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Décisions

Conseil Conc., 14 juin 2004, n° 04-D-20

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre sur des marchés publics de signalisation routière horizontale en régions Aquitaine et Midi-Pyrénées

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Fontaine, par M. Nasse, vice-président, présidant la séance, Mmes Aubert, Mader-Saussaye, Perrot, MM. Bidaud, Piot, membres.

Conseil Conc. n° 04-D-20

14 juin 2004

Le Conseil de la concurrence (section I),

Vu la lettre enregistrée le 11 janvier 1999, sous le numéro F 1122, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre sur des marchés publics de signalisation routière horizontale en Aquitaine et Midi-Pyrénées ; Vu le livre IV du Code de commerce, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, et le décret n° 02689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du Livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Equip'sols, Signature, Unidoc, Techniques Nouvelles, Prosign, SAR, Soltechnic, SOMARO, Viamark, et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Viamark, SOMARO, SAR et Prosign SA entendus lors de la séance du 16 mars 2004 ; les représentants des sociétés Soltechnic et Equip'sols ayant été régulièrement convoqués ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. L'activité

1. Généralités

1. La signalisation routière horizontale consiste en l'application, sur les voies de circulation, de marques destinées à matérialiser, par des symboles reconnus, les prescriptions résultant du Code de la route et à canaliser les files de circulation.

2. Les opérations de signalisation routière sont réalisées à l'aide de produits spécifiques (peintures, enduits à chaud ou à froid, bandes préfabriquées) et de machines appropriées à chacun des types de produits utilisés.

3. La maîtrise d'ouvrage incombe aux différentes collectivités publiques, selon le classement de la voie à traiter : Etat (ou, le cas échéant, société concessionnaire d'autoroute), département, communauté urbaine, commune. Les Directions Départementales de l'Equipement peuvent assurer la maîtrise d'œuvre des travaux.

4. L'exécution des travaux s'opère selon deux modalités : soit le maître d'ouvrage décide de confier les travaux de marquage à une entreprise à laquelle il achète en même temps les produits qui seront appliqués, soit il fait effectuer les travaux par ses propres services qui achètent les produits à appliquer auprès des fabricants.

5. Les entreprises spécialisées dans le marquage des chaussées adhèrent, pour la plupart, au Syndicat des Equipements de la Route (SER). Elles sont regroupées dans la section "signalisation horizontale". Ces entreprises sont traditionnellement classées en trois catégories. Certaines d'entre elles se contentent de revendre leurs fabrications, peintures, enduits, etc. aux applicateurs. Elles ne participent que de façon exceptionnelle à des marchés de travaux. D'autres entreprises participent à des marchés publics de travaux tout en vendant des produits de leur fabrication à d'autres applicateurs. Cette catégorie comprend les entreprises les plus importantes du secteur, notamment la société d'Applications Routières (SAR) et la société Prosign. Enfin, quelques entreprises, de taille plus modeste, cantonnent leur activité à quelques départements et limitent leur intervention à la participation à des marchés publics de travaux.

6. Selon la société SOMARO, le marché de la signalisation routière horizontale serait "un marché sans croissance avec des concurrents fortement enracinés".

2. Les principales sociétés de signalisation routière horizontale

a) La société d'Applications Routières

7. La société d'Applications Routières (SAR) appartenait au groupe LMS (Lafarge Matériaux de Spécialités). En 1995, son chiffre d'affaires s'élevait à 355,9 millions de francs, et ses effectifs étaient de 246 personnes. Elle avait notamment pour filiale les sociétés Signal, Secoroute (spécialisée dans les glissières de sécurité), et SLAPIS (spécialisée en signalisation verticale et horizontale). La société Signal était théoriquement concurrente de la SAR, Signal étant toutefois plus présente en Aquitaine, et la SAR en Midi-Pyrénées. Le chiffre d'affaires de la société Signal était de 43 millions de francs en 1993 et de 45,5 millions de francs en 1995 avec un effectif de 49 personnes. M. X... était, à l'époque des faits, conjointement président du conseil d'administration de la société Signal, directeur général de la SAR et président du conseil d'administration de la société Secoroute. Il est devenu président du conseil d'administration de la SAR après l'absorption par celle-ci de la société Signal, le 31 décembre 2001.

b) La société Prosign

8. La société Prosign appartient au groupe britannique Streamline et a réalisé un chiffre d'affaires de 268,6 millions de francs en 1995 pour un effectif de 157 personnes.

c) La société SOMARO

9. Filiale du groupe Bouygues, la société SOMARO a réalisé un chiffre d'affaires de 495 millions de francs en 1994 pour un effectif de 501 personnes.

d) La société Soltechnic

10. La société Soltechnic avait, en 1994, un chiffre d'affaires de 4 099 312 francs. Au vu des éléments recueillis lors de l'instruction, il s'agit d'une société de dimension modeste employant un faible nombre de salariés (moins d'une dizaine à temps plein), fortement dépendante des sociétés SAR et Prosign pour son approvisionnement en produits de marquage.

B. Les marchés concernés

1. Le marché de la signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de produits de marquage (1993-1995) passé par le Conseil général de la Haute-Garonne

a) Description du marché

11. Le Conseil général de la Haute-Garonne a lancé, le 28 avril 1993, une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de faire réaliser des travaux de fourniture et de mise en œuvre de produits de marquage sur routes départementales pour la période 1993/1995. Ces marchés triennaux étaient répartis en 3 lots : marquage traditionnel secteur nord (lot n° 1), marquage traditionnel secteur sud (lot n° 2), marquage avec obligation de résultats sur une portion de réseau (lot n° 3).

12. Les offres pouvaient être présentées par des entreprises uniques ou des groupements d'entreprises solidaires. La date limite de réception des offres était fixée au 3 juin 1993 et la commission d'appels d'offres s'est réunie le 5 juillet 1993.

13. La commission d'ouverture des plis a procédé au dépouillement des offres, le 7 juin 1993. Le groupement Prosign/SOMARO, moins-disant pour chacun des deux premiers lots (2 783 159,52 francs TTC pour le lot n°1 et 2 316 508,84 francs TTC pour le lot n° 2), a été déclaré attributaire de ces deux lots. S'agissant du lot n° 3, l'appel d'offres a été considéré comme infructueux, dans la mesure où seul le groupement Prosign/SAR a soumissionné. Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des offres présentées en vue de l'obtention de ce marché.

