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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 26 janvier 2000, n° 98-01433

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CLV Sovac (SA)

Défendeur :

Latarche

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Falletti-Haenel

Conseillers :

Mmes Manier, Kueny

Avoués :

Selarl Dauphin & Neyret, Me Ramillon

Avocats :

Mes Dalmas, Jaillard.

TI Montélimar, du 5 févr. 1998

5 février 1998

Faits, procédure et moyens des parties:

La société CLV Sovac a consenti à Monsieur Eric Latarche une offre préalable de location avec promesse de vente portant sur un véhicule de type BX 4X4 d'une valeur de 13 656,60 F.

Le véhicule, objet du contrat, a été détruit lors d'un sinistre survenu le 29 décembre 1992 et la société bailleresse a réclamé à Monsieur Latarche les sommes de:

- indemnité contractuelle HT de dédommagement: 53 399,20 F

- TVA à 18,6 % sur cette indemnité: 9 931,25 F

- frais de gardiennage: 2 583,75 F

TOTAL: 69 915,20 F

Sous déduction:

- de l'indemnité versée par les assureurs: 13 000 F

- du montant des loyers payés après sinistre: 2 531,92 F

TOTAL: 15 531,92F

soit un solde de 50 383,28 F.

A défaut de règlement, elle l'a fait assigner pour obtenir le paiement de cette somme outre intérêts à dater du 29 décembre 1993, 3 000 F à titre de dommages et intérêts et 3 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 10 juillet 1997, le Tribunal d'instance de Montélimar a invité les parties à présenter leurs observations sur le caractère abusif des dispositions de l'article 4 du contrat de location du 25 avril 1989 et par un second jugement, en date du 5 février 1998, il a débouté la société Sovac de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur Latarche la somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société CLV Sovac a relevé appel de ce jugement le 27 mars 1998, demandant à la cour de le réformer, de condamner Monsieur Latarche à lui payer la somme de 50 383,28 F outre intérêts à compter de la date de décompte arrêté au jour du sinistre, soit le 29 décembre 1992 et celle de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que la valeur d'interruption HT au jour du sinistre correspond aux dispositions contractuelles, qu'il s'agit du montant de l'option d'achat intermédiaire au moment du sinistre, qu'en effet après paiement du loyer du 10 décembre 1992 l'option d'achat HT était de 54 312,95 F, qu'en fait elle a calculé 102 % de cette somme pour tenir compte du délai habituel entre le sinistre et la réception de l'indemnité, qu'il ne s'agit nullement d'une clause pénale mais que cette somme correspond à la réparation de son préjudice financier et qu'elle ne fait que réclamer au locataire la somme due pour interrompre le contrat en levant l'option d'achat.

Elle rappelle que l'option d'achat est un élément déterminant dans ce type de contrat, que la clause litigieuse ne crée pas à son profit un avantage excessif, qu'en effet s'il avait levé l'option d'achat, le preneur aurait réglé la somme contractuellement prévue à cet effet et aurait reçu, en cas de sinistre postérieur, les sommes qu'elle-même a perçues de l'assurance, de sorte que le bilan financier de l'opération aurait été le même.

Sur la prétendue irrégularité du contrat, elle relève que Monsieur Latarche l'a exécuté sans aucune difficulté, qu'il n'a engagé aucune action en nullité dans le délai de deux ans et que sa contestation actuelle tardive est irrecevable en application des dispositions de l'article L. 311- 37 du Code de la consommation.

Elle indique enfin que la clause litigieuse n'a pas le caractère de clause pénale ce qui résulte clairement de son mode de calcul.

Monsieur Latarche sollicite la confirmation du jugement déféré et forme appel incident pour obtenir le remboursement de la somme de 2 725,29 F outre intérêts au taux légal à compter du 3 février 1995.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de constater l'irrégularité de l'offre d'achat, de faire application des dispositions de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, de dire qu'en application de l'article 1722 du Code civil, aucune indemnité n'est due à la société Sovac dès lors qu'il n'a jamais levé l'option d'achat et, en l'absence de préjudice pour l'appelante, de réduire à la somme de un franc la clause pénale figurant à l'article 4b du contrat.

Dans tous les cas, il réclame paiement d'une indemnité de 10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose que la clause 4 B du 11 "Autres conditions générales" rentre manifestement dans les caractéristiques des clauses abusives visées aux articles L. 133-2 et L. 132-l du Code de la consommation, qu'en effet les clauses proposées par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible, ce qui n'est manifestement pas le cas, qu'en outre ladite clause crée un déséquilibre au profit de la Sovac, qu'en effet l'article 1722 du Code civil prévoit que si la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit sans qu'il y ait lieu à dédommagement, de sorte que l'appelante ne peut lui réclamer le prix de l'option d'achat, étant précisé qu'il n'a manifesté aucun acte de volonté en ce sens.

