai 1997 n'existaient plus, et que son entreprise était vouée dans un délai bref à une déclaration de cessation des paiements, d'avoir omis d'informer la société Colbeaux de cette modification substantielle de l'objet du contrat; qu'à lui seul, ce silence dolosif est de nature à vicier l'acceptation précipitée de l'offre par la société Seva, étant en outre observé qu'elle avait expressément rejeté cette offre quelques jours auparavant par courrier du 22 mai 1997; qu'une mesure d'expertise informatique portant sur le courrier daté du 28 mai 1997 de la société Colbeaux mais dont cette dernière reconnaît dans ses écritures qu'elle l'a adressé le 30 mai 1997 à la société Seva, et par lequel la société Colbeaux faisait savoir à la société Seva qu'elle considérait son offre "comme caduque", est sans intérêt; que la "collusion" reprochée à la société Fiat et à la société Colbeaux ne repose sur aucun fondement sérieux;
Qu'il y a lieu de débouter également Maître Delaby ès qualités de ses demandes tendant à la condamnation de la société Colbeaux à exécuter les engagements pris dans son offre du 16 mai 1997;
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 760 du nouveau Code de procédure civile:
Considérant que la société Colbeaux fait valoir que la procédure engagée à son encontre par Maître Delaby est manifestement abusive, et sollicite l'allocation de dommages-intérêts;
Mais considérant qu'il n'est pas établi que le liquidateur, qui a triomphé en première instance, ait abusé de son droit d'ester en justice; que cette demande sera rejetée;
Qu'il serait inéquitable en revanche que les sociétés Fiat et Colbeaux conservent la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel, pour lesquels leur seront alloués respectivement 10 000 euros et 8 000 euros;
Par ces motifs : Infirme la décision entreprise, en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Ecarte les exceptions d'irrecevabilité soulevées d'une part par la société Plat Auto France à l'encontre des demandes de Maître Delaby ès qualités pour défaut d'intérêt et de qualité à agir concernant l'échec de l'offre de reprise de la concession Seva par les consorts Choisy en mai/juin 1996, d'autre part par Maître Delaby ès qualités à l'encontre de la société Colbeaux, concernant la demande d'annulation de l'offre du 16 mai 1997, ainsi que sa demande d'expertise, Déboute Maître Delaby ès qualités de toutes ses demandes, et la société Colbeaux de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, Condamne Maître Delaby ès qualités à payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en première instance et en appel, à la société Fiat Auto France 10 000 euros et à la société Colbeaux 8 000 euros, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Bernabé-Chardia-Cheviller et la SCP Fanet-Serra-Ghidini, avoués, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.