EMPLACEMENT TABLEAU

14. Le groupement Prosign/SOMARO, dont la société Prosign était le mandataire, a ensuite sous-traité aux sociétés Equip'Sols et Euroligne un montant de prestations de 500 000 francs chacune. Les actes de sous-traitance correspondants sont datés du 23 novembre 1993. Lors des actes d'engagement (la date limite de dépôt des offres était le 3 juin 1993), aucune sous-traitance n'avait été envisagée.

b) Pratiques relevées

15. En premier lieu, l'instruction relève des écarts égaux au dixième de pourcentage près entre les propositions. L'ordre des propositions et leur classement sont identiques pour les lots 1 et 2. Enfin, la "différence de propositions avec l'entreprise précédente est d'un rapport équivalent".

16. En second lieu, sur des feuillets saisis dans les locaux de la société Prosign, figurent les mentions manuscrites suivantes :

"RD Lot 1(N) : [PSG-Som] + EUR ST Lot 2 (S) : [PSG-Som] + Sar ST Lot 3 : [PSG-SAR]

à voir"

17. Les abréviations "ST"signifie sous-traitant, EUR "Euroligne", "PSG" Prosign, et "Som" SOMARO

18. Au feuillet 6 de la même cote, figurent des données similaires :

"RD L1 (N) PSG-Som + Eur Equipsols L2 (S) PSG-Som+ Sar L3 PSG-Sar (à voir)"

2. Le marché de la signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de marquage (1994-996) passé par le conseil général de la Haute-Garonne

a) Description du marché

19. Le Conseil général de la Haute-Garonne a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert, qui a fait l'objet d'une publication au BOAMP le 14 décembre 1993, en vue de faire réaliser des travaux de fourniture et de mise en œuvre de produits de marquage sur routes départementales pour la période 1994/1996. Cet appel d'offres a été lancé en vue de remplacer le lot n° 3 du marché de signalisation décrit au § 11.

20. Dans le cadre du nouvel appel d'offres, le Conseil général a décidé de subdiviser le lot initial en deux 2 lots distincts, le lot n° 1 portant sur le marquage avec obligation de résultats sur le secteur géographique nord du département (158 km) et le lot n° 2 sur marquage avec obligation de résultats sur le secteur géographique sud du département (147 km).

21. Les offres pouvaient être présentées par des entreprises uniques ou des groupements d'entreprises solidaires. La date limite de réception des offres était fixée au 7 janvier 1994. Neuf entreprises ont déposé des offres tant sur le secteur nord que sur le secteur sud.

22. Le rapport de présentation établi le 25 novembre 1993 par la DDE de Haute-Garonne souligne, qu'avec une offre de 3 071 977,10 francs TTC, l'entreprise SAR, attributaire du 1er lot, est moins disante sur le secteur nord. Cette offre représente une économie de 9 % par rapport au marché en cours détenu par le groupement Prosign/SOMARO Avec une offre à 2 888 201 francs TTC, l'entreprise Prosign, attributaire du lot 2, est la moins disante sur le secteur sud. L'économie réalisée est de 12 % par rapport au marquage concernant le marché en cours (Prosign/SOMARO).

23. Ces deux entreprises évoquent des évolutions techniques pour expliquer la diminution des prix. Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des propositions faites dans le cadre de l'appel d'offres.

EMPLACEMENT TABLEAU

b) Les pratiques relevées

24. Une modification avait été effectuée par le maître d'ouvrage par rapport à l'offre technique concernant le lot n° 3 du marché de signalisation routière horizontale sur routes départementales pour la période 1993/1995 par suite du caractère infructueux de l'appel d'offres sur ce lot. La rubrique concernant les travaux relatifs aux routes départementales RD 33 et RD 618 pour 13 693 mètres linéaires (ML) a été remplacée par des travaux portant sur la seule RD 33 pour un total de 13 582 ML, soit 111 ML de moins, ce qui représente une diminution de 0,8 % en volume. Or, bien que le nombre de mètres linéaires ait diminué, les sociétés Prosign et SAR proposent des prix respectivement supérieurs de + 32 % et + 32,74 % par rapport à ceux figurant pour cette rubrique dans l'offre conjointe de 1993.

25. En second lieu, sur la RD 12, les sociétés Prosign et SAR proposent chacune un prix en baisse de - 20,77 %, alors qu'aucune modification en terme de volume de travaux à accomplir n'est intervenue (21 018 ML pour les deux appels d'offres).

26. Enfin, il a été relevé que, s'agissant des lots nord et sud, les écarts de prix entre SAR et Prosign sont identiques (600 francs). De même, la somme des soumissions pour les lots 1 et 2 des sociétés Prosign et SAR est identique (5 954 313 francs).

27. Plus généralement, le rapport d'enquête relève que les deux entreprises attributaires ont reporté, pour la majeure partie, les prix proposés dans le cadre de l'offre groupée de 1993, alors que, par définition, les conditions économiques de réalisation étaient différentes (séparation du marché en deux lots distincts, offres individuelles et non plus groupée), ce qui était de nature à modifier le processus de formation des coûts et donc les prix proposés.

3. Le marché de la signalisation horizontale de travaux ayant pour objet "A 64 - mise en autoroute de la RN 117 - section Muret/Martres" passé par la DDE de la Haute-Garonne

a) Description du marché

28. La DDE de la Haute-Garonne a lancé, le 2 mars 1993, un appel d'offres restreint pour un marché de signalisation horizontale de travaux ayant pour objet A 64 - mise en autoroute de la RN 117 - section Muret/Martres.

29. Ce marché triennal à bons de commandes s'inscrit dans le projet global de réaménagement de la RN 117. La date limite de réception des offres était le 29/09/93. Le montant prévisionnel établi par l'administration était de 6 907 981 francs TTC.

30. Le marché a été attribué au groupement d'entreprise SOMARO/Prosign/SAR, dont le mandataire était la société SOMARO, pour un montant de 5 794 303 francs TTC. Les autres entreprises ayant déposé des offres sont : Midi Traçages, Signal SA, Sarl Unidoc, Viamark, Techniques Nouvelles.

31. Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des propositions faites dans le cadre de l'appel d'offres.