Pour démontrer que la clause litigieuse a le caractère de clause pénale, Monsieur Latarche relève qu'il a réglé des loyers à hauteur de 130 445,29 F et que la CLV Sovac a en outre perçu l'indemnité d'épave et l'indemnité d'assurance, soit 145 445,29 F, alors qu'elle a acheté le véhicule pour le prix de 101 938,75 F HT et que toute somme réclamée en sus ne peut que représenter une pénalité excessive.

Motifs de la décision:

L'article 4 de l'offre préalable de location prévoit notamment "b) en cas de sinistre total ou de vol, le bailleur encaisse le prix de vente de son épave et les indemnités de sinistre. A défaut ou sur insuffisance, le locataire indemnise lui-même le bailleur à concurrence de la valeur vénale du véhicule avant sinistre. La location étant résiliée de plein droit, le locataire verse en outre une indemnité égale à la différence entre les sommes ainsi perçues et le montant des sommes visées à l'article 2 alinéa c) ".

Cet article 2 alinéa e relatif à l'option d'achat est ainsi libellé:

"...l'option d'achat est celle fixée après la dernière échéance des 12 premiers mois, tous les loyers échus ou à échoir pendant cette période devant être payés".

Il convient de rappeler que ce bail avec option d'achat qui concerne un véhicule loué par un particulier est une opération soumise à la loi n° 78-22 du 8 janvier 1978 et aux dispositions des articles 1708 et suivants du Code civil.

La jurisprudence admet d'ailleurs que le locataire est fondé à demander la résiliation selon le droit commun du louage, en cas de destruction de la chose louée par cas fortuit (article 1722 du Code civil), sans indemnité de part, ni d'autre et l'application de ce texte impératif a incité les sociétés de crédit bail à obliger le locataire à s'assurer contre la perte du matériel loué.

Souvent les contrats types prévoient que par dérogation au contrat de louage, le locataire ne peut demander l'application de l'article 1722 du Code civil.

En l'espèce, non seulement l'application des dispositions de l'article 1722 du Code civil n'a pas été écartée par les clauses du contrat mais ledit contrat prévoit expressément qu'en cas de sinistre total, la location est résiliée de plein droit.

L'article 4 de l'offre préalable imposait au preneur d'assurer le véhicule, ce qu'il a fait dans des conditions satisfaisantes puisque la société CLV Sovac reconnaît avoir perçu l'indemnité d'assurance. Dans ces conditions, le bailleur ne pouvait sans abus, mettre à la charge du locataire une indemnité correspondant à la valeur de rachat du véhicule. Il y a en effet une contradiction flagrante entre le fait de prononcer la résiliation du contrat et de réclamer le montant de l'option d'achat et cette contradiction est responsable du caractère confus et du manque total de clarté de la clause 4 b) qui renvoie à l'article 2 alinéa e.La combinaison de ces deux articles est extrêmement difficile à appréhender et la cour observe d'ailleurs que le premier juge n'y est même pas parvenu, ce que la société CLV Sovac relève. L'appelante indique en effet "En ce qui concerne le caractère prétendument abusif de la clause contractuelle, elle n'a nullement pour objet, comme le prétend le tribunal, de garantir le paiement intégral des sommes prévues au contrat de location" et il convient d'admettre que si le tribunal a fait une mauvaise interprétation de la clause, il est évident que Monsieur Latarche n'a pas été en mesure d'en comprendre la portée lorsqu'il a signé l'offre préalable de location.

Il résulte de ces éléments et de ceux relevés par le premier juge que la clause litigieuse viole les dispositions des articles L. 133-2 et L. 132-1 du Code de la consommation de sorte que le tribunal l'a déclarée à bon droit non écrite.

Le contrat ayant été résilié de plein droit à la date du sinistre en application de la clause 4 et de l'article 1722 du Code civil, la société CLV Sovac doit être condamnée à rembourser à Monsieur Latarche la somme de 2 725,29 F correspondant au loyer de janvier 1993. Les intérêts au taux légal seront dus à compter de la demande formulée par conclusions du 7 décembre 1998.

L'équité justifie qu'une indemnité de 5 000 F soit allouée à Monsieur Latarche en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société CLV Sovac qui succombe sera déboutée de sa demande à ce titre.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la société CLV Sovac à payer à Monsieur Latarche la somme de 2 725,29 F (deux mille sept cent vingt-cinq francs et vingt neuf centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 1998 et celle de 5 000 F (cinq mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel avec application au profit de Maître Ramillon, avoué, des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.