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Décisions

Cass. crim., 14 janvier 2004, n° 03-82.056

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Barthol

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Thin

Avocat général :

M. Chemithe

Avocats :

Mes Georges, Bouthors.

Douai, 4e ch., du 26 nov. 2002

26 novembre 2002

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par D René, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 26 novembre 2002, qui, pour tromperie aggravée et abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 314-1 du Code pénal ainsi que des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré René D coupable d'abus de confiance et, en conséquence, l'a condamné, notamment de ce chef, à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, outre le versement à titre partiellement solidaire avec André Bardol d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts à la société X France;

"aux motifs, d'une part, qu'il était reproché à René D d'être gérant de fait de la SARL X; qu'il aurait en cette qualité et de mauvaise foi, abusé des biens de la SARL en s'abstenant de facturer à certains des clients diverses marchandises; que René D expliquait avoir envoyé les marchandises reprochées à certains clients mécontents afin de les dédommager de livraisons précédentes défectueuses; qu'ainsi ces produits étaient-ils acheminés vers le client en supplément d'une commande normale; que, cependant, lorsque René D faxait en Ecosse le bon de commande pour que soit établie la facture, le bon ne mentionnait plus les colis supplémentaires; que René D modifiait le bon et faisait disparaître les colis supplémentaires; que René D considérait avoir agi pour le bien de la société; que l'exploitation des documents comptables et de transports recensait entre mars et octobre 1999, 22 expéditions représentant 340 kilos de marchandises livrées sans être facturées; que René D expliquait que cette pratique lui paraissait plus simple que d'établir un avoir à chaque client mécontent; qu'il indiquait n'avoir jamais avisé son employeur de ce procédé; qu'il précisait que la marchandise prétendument défectueuse n'était pas retournée par les clients ce qui l'empêchait de vérifier le bien-fondé de leurs protestations; que les éléments de la procédure examinée n'établissent pas suffisamment que René D ait exercé une gérance de droit de la SARL X; que le fait de diriger les 9 salariés de Boulogne-sur-Mer, de régler les problèmes administratifs au nom de dirigeants demeurés en Ecosse, de détenir la signature sur le compte bancaire destiné à régler les charges sociales et fiscales ne suffisait pas; que, dans ces conditions, les faits retenus à l'encontre de René D et dont la matérialité n'est pas contestée relèvent de la qualification d'abus de confiance; que le prévenu a sciemment et sans autorisation de son employeur utilisé à d'autres fins des marchandises à lui remises pour être vendues; que l' ensemble de ces éléments suffisent à la cour pour le déclarer coupable de ce délit;

"1°) alors que le délit d'abus de confiance n'existe que si le détournement a été commis avec l'intention d'agir au préjudice d'autrui; qu'ayant relevé que le prévenu faisait valoir que les marchandises prétendument détournées, par ce non mentionnées dans les bons de commande adressés à la société X, étaient offertes par lui aux clients mécontents en dédommagement des lots de mauvaise qualité qui leur avaient été antérieurement livrés, de sorte qu'il s'agissait uniquement de satisfaire la clientèle de l'entreprise dans l'espoir de la conserver, la cour d'appel, qui a déduit l'abus de confiance de ce que les marchandises avaient sciemment été utilisées à d'autres fins que la vente sans caractériser l'intention d'agir au préjudice de la société X, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 314-1 du Code pénal;

"2°) alors qu'en ne s'interrogeant pas sur le point de savoir s'il n'entrait pas dans les attributions de René D, dont elle relève qu'il était le responsable commercial de la société X à Boulogne-sur-Mer, de livrer gratuitement des marchandises supplémentaires à des clients mécontents en dédommagement de livraisons précédentes défectueuses, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé;