EMPLACEMENT TABLEAU

b) Pratiques relevées

32. Il est apparu que seule la société SOMARO a effectué des travaux. M. Y..., chef d'agence de la SAR a confirmé ce point dans un procès-verbal d'audition du 19 décembre 1996 en soulignant que la société SAR n'avait réalisé aucun travaux, ni obtenu aucun paiement, comme l'attestent les lettres d'éclatement jointes en annexe.

4. Le marché de la fourniture et la mise en œuvre de la signalisation horizontale sur routes départementales en Gironde (1996/1998) passé par le Conseil général de Gironde

a) Description du marché

33. Le Conseil général de Gironde a lancé un appel d'offres ouvert pour un marché à bons de commandes ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de la signalisation horizontale sur routes départementales en Gironde. Ce marché de 3 ans (1996/1998) était réparti en 2 lots distincts, portant le premier sur des opérations d'entretien par renouvellement de marquage existant (budget de fonctionnement), le second sur l'équipement d'aménagements neufs d'infrastructures routières (budget d'investissement).

34. La date limite de réception des offres a été fixée au 9 janvier 1996. La commission d'appel d'offres s'est réunie le 22 janvier 1996. Le lot n° 1 a été attribué au groupement d'entreprises Signal/Prosign/Soltechnic (société Signal mandataire) pour un montant de 5 713 448 francs TTC, avec la société SOMARO comme sous-traitant pour un montant de 700 000 francs TTC ; le lot n° 2, au groupement Signal/Prosign/SOMARO (mandataire société Signal) pour un montant de 2 355 887 francs TTC. Viamark, SAR, Girodline et Techniques Nouvelles avaient également déposé des offres.

35. Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des propositions faites dans le cadre de l'appel d'offres.

EMPLACEMENT TABLEAU

b) Pratiques relevées

36. Un cahier de la société Soltechnic, servant notamment aux études de marchés, porte la mention suivante : "le 19/12/95 entretien - conjoint Signal/Soltechnic Investissement Conjoint Prosign/Signal" alors que la date limite de réception des offres était le 9 janvier 1996 (la commission d'appel d'offres s'étant réunie le 22 janvier 1996) et que la société Soltechnic n'avait postulé que sur le lot n° 1.

37. De même, la société Soltechnic était en possession d'informations concernant les montants estimatifs des deux lots : "Lot 1 5 787 000 TTC" et "lot 2 2 443 000 TTC", ces montants étant relativement proches des montants proposés en définitive et, notamment, de l'estimation administrative.

38. De plus, les raisons évoquées par les entreprises pour la constitution des groupements sont discutables. Celles-ci mettent en avant l'accroissement du montant des marchés, de 5 717 770 francs en 1993 à 8 069 335 francs en 1996, qui les a conduit, à élargir les groupements (en 1993, seules les sociétés Signal et Prosign en faisaient partie) alors que, s'agissant du lot n° 1, le représentant de la société SOMARO a déclaré que sa société "[n'a] pratiquement pas travaillé l'an passé sur ce lot" (procès-verbal d'audition du 24 juin 1997). M. Z..., directeur général de l'entreprise Signal à Mérignac (procès-verbal audition du 20 septembre 1996), indique aussi que "les deux intervenants Soltechnic et SOMARO ont été pris dans les groupements à leurs demandes".

39. M. Z... déclare également : "nous équilibrons les parts de marché sur les travaux, en général, successivement avec le souci de conserver nos parts de marché sur la durée avec Prosign". M. Z... indique, dans le même procès-verbal d'audition, que "les deux autres intervenants Soltechnic et SOMARO ont été pris dans les groupements à leurs demandes". Le rapport d'enquête, s'appuyant sur des documents saisis auprès de la société Signal, soutient l'existence de cette répartition de marchés entre les sociétés Signal et Prosign : en 1993 et 1994, les marchés obtenus de manière conjointe par les sociétés Signal et Prosign auraient été réalisés, à hauteur de 57 %, par la société Signal et, à hauteur de 43 %, par Prosign.

5. Le marché passé par la Direction Départementale de l'Equipement (DDE) des Landes, ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de produits de marquage sur les chaussées des routes nationales en 1994/1996

a) Description du marché

40. La DDE des Landes a lancé un appel d'offres ouvert pour un marché ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de produits de marquage sur les chaussées des routes nationales (1994-1996).

41. La date limite de réception des offres de ce marché de 3 ans à bons de commandes était le 25/05/94. Celui-ci a été attribué à l'entreprise Secoroute (filiale de la SAR) pour un montant de 471 332 francs, qui l'a ensuite sous-traité à hauteur de 450 000 francs aux sociétés Signal et Prosign.

42. Les sociétés, ayant déposé une offre concurrente, sont : Soltechnic, SAS, Viamark, SAR Midi Pyrénées, La Rochoise, Secoroute, Signal/Prosign. Les sociétés Signal et Prosign, à qui Sécoroute a sous-traité le marché dans sa quasi-totalité, avaient déposé une offre conjointe.

43. Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des propositions faites dans le cadre de l'appel d'offres.

EMPLACEMENT TABLEAU

b) Pratiques relevées

44. Les sociétés Signal et Secoroute sont des filiales de la SAR. La société Secoroute est, selon M. Y..., spécialisée dans la pose de glissières de sécurité.

45. L'offre de Signal Prosign était supérieure de 20 % à celle de Sécoroute. L'acte de sous-traitance en faveur des sociétés Signal et Prosign est intervenu le 28 novembre 1994, soit postérieurement à la date limite de dépôt des offres (25 mai 1994). La raison invoquée par les entreprises pour expliquer que le marché a été sous-traité aux sociétés Signal et Prosign est, qu'entre temps, le carnet de commandes de la société Secoroute s'était rempli.

6. Le marché de la réalisation de barrettes en résine blanche réflectorisée pour la RN 10 dans le département des Landes (1994)

a) Description du marché

46. La Direction Départementale de l'Equipement des Landes a lancé un appel d'offres ouvert pour un marché ayant pour objet la réalisation de barrettes en résine blanche réflectorisée pour la RN 10 dans le département des Landes.

