CA Orléans, ch. corr., 2 novembre 1993, n° 695-93
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Hubert
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Veille
Conseillers :
Mme Lacabarats, M. Turquey
Avocats :
Mes Coinde, Poupot.
Par actes au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Tours, en date du 2 octobre 1992 par le prévenu A Louis puis le Ministère public, appel a été relevé d'un jugement rendu le 28 septembre 1992 par le Tribunal correctionnel de Tours qui:
- a relaxé L Jean des fins de la poursuite du chef de tromperie sur la nature, l'origine, la qualité ou la quantité de la marchandise (fait du 19 mars 1991 à Tours - 37),
- a déclaré A Louis coupable de tromperie sur la nature, l'origine, la qualité ou la quantité de la marchandise et de publicité mensongère, faits commis les 14 et 19 mars 1991 à Tours (37),
- l'a condamné, par application des articles 43-8 à 43-11, 51 al. 2 du Code pénal, 1, 6, 7 de la loi du 1er août 1905, 44-I, 44-II al. 7, 8, 44-II al. 9, 10 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1993, à 180 jours amende à 20 F,
- l'a condamné aux frais dus envers l'Etat et a dit que la contrainte par corps s'appliquera, s'il y a lieu, selon les dispositions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale,
Sur l'action civile:
- a déclaré la constitution de partie civile de Gérard Hubert irrecevable en ce qu'elle concerne Jean L, recevable et bien fondée à l'encontre de Louis A,
- a condamné Louis A à verser à Gérard Hubert, la somme de 42 350 F,
- a condamné Louis A aux dépens de l'instance civile.
LA COUR,
Vu le jugement et les appels susvisés.
Attendu que Louis A ne conteste pas avoir effectivement changé le moteur et refait la peinture du véhicule qu'il a vendu mais affirme n'avoir jamais tenté de masquer par du mastic, l'état de la carrosserie et du châssis.
Qu'il soutient également que le fait d'avoir fait procéder à une expertise par le Cabinet Crespelle et à un contrôle technique par Jean L est de nature à l'exonérer de toute responsabilité puisque aucune des anomalies ultérieurement constatées n'a été relevée par eux et qu'il ne saurait être exigé davantage d'un particulier que des professionnels de l'automobile.
Que Louis A qui fait valoir qu'il n'est pas de mauvaise foi, estime qu'il doit être renvoyé des fins de la poursuite.
Que celui-ci, en cas de condamnation, demande à la cour de réduire la somme allouée à la partie civile par la décision déférée.
Attendu que Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement entrepris quant à la culpabilité de Louis A mais il estime qu'une peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis probatoire assorti de l'obligation de rembourser la victime serait une sanction mieux adaptée.
Qu'en ce qui concerne L Jean, Monsieur l'Avocat général s'en rapporte à l'appréciation de la cour, en faisant observer que la décision des premiers juges contient des motifs de nature à justifier sa confirmation.
Attendu que Jean L sollicite la confirmation des dispositions du jugement le concernant et rappelle qu'il n'y avait pas de contrat entre lui et le plaignant et qu'il n'avait aucun intérêt dans la vente du véhicule.
Attendu que Gérard Hubert demande à la cour de confirmer les dispositions civiles du jugement attaqué.
Attendu que par acte en date du 27 mai 1992, Louis A a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir, à Tours:
1°) le 19 mars 1991, trompé sur les qualités substantielles du véhicule vendu en l'espèce, en vendant pour le prix de 41 500 F, un véhicule Peugeot 504 décapotable modèle 1972, qualifié en "bon état général" alors même que ledit véhicule devait se révéler impropre à la circulation,
2°) le 14 mars 1991, effectué une publicité mensongère, en l'espèce, en faisant apparaître une annonce dans le journal IP 37 qualifiant un véhicule "bon état général" alors que celui-ci était impropre à la circulation,
Attendu que par citation du 17 juin 1992 devant ledit tribunal, Jean L a fait l'objet de poursuites sous la prévention d'avoir, à Tours, le 19 mars 1991, trompé sur les qualités substantielles du véhicule vendu, en l'espèce en établissant un rapport de contrôle technique faisant uniquement état de trois remises en état immédiates, alors même qu'un contrôle effectué trois jours plus tard révélait de nombreuses anomalies sur le véhicule litigieux et en omettant lors de ce contrôle technique de procéder à un examen approfondi du véhicule litigieux notamment en le plaçant sur un élévateur de manière à vérifier les pièces situées sous le véhicule.