"et aux motifs, d'autre part, qu'il était reproché à René D d'avoir dérobé à plusieurs reprises des caisses de langoustines et de noix de Saint-Jacques appartenant à la SARL X ; que René D expliquait qu'existait chez X comme dans toutes les entreprises de marée une pratique permettant aux salariés de récupérer des produits non commercialisés; que René D a produit devant la cour l'attestation de Jean Declercq qui l'assistait le 17 mai 2000 lors de l'entretien préalable au licenciement; que, selon l'attestation, M. Graeme Sutherland qui assistait à l'entretien pour le compte de X aurait acquiescé lorsque René D avait indiqué avoir toujours informé son employeur des marchandises prises; que cet élément ne peut suffire à exonérer le prévenu; que ni Graeme Sutherland n'étant pas le dirigeant de la SARL X et la gérante de celle-ci ayant toujours indiqué ne pas avoir donné d'autorisation à René D; que, de plus, les déclarations du prévenu durant l'enquête contredisent l'attestation de Jean Declercq qui ne sera donc pas retenue; que ces agissements de René D sont constitutifs du détournement prévu par l'abus de confiance et non de la soustraction du vol, les caisses de langoustines et de noix de Saint-Jacques lui ayant été volontairement remises par son employeur aux fins de commercialisation; qu'il conviendra de requalifier en ce sens les faits poursuivis; que l'ensemble des éléments ci-dessus suffisent à la cour pour déclarer le prévenu coupable de ce délit;

"alors que le détournement constitutif de l'abus de confiance doit avoir été réalisé au préjudice d'autrui; qu'il importait peu que la gérante de la société X eût prétendu ne jamais avoir donné son accord pour que René D disposât de langoustines et noix de Saint-Jacques non commercialisées à l'échéance de la période de conservation, dès lors que cette circonstance n'était pas contestée; qu'en effet, ces marchandises étant alors impropres à la commercialisation, leur détournement ne pouvait plus causer aucun préjudice à la société X , de sorte qu'en déclarant néanmoins René D coupable d'abus de confiance, la cour d'appel a violé l'article 314-1 du Code pénal";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 121-1 du Code pénal, des articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation ainsi que de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que la Cour d'appel de Douai a déclaré René D coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ayant eu pour effet de rendre celle-ci dangereuse pour l'homme et, en conséquence, l'a condamné, notamment de ce chef, à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, outre le versement à titre partiellement solidaire avec André Bardol d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts à la société X France;

"aux motifs que, durant l'enquête, René D a expressément reconnu avoir procédé personnellement à des remplacements d'étiquettes sanitaires afin de modifier la date limite de commercialisation de certaines marchandises, ou avoir exigé de ses salariés qu'ils y procèdent; qu'il précisait avoir agi sur ordre de sa direction; qu'il indiquait que cela permettait de prolonger la date limite jusqu'à 14 jours; que, de même, des salariés de X avaient confirmé cette pratique attribuée à René D; que, devant le tribunal et la cour, René D a nié avoir donné des ordres ou avoir personnellement changé les étiquettes des produits vendus; qu'à l'audience, il a précisé qu'il savait que ce procédé était mis en œuvre dans l'entreprise mais en renvoyait la responsabilité sur ses employeurs et André Bardol qui a contesté toute responsabilité en la matière; que René D admettait devant la cour qu'il savait que le procédé entraînait un risque sanitaire certain pour les consommateurs; que ces éléments suffisent à la cour pour déclarer le prévenu coupable du délit reproché;

"1°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait; que René D, simple responsable commercial, n'agissant pas en qualité de gérant de fait et ne disposant d'aucune délégation de pouvoir, ne pouvait être tenu pour responsable de pratiques découlant de la mauvaise qualité du poisson livré; qu'en ne précisant pas dans quelle mesure il aurait pu empêcher ces pratiques inhérentes à l'organisation même de l'entreprise, la cour d'appel, qui lui a fait supporter une responsabilité incombant aux seuls dirigeants, a violé les textes susvisés;

"2°) alors que la fraude en matière alimentaire suppose que, à l'occasion d'un contrat, l'agent ait trompé ou tenté de tromper son cocontractant; qu'en reprochant à René D, simple responsable commercial, d'avoir donné, sur ordre de sa direction écossaise, des instructions pour modifier l'étiquetage des produits et, en tout cas, d'avoir eu vent de ces pratiques dont il connaissait le caractère dangereux, sans caractériser aucun contrat à l'occasion duquel il aurait trompé ou tenté de tromper autrui, actes qui seuls consomment l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés";

Les moyens étant réunis; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.