47. La date limite de réception des offres était le 14 octobre 1996. Le marché à été attribué au groupement d'entreprises solidaires Signal/Prosign/SOMARO, dont Signal était le mandataire pour un montant de 1 367 604 francs TTC. Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des propositions faites dans le cadre de l'appel d'offres.

EMPLACEMENT TABLEAU

b) Pratiques relevées

48. Plusieurs propositions sont d'un montant identique alors que des offres distinctes ont été déposées. Tel est le cas pour les sociétés suivantes : Techniques Nouvelles et Unidoc (1 684 179 francs pour l'hypothèse retenant 2 agents de moins que l'hypothèse de base) ; Soltechnic et Viamark (1 646 190 francs pour l'hypothèse retenant 2 agents de moins que l'hypothèse de base).

7. La pratique de répartition des marchés entre la société SAR et sa filiale Signal

49. Il est constaté que, sur l'ensemble des marchés ayant fait l'objet de l'enquête administrative, les offres de la société Signal, filiale de la SAR, étaient toujours plus compétitives dans les Landes et en Gironde que celles de sa société mère SAR. En revanche, en Haute-Garonne, les offres de la SAR étaient toujours moins disantes par rapport à celles de la société Signal. Les sociétés SAR et Signal ont, pour la plupart des marchés en cause, déposé toutes deux une offre, et ce alors que chacune de ces deux sociétés, était, comme le mentionnait M. Y..., chef d'agence à la SAR, dans un procès-verbal du 19 décembre 1996, mieux positionnée que l'autre sur une région (proximité géographique, meilleure connaissance de la clientèle). Elles ne se sont jamais groupées entre elles, mais avec leurs concurrents Prosign et SOMARO, et n'auraient pas davantage procédé à des sous-traitances mutuelles.

50. M. X... occupait, à l'époque des faits, des fonctions de dirigeant dans trois entités (SAR, Signal et Secoroute) : il était directeur général de la SAR et PDG de la société Signal, et également PDG de l'autre filiale, la société Secoroute.

c) Sur la base de ces constatations et en application de l'article L. 463-2 du Code de commerce, il a été notifié les griefs suivants sur le fondement de l'article L. 420-1 Code de commerce

51. S'agissant du marché de signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de produits de marquage (1993-1995) passé par le Conseil général de la Haute-Garonne :

"Dans le cadre du marché de signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de produits de marquage (1993-1995), les sociétés Prosign, SOMARO, SAR et Equip'sols ont échangé des informations préalablement au dépôt des offres, informations retrouvées dans des notes manuscrites saisies dans les locaux de la société Prosign, afin de se répartir les marchés et de prévoir notamment, en ce qui concerne le lot n° 1, la sous-traitance de prestations au profit des sociétés Euroligne et Equip'sols, alors qu'aucune mention de cette intention n'avait été portée lors du dépôt des offres à la connaissance du maître d'ouvrage. En conséquence, il est fait grief aux sociétés Prosign, SOMARO, SAR, Equip'sols et Euroligne, d'avoir, en s'étant réparti les marchés préalablement au dépôt des offres, et en ayant caché au maître d'ouvrage leur intention de recourir à la sous-traitance, faussé le jeu de la concurrence et trompé le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur ce marché, pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. "

52. S'agissant du marché de signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de marquage (1994-1996) passé par le Conseil général de la Haute-Garonne :

"Dans le cadre du marché visé en référence, les sociétés SAR et Prosign ont effectué, par rapport à l'offre qu'ils avaient présenté de manière conjointe pour le précédent appel d'offres, des modifications similaires sur deux rubriques. La première porte sur la route départementale (RD) 33, où, en dépit de la diminution du nombre de mètres linéaires, les sociétés Prosign et SAR ont augmenté le prix de leurs devis estimatifs respectivement de 32 % et 32,74 %. L'autre changement significatif concerne la RD 12, où chacune de ces deux entreprises a diminué sa proposition tarifaire de 20,77 %. L'écart total entre les deux offres sur les deux lots distincts est de 600 francs pour SAR sur le secteur sud et 600 pour Prosign sur le secteur nord. Cet écart correspond à celui avec l'offre conjointe SAR/PROSIGN de 1993. La société SAR a sur ce même marché reconduit la quasi-totalité des prix proposés dans le cadre de l'offre groupée SAR-Prosign effectuée dans le cadre du précédent appel d'offres, alors que les conditions économiques de réalisation avaient évoluées, le marché ayant été séparé en deux lots distincts et chaque société ayant présenté une offre individuelle et non plus une offre conjointe, ce qui est de nature à impacter le processus de formation des coûts. Dans la mesure où tant les modifications, entreprises par les sociétés SAR et Prosign, que la reconduction des prix proposés en 1993 par la société SAR, ne peuvent résulter que d'un échange d'informations entre ces deux sociétés préalable au dépôt effectif des offres, il est fait grief aux sociétés SAR et Prosign d'avoir échangé des informations, faussé le jeu de la concurrence et trompé le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence, pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce "

53. S'agissant du marché de signalisation horizontale de travaux ayant pour objet "A 64 - mise en autoroute de la RN 117 - section Muret/Martres" :

"Les sociétés SAR, Prosign et SOMARO, qui étaient les trois sociétés les plus importantes du secteur ont présenté, concernant le marché de signalisation horizontale de travaux ayant pour objet "A 64 - mise en autoroute de la RN 117 - section Muret/Martres", une candidature groupée, alors que seule la société SOMARO a effectué des travaux sur ce marché. Il est fait grief aux sociétés SAR, Prosign et SOMARO d'avoir mis en œuvre des pratiques qui avaient pour objet et pour effet de restreindre la concurrence sur ce marché. En faussant ainsi le jeu de la concurrence et en trompant ainsi le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur ce marché, les sociétés SAR, Prosign, et SOMARO, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce".