Attendu qu'au mois de novembre 1990, Louis A a fait l'acquisition, auprès de Monsieur Barillot pour la somme de 10 000 F, d'un véhicule Peugeot 504 Cabriolet qu'il a présenté le 8 novembre 1990 au Centre de Contrôle Technique CETAS, rue Giraudeau à Tours (37);
Que l'examen de ce véhicule mettait en évidence une corrosion de l'ensemble du plancher et du train arrière, dont une partie avait déjà fait l'objet de réparation;
Que le 14 février 1991, cette voiture était expertisée par la SARL Crespelle qui, dans un document du 25 mars 1991, qualifiait de normal l'état du véhicule et fixait sa valeur à 35 000 F;
Que le 14 mars 1991, Louis A faisait passer une annonce dans le journal "I.P. 37" en vue de la vente de la Peugeot 504 pour la somme de 43 000 F à débattre en précisant que ladite voiture était en bon état général;
Que le 19 mars 1991, Gérard Hubert a acheté le véhicule qu'il déposait trois jours plus tard au garage Peugeot de Rochecorbon;
Qu'à cette occasion, il apprenait que l'automobile présentait de telles anomalies qu'aucune remise en état ne pouvait valablement être effectuée;
Que Gérard Hubert, constatant que le contrôle technique effectué par un garagiste Jean L à l'occasion de la vente du 14 mars 1991 ne mentionnait pas les défauts relevés par les responsables du garage Peugeot de Rochecorbon, décidait de faire procéder à une expertise par le Cabinet ATB, dont le rapport du 4 avril 1991 faisait état du caractère dangereux du véhicule;
Attendu qu'en procédant lui-même au changement du moteur et à la réfection de la peinture, Louis A a pu constater l'état réel du véhicule et notamment les séquelles d'un choc à l'avant droit, ayant endommagé les longerons et le soubassement et plié le passage de roue;
Qu'il n'est pas contesté qu'à aucun moment, A Louis, a informé son acheteur de cet accident;
Qu'au surplus, le contrôle technique effectué le 8 novembre 1990 mentionnait expressément la corrosion du plancher et du train arrière;
Qu'ainsi, Louis A ne pouvait ignorer l'état de dégradation avancé de la voiture qu'il qualifie pourtant de véhicule en bon état dans l'annonce qu'il a fait paraître le 14 mars 1991;
Qu'enfin, le cabinet Crespelle avait fixé la valeur du véhicule à 35 000 F mais que Louis A l'a proposé à la vente au prix de 43 000 F à débattre, soit à 20 % au-dessus du prix moyen du marché;
Attendu que Louis A prétend que le prix de vente a été de 35.000 F mais qu'aucun reçu n'a été remis à Gérard Hubert qui soutient avoir acheté le véhicule pour la somme de 41 500 F, payée en espèces à la demande du vendeur et justifie du retrait auprès de sa banque de la somme de 42 000 F le jour de la vente;
Attendu que compte-tenu de ces éléments, il convient de retenir, comme l'affirme Gérard Hubert, que le prix de vente du véhicule litigieux a bien été de 41 500 F;
Qu'ainsi, cette somme, nettement supérieure au prix moyen du marché, était de nature à accréditer l'idée que le véhicule était effectivement en bon état;
Attendu que les contrôles manifestement insuffisants, effectués par Jean L ne sauraient exonérer Louis A de sa responsabilité pénale fondée sur la connaissance personnelle qu'il avait de l'état du véhicule vendu et la présentation qu'il en a faite notamment dans l'annonce parue dans le Journal "IP 37" le 14 mars 1991;
Que Louis A au moment des faits, avait déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment des chefs de vols et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique;
Que la peine prononcée en première instance, qui est adaptée à gravité des infractions et à la personnalité de l'intéressé doit être confirmée;
Attendu que la fiche de contrôle technique établie le 19 mars 1991 par Jean L ne fait état d'aucune anomalie concernant le châssis et la carrosserie du véhicule 504, alors que ces défauts sont tout à fait décelables pour un homme de l'art;
Qu'ainsi l'examen auquel a procédé L Jean est manifestement insuffisant et susceptible d'engager la responsabilité civile de l'intéressé qui a manqué aux règles élémentaires de sa profession de garagiste;
Attendu cependant, que l'on ne saurait déduire de l'incompétence de Jean L et alors qu'aucune collusion n'est établie ni même alléguée entre celui-ci et Louis A, l'intention de tromper les futurs acquéreurs du véhicule;
Attendu que Louis A prétend que le contrôle n'a été effectué par Jean L que postérieurement à l'accord de Gérard Hubert sur la chose vendue et sur le prix;
Attendu que Gérard Hubert soutient, quant à lui, que la réalisation de la vente était subordonnée aux résultats du contrôle technique;
Attendu que s'il est vraisemblable que l'acheteur a voulu s'entourer de toute garantie pour acquérir un véhicule dont la première mise en circulation avait eu lieu le 1er avril 1972, il n'en demeure pas moins qu'il n'est pas établi que le contrôle technique auquel a procédé L le jour de la vente a précédé celle-ci et a donc été de nature à tromper Gérard Hubert;
Qu'au demeurant, l'élément intentionnel qui est nécessaire pour constituer l'infraction n'est pas caractérisé en l'espèce;
Que c'est donc à bon droit que les premiers Juges ont renvoyé Jean L des fins de la poursuite;
Sur l'action civile:
Attendu qu'en première instance, Jean Hubert a réclamé la condamnation solidaire des prévenus à lui payer les sommes de 41 500 F à titre de dommages-intérêts, 1 700 F pour la location du garage où est entreposé le véhicule ainsi que celle de 850 F pour les frais d'expertise;
Qu'il n'a pas interjeté appel du jugement dont les dispositions civiles sont définitives en ce qui concerne Jean L;
Attendu que le tribunal a fait droit à la demande présentée par Jean Hubert à l'exception des frais de location du garage qui n'étaient pas justifiés;
Attendu qu'en cause d'appel, une attestation établie le 18 février 1993 par Monsieur Maroc Omar est versée aux débats;
Que celui-ci a acheté le véhicule Peugeot 504 à Gérard Hubert pour la somme de 15 000 F;
Attendu qu'au vu des éléments d'appréciation dont elle dispose, la cour estime devoir chiffrer à 25 000 F le préjudice subi par Hubert Gérard;
Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Reçoit les appels réguliers en la forme, Au fond, Sur l'action publique Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, la présente procédure est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné, Sur l'action civile Infirme en partie la décision entreprise, Condamne Louis A à payer à Gérard Hubert, la somme de vingt-cinq mille francs (25 000) en réparation de son préjudice, Le condamne aux dépens de l'action civile.