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Décisions

Cass. crim., 18 mai 2004, n° 03-85.177

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chaumont

Avocat général :

M. Chemithe

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan.

Colmar, ch. corr., du 23 mai 2003

23 mai 2003

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par Q Sébastien, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2003, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et qui a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 30, 36 du traité instituant la Communauté européenne, L. 121-1, L. 212-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Sébastien Q coupable de publicité mensongère, en répression, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, outre la publication de l'arrêt par extrait, et a prononcé sur les réparations civiles;

"aux motifs qu'il ressort de l'enquête, de l'information, des débats et de l'exposé des faits retracé dans le réquisitoire définitif de renvoi, d'une part, que le prévenu bénéficiait d'une délégation de pouvoir régulière, qu'il a toujours admis sa responsabilité quant au contenu et à la mise en œuvre du message publicitaire, qu'il ne peut donc sérieusement rejeter la responsabilité sur la centrale d'achat allemande, d'autre part, que la législation interne est parfaitement compatible avec le droit européen dans la mesure où elle est protectrice des intérêts du consommateur; qu'il n'y a donc pas lieu de poser une question préjudicielle; qu'au fond, il est constant et non contesté que les ceintures importées et vendues n'étaient pas en cuir véritable, mais en croûte de cuir; qu'ainsi, la publicité diffusée par la société X était trompeuse; que l'infraction reprochée à Sébastien Q est caractérisée en tous ses éléments, observation étant faite que l'intéressé, professionnel de la grande distribution, avait connaissance de la réglementation qui lui avait été rappelée antérieurement (courrier du 16 décembre 1998);

"alors, d'une part, qu'en se bornant à relever que Sébastien Q, acheteur pour la société X, aurait été titulaire d'une délégation de pouvoirs, sans préciser quelle était l'étendue de cette délégation de pouvoirs, ni rechercher, comme elle y était invitée, si le prévenu était pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires au contrôle de la qualité des produits livrés par la centrale d'achat allemande, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision;

"alors, d'autre part, que l'article L. 212-1 du Code de la consommation n'est compatible avec les articles 30 et 36 du traité CEE qu'autant que son application au produit fabriqué dans un autre Etat membre n'est pas assortie d'exigences dépassant ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, compte tenu notamment des moyens de preuve normalement disponibles pour un importateur conformément au principe de proportionnalité; qu'il en résulte que, lors de la mise en vente du produit, l'importateur doit pouvoir se fier aux documents commerciaux délivrés par le fabricant dès lors qu'ils précisent la composition et la dénomination du produit, ces documents présentant un degré de garantie analogue à ceux émanant des autorités de l'Etat membre de production ou d'un laboratoire reconnu à cet effet par cette autorité; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la détention par Sébastien Q d'attestations émanant de son fournisseur l'assurant de ce que les produits litigieux étaient bien en cuir véritable n'était pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité pénale, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les magasins X ont diffusé un dépliant publicitaire informant les consommateurs de la région strasbourgeoise de la mise en vente de ceintures en cuir véritable à un prix très attractif; que l'analyse demandée par les agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes puis l'expertise contradictoire ordonnée en application des articles L. 215-11 et L. 215-12 du Code de la consommation ont établi que lesdites ceintures, qui étaient en croûte de cuir synthétique, ne pouvaient, par application des dispositions de l'article 1er de la loi du 25 juin 1936 et du décret du 18 février 1986, bénéficier de l'appellation cuir; que Sébastien Q, acheteur au sein de la société X, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour publicité de nature à induire en erreur, infraction prévue par l'article L. 121-1 du Code de la consommation;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, les juges, par motifs propres et adoptés, retiennent que l'intéressé, titulaire d'une délégation de pouvoir régulière, acheteur des ceintures et responsable du contenu et de la diffusion du message publicitaire mensonger, n'a pas vérifié la qualité réelle des articles litigieux au regard de la réglementation française, laquelle lui avait été récemment rappelée par l'Administration, se satisfaisant des indications fournies par le fabricant italien;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les documents commerciaux produits par le prévenu ne constituaient pas des certificats ou attestations présentant un degré de garantie suffisant pour pouvoir établir l'absence de faute de l'intéressé, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, matériels et moral, le délit de publicité de nature à induire en erreur, a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, le contrôle de conformité prévu par l'article L. 212-1 du Code de la consommation étant étranger à la prévention, ne peut qu'être écarté;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-58, 132-59 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis de se prononcer sur les demandes de dispense de peine et de dispense de mention sur le casier judiciaire formulées par Sébastien Q;

"alors que, saisie de demandes de dispense de peine et de dispense de mention sur le casier judiciaire du prévenu, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de les examiner et de se prononcer sur leur bien-fondé; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision";

Attendu qu'en condamnant le prévenu à 5 000 euros d'amende et en ordonnant une mesure de publication, la cour d'appel a nécessairement écarté sa demande de dispense de peine et d'exclusion de la mention de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire;

Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués dès lors que, même dans les cas où les conditions de l'article L. 132-59 du Code pénal sont réunies, l'application de la dispense de peine et l'exclusion de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire du prévenu constituent pour les juges du fond de simples facultés, de l'exercice desquelles ils ne doivent aucun compte; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.