54. S'agissant du marché ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de la signalisation horizontale sur routes départementales en Gironde (1996/1998) passé par le Conseil général de Gironde :

"S'agissant du marché ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de la signalisation horizontale sur routes départementales en Gironde (1996/1998), des mentions figurant sur un cahier de la société Soltechnic cote 1430 feuillets 318 et 320 révèlent l'existence d'échanges d'informations préalablement au dépôt des offres entre les sociétés Soltechnic, Signal, Prosign et SOMARO Cet échange d'informations concerne le nom des candidats et les montants proposés dans le cadre de l'appel d'offres, y compris pour le lot n° 2 pour lequel la société Soltechnic n'avait pas déposé d'offre. Les candidatures en groupement, Signal/Prosign/Soltechnic pour le lot n° 1 avec la société SOMARO comme sous-traitante, et Signal/Prosign/SOMARO pour le lot n° 2, conjuguées à l'absence de travaux effectués par la société SOMARO sur ce lot, de même que l'objectif de répartition des enveloppes financières entre Signal et Prosign, à concurrence de 57 % pour Signal et 43 % pour Prosign, confirment l'existence d'une entente entre ces sociétés sur ce marché. Il est fait grief aux sociétés Soltechnic, Signal, Prosign et SOMARO d'avoir échangé préalablement au dépôt des offres des informations, de s'être réparties les deux lots du marché ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de la signalisation horizontale sur routes départementales en Gironde (1996/1998), et de s'être ainsi livrées à des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce."

55. Le marché ayant pour objet la fourniture et la mise en œuvre de produits de marquage sur les chaussées des routes nationales en 1994/1996 :

"Il est fait grief aux sociétés Signal, filiale à 100 % de la SAR, Prosign d'avoir présenté une offre de couverture en collaboration avec la société Secoroute, également filiale de la société SAR, qui leur a ensuite confié en sous-traitance le marché considéré. En faussant le jeu de la concurrence et en trompant le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence sur ce marché, les sociétés Ssignal, Prosign et Secoroute ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, les pratiques mises en œuvre par la société Secoroute étant, compte tenu de son absence d'autonomie juridique, commerciale et financière, imputées à la SAR."

56. S'agissant du marché ayant pour objet la réalisation de barrettes en résine blanche réflectorisée pour la RN 10 dans le département des Landes (1994) :

"En réponse à l'appel d'offres concernant le marché ayant pour objet la réalisation de barrettes en résine blanche réflectorisée pour la RN 10 dans le département des Landes (1994), les sociétés Techniques Nouvelles et Unidoc, d'une part, et Soltechnic et Viamark, d'autre part, ont présenté des devis estimatifs strictement équivalents. En ayant échangé des informations préalablement au dépôt des offres, afin d'égaliser leurs devis estimatifs, la similitude de ces derniers ne pouvant, a priori résulter, que d'une telle pratique, les sociétés Techniques Nouvelles et Unidoc, d'une part, et Soltechnic et Viamark, d'autre part, ont trompé le maître d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence. Il est fait grief aux sociétés Soltechnic et Viamark, d'une part, et aux sociétés Unidoc et Techniques Nouvelles, d'autre part, de s'être livrées, en échangeant des informations préalablement au dépôt de leurs offres, à des pratiques anticoncurrentielles et d'avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce sur le marché considéré."

57. S'agissant de la répartition des marchés entre la société SAR et sa filiale Signal :

"Les sociétés SAR et Signal n'ont, d'une part, pas porté à la connaissance des différents maîtres d'ouvrage la nature des liens capitalistiques et fonctionnels qui les unissaient, alors que ces liens étaient étroits et renforcés par le cumul de fonctions de direction de M. X... au sein des différentes sociétés du groupe. Les sociétés SAR et Signal se sont, d'autre part, coordonnées afin d'établir leurs offres de manière à ce que la société Signal, filiale de la SAR, ait des offres toujours plus compétitives dans Les Landes et en Gironde, et que les offres de la SAR soient toujours moins disantes par rapport à celle de sa filiale en Haute-Garonne. Dans la mesure où elles ont faussé le jeu de la concurrence et trompé les maîtres d'ouvrage sur la réalité et l'étendue de la concurrence en régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, il est fait grief aux sociétés SAR et Signal de s'être livrées à des pratiques anticoncurrentielles et d'avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. "

58. Au stade du rapport il a été proposé d'abandonner les griefs retenus à l'encontre des pratiques mises en œuvre à l'occasion du marché ayant pour objet la réalisation de barrettes en résine blanche réflectorisée pour la RN 10 dans le département des Landes (1996), en ce qu'ils sont dirigés contre les sociétés Unidoc et Techniques Nouvelles, ainsi que les griefs retenus à l'encontre des pratiques mises en œuvre à l'occasion du marché de la DDE des Landes portant sur la fourniture et la mise en œuvre de produits de marquage sur les routes nationale en 1994-1996.

II. Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil

A. Sur le fond et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens tires de la durée excessive de la procédure et de l'absence de la communication de pièces a l'appui de la notification de griefs

1. Sur le marché de la signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de produits de marquage (1993/1995) passé par le Conseil général de la Haute-Garonne

59. A l'appui du grief notifié aux sociétés Prosign, SOMARO, SAR et Equipsols relatif à ce marché, le rapport relève que des notes manuscrites, saisies dans les locaux de la société Prosign, mentionnant les attributaires et les sous-traitants des lots 1 et 2, attesteraient que cette société avait, préalablement au dépôt des offres, échangé des informations sur les soumissions avec les autres sociétés mises en cause (cote 164), que ces feuillets sont non datés mais seraient nécessairement antérieurs à l'ouverture des plis dans la mesure où ils évoquent les résultats du lot n° 3, alors que l'appel d'offres a été déclaré infructueux en ce qui concerne ce lot.

60. Les sociétés SOMARO et Prosign font valoir que rien ne démontre que ces notes manuscrites n'ont pas été rédigées entre le 5 juillet 1993, date à laquelle les résultats du premier appel d'offres ont été connus, et le 1er décembre 1993, date à laquelle a été lancée la nouvelle consultation pour le lot n° 3. Selon la société Prosign, ces feuillets seraient des documents préparatoires aux deux tableaux présentant le bilan des travaux réalisés en 1993 dans le cadre des appels d'offres sur différents marchés de Haute-Garonne, figurant en cotes 162 et 163 du rapport, nécessairement établis après l'attribution des marchés. Elle porte, notamment, à l'attention du Conseil le fait que le document manuscrit en cause mentionne les résultats d'appels d'offres, lancés par la ville de Toulouse, qui n'ont été rendus publics que le 11 juillet 1993. Enfin, les entreprises destinataires des griefs soulignent que ces documents ne mentionnent pas toutes les entreprises soumissionnaires mais seulement celles ayant présenté des offres en groupement.

61. La société SAR soulève, en outre, que les feuillets ont été saisis chez Prosign et que les irrégularités soulevées ne concernent que les deux premiers lots, pour lesquels la société SAR n'était pas soumissionnaire.

62. De fait, les feuillets manuscrits concernés comportent, en haut de page, les indications mises en cause relatives aux trois lots de l'appel d'offres lancé par le Conseil général de la Haute-Garonne et, en bas de page, des indications relatives aux marchés obtenus par les sociétés SAR, Prosign et SOMARO à la suite d'appels d'offres, lancés par la ville de Toulouse, et dont l'ouverture des plis a eu lieu le 21 juin et le 11 juillet 2003 (cote 164). Dans ces conditions et en l'absence d'autre élément permettant de dater ce document avec plus de certitude, il ne peut être exclu que l'ensemble de la page ait été rédigé postérieurement à cette dernière date, et donc à celle du 3 juin 1993, date de l'ouverture des offres par le Conseil général de la Haute-Garonne pour le marché en cause.

63. Il n'est, en conséquence, pas établi que les sociétés Prosign, SOMARO, SAR, Equip'sols et Euroligne aient échangé des informations préalablement au dépôt des offres en vue de se répartir ce marché.

2. Sur le marché de la signalisation routière horizontale sur routes départementales consistant en des travaux de fourniture et de mise en œuvre de marquage (1994/1996) passé par le Conseil général de la Haute-Garonne

64. Il est reproché aux sociétés SAR et Prosign d'avoir échangé des informations préalablement au dépôt des offres pour ce marché. A l'appui de ce grief, le rapport relève le parallélisme des hausses pratiquées sur les prix relatifs à la route départementale RD 33 (+ 32 et 32,74 % pour les sociétés SAR et Prosign), le fait que l'écart total entre les deux offres sur les deux lots distincts est de 600 francs pour SAR sur le secteur sud et de 600 francs pour Prosign sur le secteur Nord, et le fait que la société SAR a reconduit la quasi-totalité des prix de l'offre groupée SAR-Prosign déposée lors du précédent appel d'offres, alors que les conditions économiques de réalisation avaient évolué, le marché ayant été séparé en deux lots distincts et chaque société ayant présenté une offre individuelle et non plus une offre conjointe.

65. La société Prosign observe que l'augmentation des prix pour la RD33 était justifiée par une modification importante de son tracé et du kilométrage à aménager, intervenue entre les deux appels d'offres.S'agissant de l'écart de 600 FF constaté entre ses offres pour les lots 1 et 2 et celles de Prosign, elle rappelle qu'elle a, pour sa part, reconduit pour l'essentiel des postes les prix de l'offre groupée de 1993, alors que la société Prosign a modifié les prix pour 12 des 15 postes, et que les écarts constatés ne peuvent, dans ses conditions, relever que d'une simple coïncidence.

66. La société SAR fait valoir que la comparaison en pourcentage de l'augmentation constatée dans les deux offres pour les travaux sur la RD33 n'est pas significative dès lors que le prix qu'elle a proposé n'est pas identique à celui de l'offre de la société Prosign. Elle confirme que l'allongement de la RD33, de l'ordre de deux kms, explique que ce poste de prix ait dû être augmenté. Elle soutient également que la différence de 600 FF ne peut constituer, à elle seule, un indice suffisant pour établir un échange d'informations avec la société Prosign.

67. Les éléments du dossier attestent en effet qu'entre les deux appels d'offres, le tracé de la RD 33, et donc le volume des travaux de signalisations à effectuer, a été modifié. Il n'est donc pas anormal que les deux sociétés mises en cause aient augmenté leur prix pour ce poste.

68. Par ailleurs, le parallélisme relevé entre les offres, et notamment le fait que le total des offres des deux sociétés sur les deux lots s'élève à la somme de 5 954 313 francs, peut s'expliquer par le fait que les deux sociétés ayant présenté une offre commune lors du premier appel d'offres de juin, elles ont établi leur nouvelle offre sur la base de prix unitaires identiques et d'évaluations de quantités communes. En tout état de cause, en l'absence d'autres indices ou éléments probants, cet élément est insuffisant à lui seul pour établir que les deux sociétés ont procédé à des échanges d'informations préalablement au dépôt de leurs offres.

3. Sur le marché de la signalisation horizontale de travaux ayant pour objet "A 64 - mise en autoroute de la RN 117 - section Muret/Martres"

69. Il est reproché aux sociétés SAR, Prosign, SOMARO de s'être entendues afin de présenter une candidature groupée, alors que seule la société SOMARO a effectué des travaux sur ce marché.

70. Les sociétés SOMARO et SAR soutiennent que les caractéristiques propres aux marchés à bons de commandes justifiaient pleinement le recours à un groupement pour ce marché, et citent la décision n° 01-D-61 dans laquelle le Conseil a reconnu que ce type de marché rendait difficile l'établissement de prévisions de travaux et pouvaient nécessiter la mobilisation de moyens importants sur une courte durée. Ces contraintes seraient, selon elles, amplifiées s'agissant, comme en l'espèce, de travaux neufs pour lesquels les interventions des entreprises de signalisation sont tributaires de l'état d'avancement des travaux routiers. La société SOMARO fait également valoir que le marché était d'un montant très important (6 907 981 francs TTC) au regard du chiffre d'affaires annuel de l'agence locale concernée (de l'ordre de 12 millions de francs). Plus généralement, l'entreprise Prosign relève que le recours aux groupements permet aux entreprises de signalisation routière horizontale de mutualiser des équipements et des personnels techniques très spécialisés. Elle invoque également les contraintes qui pèseraient sur la mobilité géographique des entreprises. Les sociétés mises en cause expliquent encore que le fait que la société ait été la seule à effectuer des travaux s'explique par la faiblesse des commandes finalement, passées par le maître d'ouvrage, qui se sont limitées à 700 000 francs, soit un montant très inférieur à celui de l'appel d'offres. Selon la société Prosign, les déclarations du chef d'agence de la société SAR suivant lesquelles sa société n'aurait fait "aucun travaux ni obtenu aucun paiement, comme l'attestent les lettres d'éclatement jointes en annexe 1" ne constituent qu'un simple constat faisant suite à l'achèvement du marché et ne sont pas un indice d'entente.

71. Le Conseil a considéré à de nombreuses reprises (cf. notamment par décisions n° 01-D-16 du 24 avril 2001 et n° 03-D-19 du 15 avril 2003) que la constitution, par des entreprises indépendantes et concurrentes, d'un groupement en vue de répondre à un appel d'offres n'est pas, en soi, illicite. De tels groupements peuvent avoir un effet pro-concurrentiel s'ils permettent à des entreprises ainsi regroupées de concourir alors qu'elles n'auraient pas été en état de le faire isolément, ou de concourir sur la base d'une offre plus compétitive. Ils peuvent, en revanche, avoir un effet anticoncurrentiel s'ils provoquent une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates, dissimulant une entente anticoncurrentielle de prix ou de répartition de marchés. L'absence de nécessités techniques et économiques de nature à justifier ces groupements peut faire présumer de leur caractère anticoncurrentiel.

72. En l'espèce, certaines des justifications avancées par les entreprises apparaissent contradictoires. Ainsi, la mutualisation des moyens des différentes entreprises semble difficile si leur mobilité est réduite. Par ailleurs, la formation de groupements n'apparaît pas toujours comme la seule solution aux problèmes soulevés, ou la plus adaptée : la recherche d'un taux d'occupation optimal des équipements et personnels pourrait peut-être relever plus efficacement de la gestion des entreprises prises individuellement et non du recours systématique aux groupements, pratique qui réduit le nombre de concurrents et affaiblit donc nécessairement le jeu de la concurrence. Le montant total des commandes 1 cotes 216-220 passées par la DDE de Haute-Garonne sur la durée du marché, soit 704 000 francs, est toutefois très faible par rapport au montant estimé des travaux (6 907 981 francs), et, dans ces conditions, le fait que seule l'une des sociétés membres du groupement attributaire ait effectué des travaux ne peut, à lui seul, indiquer que le groupement constitué avait pour objet de fausser le jeu de la concurrence.

4. Sur le marché de la fourniture et la mise en œuvre de la signalisation horizontale sur routes départementales en Gironde (1996/1998)

73. Il est reproché aux sociétés Soltechnic, Prosign, Signal et SOMARO de s'être livrées à un échange d'informations préalables au dépôt d'offres pour ce marché et de s'être présentées en groupement afin de fausser le jeu de la concurrence. A l'appui de ce grief, le rapport relève qu'une pièce manuscrite saisie dans les locaux de Soltechnic (cote 243), datée du 19 décembre 1995, mentionne, pour chacun des deux lots mis en concurrence, les membres des groupements attributaires, alors que la société Soltechnic, qui n'a pas soumissionné pour le lot 2, n'aurait pas dû avoir connaissance de ces éléments avant l'ouverture des plis, le 22 janvier 1996. Le même document mentionne des montants proches de ceux des offres déposées pour les deux lots. Par ailleurs, la société SOMARO a déclaré n'avoir pratiquement pas effectué de travaux sur le lot 1 alors qu'elle avait été désignée comme sous-traitante. Le rapport cite également les déclarations d'un représentant de la société Prosign, qui seraient contradictoires par rapport aux justifications données, par ailleurs, par les entreprises pour la constitution des groupements et feraient état d'une entente en vue d'une répartition des marchés entre Signal et Prosign.

74. Selon la société Soltechnic, les mentions manuscrites mises en cause s'expliqueraient par le fait qu'elle-même et les sociétés SAR, SOMARO, et Prosign, avaient, dans un premier temps, envisagé de répondre en groupement à l'ensemble du marché (lot 1 et lot 2) et mené des discussions dans ce sens, avant que Soltechnic décide de se limiter à la gestion d'un seul lot. S'agissant des montants des deux lots, elle déclare qu'il s'agit d'estimations qui lui ont été communiquées par le maître d'œuvre. La société Prosign fait valoir, pour sa part, qu'aucun élément ne permet de soutenir qu'elle aurait communiqué à la société Soltechnic les informations figurant sur ce feuillet et que certaines d'entre elles ne peuvent avoir été communiquées que par le maître d'œuvre. La société SOMARO relève qu'elle n'est mentionnée ni comme sous-traitante sur le lot 1 ni comme membre du groupement soumissionnaire pour le lot 2. Elle signale aussi que la société Soltechnic n'ayant pas soumissionné sur le lot 2, l'échange d'informations dénoncé ne peut, en tout état de cause, avoir eu pour objet ou pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence entre les soumissionnaires.

75. S'agissant des justifications données à la constitution de groupements, la société SOMARO signale qu'il n'est pas exact qu'elle n'aurait pratiquement pas effectué de travaux sur le lot 1 en tant que sous-traitante puisque le montant des sommes qu'elle a facturé s'élève à 1 302 836 francs et qu'en tout état de cause, s'agissant d'une sous-traitance, le niveau de sa contribution ne contredit aucunement les déclarations faites sur les motifs ayant conduit à la constitution d'un groupement. Selon la société Prosign, la déclaration de M. Z... suivant laquelle "les deux autres intervenants Soltechnic et SOMARO ont été pris dans les groupements à leur demande" n'est pas en contradiction avec les déclarations de MM. A... et B... selon lesquelles "en 1996, [les] groupements ont été augmentés par la présence de deux autres participants : Soltechnic et SOMARO car la masse des travaux à réaliser en 1996 avait augmenté très sensiblement par rapport à 1993 (...)" dans la mesure où, pour que ces deux sociétés puissent être intégrées au groupement, "il était indispensable [qu'elles] en fassent la demande (particulièrement pour Soltechnic, nouveau venu sur le marché) ".

76. Enfin, la société Prosign conteste la pertinence des calculs de répartition de marché effectués sur la base des documents, relatifs à des marchés antérieurs, saisis dans les locaux de la société Signal (cf. paragraphe 39 ci-dessus), au motif qu'ils sont sans liens avec le marché en cause, et signale des erreurs qui, au surplus, infirmeraient le constat selon lequel les parts respectives des deux sociétés seraient identiques en 1993 et 1994. Selon la société Signal, l'objectif de répartition financière évoqué par la notification de griefs porte sur les marchés de 1993 et 1994, et ne peut valablement s'appliquer au marché concerné, pour lequel la date de dépôt des offres était le 9 janvier 1996 ; de surcroît, cet objectif de répartition financière ne constituait qu'un constat a posteriori des interventions des sociétés Signal et Prosign dans l'exécution de ces marchés.

77. S'agissant des mentions manuscrites figurant sur la pièce, datée du 19 décembre 1995, saisie dans les locaux de Soltechnic (cote 243), le fait que cette société note, à cette date, le nom de l'une des sociétés avec lesquelles elle allait déposer une offre en groupement et le montant approximatif de cette offre ne peut être retenu comme l'indice d'une concertation anticoncurrentielle entre ces deux sociétés. Par ailleurs, la société Soltechnic n'ayant pas soumissionné pour le lot n° 2, sa connaissance, préalablement au dépôt des offres, du nom de deux des sociétés qui déposeront pour ce lot une offre en groupement et du montant approximatif de leur offre ne révèle pas qu'elle se soit concertée avec ces entreprises afin de fausser le jeu de la concurrence lors de l'appel d'offres en cause.

78. S'agissant des deux groupements constitués entre les sociétés Prosign, Signal et Soltechnic, d'une part, et Signal, Prosign et SOMARO, d'autre part, le caractère imprécis des déclarations de M. Z... et de la comparaison entre le montant des travaux effectués par les sociétés Prosign et Signal en 1993 et 1994, ne permet pas, en l'absence d'autre élément, de considérer que la constitution de ces groupements a eu pour objet de restreindre la concurrence au cours de cet appel d'offres.

5. Sur le marché de la réalisation de barrettes en résine blanche réflectorisée pour la RN 10 dans le département des Landes (1996)

79. Il est reproché aux sociétés Soltechnic et Viamark d'avoir échangé des informations préalablement au dépôt des offres pour ce marché. A l'appui du grief notifié, le rapport retient que les deux sociétés ont déposé des offres exactement identiques, d'un montant de 1 646 190 francs, pour la variante prévoyant la mise à disposition de deux agents de moins que l'offre de base.

80. La société Soltechnic fait valoir que, n'ayant pas de matériel pour la réalisation de barrettes en résine, elle a demandé un prix à la société Viamark dans la perspective de lui sous-traiter une partie du marché.

81. Selon la société Viamark, le marché ne portant que sur un seul produit, avec un bordereau estimatif comportant très peu de rubriques, il existait une forte probabilité d'aboutir à certains totaux identiques.

82. Le montant de la variante "avec deux agents de moins" correspond de fait au prix de fourniture des barrettes en résine. Dans ces conditions, la similitude relevée entre les deux offres, dont il ne peut être exclu qu'elle résulte d'une simple coïncidence, est insuffisante pour établir l'existence d'une concertation entre les sociétés Soltechnic et Viamark ayant eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'occasion de cet appel d'offres.

6. Sur la pratique de répartition des marchés entre la société SAR et sa filiale Signal

83. Il est reproché à la société SAR et à sa filiale à 100 %, la société Signal, d'avoir coordonné leurs offres de manière à ce que la société Signal présente des offres toujours plus compétitives dans les Landes et en Gironde, et que les offres de SAR, sa maison-mère, soient toujours moins disantes en Haute-Garonne.

84. La société SAR observe que le fonctionnement commercial de sa filiale était tout à fait autonome et indépendant du sien, qu'elle était implantée dans une zone géographique différente et était dirigée par des personnes distinctes, sous le seul contrôle desquelles étaient élaborées les études de prix et les soumissions aux marchés publics. Selon elle, il est, par ailleurs, logique que, compte tenu des nécessaires déplacement de matériel et de personnel, ses prix soient plus élevés lorsqu'elle répond à des marchés de la région Aquitaine, alors qu'elle est située à Toulouse, et que ceux de la société Signal soient les moins élevés lorsque cette société répond à des marchés dans la région Midi-Méditérranée, alors qu'elle est implantée à Bordeaux. Elle ajoute que le fait que M. Z..., directeur général de Signal, signait les actes d'engagement en lieu et place du président de cette société, M. X... qui était également directeur général de la SAR, ne constitue pas un indice de concertation mais reflète au contraire l'autonomie des offres des deux sociétés.

85. Aux termes d'une jurisprudence constante, qui a été rappelée dans la décision n° 03-D-01 relative au comportement des sociétés du groupe "Air Liquide" dans le secteur des gaz médicaux, le Conseil considère qu'il est loisible à des entreprises, ayant entre elles des liens juridiques ou financiers mais disposant d'une autonomie commerciale, de présenter des offres distinctes et concurrentes, à la condition de ne pas se concerter avant le dépôt des offres. Il est également loisible à des entreprises, ayant entre elles des liens juridiques ou financiers mais disposant d'une autonomie commerciale, de renoncer, généralement ou ponctuellement, à cette autonomie commerciale, à l'occasion des mises en concurrence ou d'une mise en concurrence et de se concerter pour décider quelle sera l'entreprise qui déposera une offre ou de se concerter pour établir cette offre, à la condition de ne déposer qu'une seule offre. En revanche, si de telles entreprises déposent plusieurs offres, la pluralité de ces offres manifeste l'autonomie commerciale des entreprises qui les présentent et l'indépendance de ces offres. Mais, si ces offres multiples ont été établies en concertation ou après que les entreprises aient communiqué entre elles, elles ne sont plus indépendantes. Dès lors, les présenter comme telles trompe le responsable du marché sur la nature, la portée, l'étendue ou l'intensité de la concurrence et cette pratique a, en conséquence, un objet ou, potentiellement, un effet anticoncurrentiel. Il est, par ailleurs, sans incidence sur la qualification de cette pratique que le responsable du marché ait connu les liens juridiques unissant les sociétés concernées, dès lors que l'existence de tels liens n'implique pas nécessairement la concertation ou l'échange d'informations.

86. Au cas d'espèce, il n'existe au dossier aucun élément permettant d'établir que la société SAR et sa filiale Signal se sont concertées pour établir leurs offres.

87. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les sociétés Prosign, SOMARO, SAR, Equip'sols, Soltechnic, Signal et Viamark ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Décision

Article unique - Il n'est pas établi que les sociétés Prosign, SOMARO, SAR, Equip'sols, Soltechnic, Signal et Viamark ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.